En marge de l’ouverture du Congrès des maires de France, le gouvernement s’est engagé à porter devant l’Assemblée nationale en janvier une proposition de loi déjà adoptée par le Sénat, et qui vise à améliorer les conditions d’exercice du mandat d’élu local.
Le débat sur la réserve parlementaire revient dans les deux assemblées
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Six ans après sa disparition, la réserve parlementaire n’a jamais fait autant parler d’elle dans les deux assemblées. Les initiatives se multiplient en cette rentrée pour faire renaître ce système de subventions, laissé à la discrétion des parlementaires. Ce dispositif permettait à chaque député ou sénateur d’allouer des moyens budgétaires à des projets d’intérêt local, aussi bien dans les budgets communaux que dans l’action des associations de leur choix, généralement dans sa circonscription, pour un montant total de l’ordre de 140 000 euros. Les lois de confiance dans la vie politique de l’été 2017 ont finalement eu raison de ce mécanisme, souvent empreint de soupçons de clientélisme selon ses détracteurs.
Rappelons que cette enveloppe, aussi connue sous le nom de « dotation d’action parlementaire », s’est développée à partir de 1973 à l’Assemblée nationale, et en 1989 au Sénat. Destinée à l’origine pour aider les collectivités en difficulté financière, elle constituait une sorte de « droit des tirages » des parlementaires sur le budget de l’État, sachant que la Ve république a largement contraint leur pouvoir d’initiative en matière budgétaire. L’article 40 de la Constitution leur interdit de présenter des propositions ou des amendements qui auraient pour conséquence de diminuer ou aggraver les charges publiques.
Le débat était revenu ces dernières années de façon sporadique. Le mouvement semble plus profond cette fois. Depuis des mois, une partie du Parlement s’active pour remettre dans le débat public l’éventuelle réintroduction ce système, sous une version modernisée. Beaucoup estiment que la redirection d’une partie des fonds dans des dotations à la main des préfets a complexifié le processus, le rendant moins souple et plus lent.
Une proposition de loi transpartisane déposée à l’Assemblée nationale en février 2023
Le 1er février, deux députés – Dino Cinieri (LR) et André Villiers (Horizons) – ont déposé une proposition de loi transpartisane « visant à rétablir la pratique de la réserve parlementaire, au profit des petites communes et des associations ». Près de 120 députés de tous bords ont co-signé le texte, soit 20 % de l’hémicycle tout de même. On y retrouve principalement des députés de toutes les oppositions, mais aussi des membres de la famille présidentielle comme Renaissance, y compris des députés « repentis » qui avaient voté en faveur de la fin de la réserve parlementaire en 2017.
Les auteurs estiment que la « gestion centralisée » des subventions, qui a pris le relais des réserves parlementaires, est apparue comme trop « distante » des territoires. « Les parlementaires disposent d’une proximité irremplaçable et bienvenue pour évaluer la pertinence des projets à soutenir », plaident les députés dans l’exposé des motifs de leur proposition de loi. L’article unique précise que les parlementaires disposent de crédits pour subventionner des « travaux divers d’intérêt local » ou financer des projets portés par des associations ou des communes de moins de 18 000 habitants.
Naissance d’un collectif regroupant près de 30 % des députés
À la rentrée, un groupe de pression s’est même monté, avec une toute palette d’outils pour faire relayer leur idée : site internet, pétition, actions de communication. Au total, ce sont 165 députés « appartenant aux principaux groupes », qui se sont organisés sous la bannière du « Collectif pour la réserve parlementaire ». Le 27 septembre, il a formellement demandé lors d’une conférence de presse l’inscription du texte à l’agenda de l’Assemblée nationale, au cours d’une semaine « transpartisane ». L’initiative a reçu le soutien de l’Association des maires de France (AMF).
Chambre qui représente les collectivités territoriales, le Sénat n’est évidemment pas resté à l’écart de cette campagne. Le 28 septembre, deux membres du groupe LR, Laurence Muller-Bronn et Alain Houpert (LR) ont déposé le même texte, défendu par le Collectif pour la réserve parlementaire. En juillet 2017, le Sénat s’était opposé à la suppression pure et simple de la réserve, et avait fait adopter en remplacement de celle-ci une « dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements » (relire notre article).
Une seconde proposition de loi déposée au Sénat en octobre
Cette semaine c’est un nouveau texte, toujours dans le même esprit, qui a été rendu public. Les centristes Hervé Maurey et Dominique Vérien, et la sénatrice LR Kristina Pluchet signent un texte proche du précédent dans l’esprit, mais qui comporte quelques différences. Dans son intitulé, la proposition parle d’une réserve en faveur des « communes rurales et des associations », et non des « petites communes et des associations », dans le texte déposé à l’Assemblée nationale.
Le seuil retenu des communes pouvant bénéficier des investissements fléchés par les parlementaires serait abaissé à 3500 habitants contre 18000, dans le texte des députés. Le texte accorde aussi la possibilité d’en faire bénéficier les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants, c’est-à-dire celles issues de la fusion d’au moins deux anciennes communes. Autre différence, sur le plan des associations : la proposition de loi Maurey-Vérien-Pluchet précise que les subventions doivent bénéficier aux associations qui ont souscrit un contrat d’engagement républicain. De telles structures s’engagent à respecter un certain nombre de grands principes (liberté, égalité, fraternité, dignité de la personne humaine, laïcité) et ne pas porter atteinte à l’ordre public dans leurs actions, selon la loi du 12 avril 2000.
Autre précision importante, les auteurs demandent que les bénéficiaires de cette réserve parlementaire rendent public l’usage qui en aura été fait, selon des modalités qui resteraient à définir dans un texte réglementaire. Les trois sénateurs expliquent que ces renseignements devront comprendre « la liste des bénéficiaires, le montant versé, la nature du projet financé et le parlementaire, ou groupe politique, attributaire ». Longtemps critiquée pour son caractère opaque, la réserve parlementaire avait évolué dans ses dernières années, à la suite du scandale de l’affaire Cahuzac et de la loi pour la « transparence de la vie publique ». Celle-ci avait imposé à l’Assemblée nationale et au Sénat de rendre publique la liste des subventions allouées par les parlementaires.
Dans l’argumentaire joint à leur proposition de loi, les trois sénateurs relèvent au passage que le gouvernement n’a pas créé, comme il s’y était engagé, un « fonds d’action pour les territoires ruraux et les projets d’intérêt général », ni à inclure les parlementaires dans le processus d’attribution des crédits issus des réserves parlementaires.
Comme le texte de leurs homologues députés, l’incertitude règne sur l’inscription du texte à l’ordre du jour. L’examen des textes budgétaire va occuper le Sénat durant de longues semaines. S’agissant de l’Union centriste, son prochain espace dédié à ses textes se déroulera le 14 décembre.
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