Allez-vous échanger demain avec un robot conversationnel en mairie pour refaire votre carte d’identité ? Le bus de la ville, pourra-t-il optimiser son trajet selon ses passagers à bord ? Pour l’instant, nous en sommes qu’au début. Mais c’est dans cette direction que propose d’aller le rapport d’information sur l’intelligence artificielle (IA) et son usage dans les collectivités territoriales présenté par la sénatrice Pascale Gruny, sénatrice LR de l’Aisne et la sénatrice écologiste des Yvelines, Ghislaine Senée.
« J’ai conscience que l’IA suscite beaucoup d’espoir, mais également de nombreuses interrogations et une grande peur », lance Pascale Gruny en conférence de presse. « Nombreuses sont les personnes qui se questionnent sur l’impact de l’IA sur l’emploi, sur les liens avec l’environnement, mais aussi avec les citoyens ».
Pour Ghislaine Senée, il est nécessaire de « démystifier » l’IA. « L’humain reste très important, il ne faut pas oublier que l’IA ne reste qu’un outil qui, à mon sens, est parfois trop survendu », rassure la sénatrice.
Une convention citoyenne sur l’IA
Dans cette optique de démystifier l’IA, le rapport préconise une sensibilisation pour les élus et les citoyens. « Moi-même lorsque j’ai entendu pour la première fois parler d’IA au cours d’une réunion au Sénat, je me suis trouvée totalement démunie », avoue Pascale Gruny.
Afin de faire accepter l’utilisation de cette nouvelle technologie au sein des collectivités, la formation et l’explication de son usage s’avèrent obligatoires. La sensibilisation vise à apaiser les tensions notamment sur les questions autour des destructions d’emplois. Selon une étude de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), dans les pays développés, c’est 5,5 % des emplois qui pourraient être effectués par l’IA générative seule. « Au sein des administrations, l’IA n’est pas là pour détruire des emplois, mais plutôt pour les valoriser », défend la sénatrice LR.
Une sensibilisation auprès des citoyens est également envisagée afin d’assurer l’acceptation de chacun. « A l’image de ce qui a été fait à Montpellier, il faut mettre en place des conventions citoyennes sur l’IA pour qu’il y ait un véritable processus démocratique autour des enjeux de cette technologie », assure Pascale Gruny.
L’IA déjà utilisée dans des collectivités
Dans son application, l’introduction de l’IA dans les collectivités vise à « automatiser des tâches répétitives, fastidieuses et chronophages », dixit le rapport. Parmi les tâches envisagées d’être accompagnées par l’IA : la communication des collectivités, la gestion des budgets, les ressources humaines ou encore la veille juridique.
« Les collectivités n’ont pas attendu le rapport pour se saisir des potentialités de l’IA », se réjouit Ghislaine Senée. Cet été, la ville de Paris a utilisé l’IA lors des Jeux olympiques pour la sécurisation de l’événement. En Haute-Garonne, dans la commune de Sicoval, l’intelligence artificielle est mise en pratique pour la connaissance des places de stationnements disponibles. La nouvelle technologie permet également la gestion des déchets afin de limiter le gaspillage alimentaire dans les cantines scolaires de Nantes.
Afin de coordonner les projets d’IA dans les collectivités, les sénatrices recommandent la mise en place de « Comités territoriaux de la donnée ». A des fins d’intérêt général, les comités permettront de favoriser les échanges d’expériences sur les projets entre les collectivités. « Il nous faut à tout prix éviter le décrochage de certaines collectivités en matière d’IA. Toutes ne sont pas au même degré de maturité », prévient Ghislaine Senée. « Les projets IA doivent s’organiser autour de collectivités cheffes de file ». Avec une expertise sur des projets IA, les collectivités « cheffe de file » doivent pouvoir partager leur expérience aux autres collectivités.
Un problème environnemental
Mais derrière les possibilités de l’IA, se cache une technologie énergivore. Dès sa conception, l’IA nécessite des ressources importantes en électricité, en eau et en métaux rares. La conservation des données dans les data centers requiert une consommation électrique conséquente et qui ne cesse de croître dès lors que l’IA est alimentée. Le rapport recommande de « prendre en compte le bilan environnemental de l’IA lors de l’attribution d’un marché public ».
La création d’une bibliothèque nationale des projets IA développés par les collectivités est aussi envisagée. Sur cette plateforme numérique, une rubrique dédiée à l’impact environnemental des projets sera disponible.
« Il faut que les acteurs se conforment avec le droit en vigueur sur l’IA »
Outre les risques sur les emplois et les conséquences environnementales, c’est la sécurisation des données qui pose question. La Commission européenne en a même fait l’un de ses enjeux prioritaires en faisant voter l’année dernière la loi européenne sur l’intelligence artificielle (IA Act) visant à encadrer l’usage de cette nouvelle technologie. Parmi les menaces observées : la conservation des données personnelles par les géants de l’IA (en majorité américaine ou chinoise).
« Il faut que les acteurs se conforment au droit en vigueur sur l’IA. Lorsqu’une collectivité signe avec un sous-traitant, elle doit s’assurer que celui-ci respecte le droit », espère Ghislaine Senée. Pour ce faire, le rapport propose une « sensibilisation » des élus locaux et des cadres administratifs au droit de la conformité dans le cadre des projets IA.
Une charte éthique et une mise en conformité des collectivités territoriales pour prévenir des cyber-risques est également envisagée sur la question de la sécurité de l’IA.
Avec des budgets largement diminués par la dernière loi de finances, les collectivités risquent de rencontrer quelques difficultés dans la levée de financement de projets IA. Dans le plan France 2030, qui prévoit d’investir massivement dans les technologies innovantes, près de 2,5 milliards sont dédiés à l’intelligence artificielle.