Les mots sonnent comme une alerte. A moins de 15 jours des élections européennes, Emmanuel Macron en visite d’Etat en Allemagne a tenté de mobiliser le camp des pro-européens face au péril, que constitue selon lui la montée de l’extrême droite. Le 27 mai, depuis Dresde, le président français a appelé à un “réveil démocratique” face à la « tyrannie des extrêmes ». Une alerte lancée alors qu’en France la liste du Rassemblement national est donnée à plus de 30% dans les intentions de vote, et que dans de nombreux européens, comme en Italie, les partis d’extrême droite bénéficient de bons sondages.
Une dynamique politique à relativiser
« Si on regarde les projections, la montée de l’extrême droite ne va pas changer les équilibres politiques au Parlement européen », assure Christophe Préault, directeur de la rédaction du site d’information Toute l’Europe, spécialisé dans les questions européennes. « Les deux groupes de droite eurosceptique Identité et démocratie (composé des députés du RN) et les Conservateurs Réformistes Européens vont certes gagner des sièges mais les groupes pro-européens (Parti populaire européen, Renew Europe, Sociaux-démocrates et les Verts) devraient glaner au total 450 sièges, ce qui permettra de former une majorité. »
A quoi va ressembler la majorité au Parlement européen ?
Une majorité actuelle (PPE, Renew et Sociaux-démocrates) qui pourrait néanmoins être obligée de s’élargir, à sa gauche chez les Verts, ou alors à sa droite. L’actuelle présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula Von der Leyen, candidate du PPE à sa succession, ne ferme d’ailleurs pas la porte au groupe de droite radicale des Conservateurs Réformistes Européens (CRE), qui accueille notamment les députés italiens de Fratelli d’Italia, le parti de Giorgia Meloni, la cheffe du gouvernement italien, avec qui elle entretient de bonnes relations. « Giorgia Meloni veut montrer qu’elle est constructive au sein du Conseil européen qui réunit les Etats-membres de l’Union européenne, elle joue le jeu des 27 », explique Lucile Bréhaut, responsable du pôle Europe du site d’information Contexte. Mais une alliance avec les députés de Giorgia Meloni n’est pas vue d’un bon œil de la part des sociaux-démocrates, deuxième force politique du Parlement européen.
Recomposition de l’extrême droite en vue à venir
Autre option pour Giorgia Meloni au soir des européennes, former un « super groupe » d’extrême droite en fusionnant les troupes de son groupe CRE avec celles d’Identité et démocratie. Une fusion souhaitée par Marine Le Pen, mais les deux groupes divergent depuis des années sur la question des relations avec la Russie, du soutien à l’Ukraine ou encore les solutions à apporter à la question migratoire.
Pour ne rien arranger, la récente exclusion du parti d’extrême droite allemand l’AFD, après les propos révisionnistes de sa tête de liste Maximilian Krah, selon lesquels « les SS n’étaient pas tous automatiquement des criminels », fragilise le groupe ID. « Pour former un groupe au Parlement européen, il faut 23 députés et 7 pays. Le groupe Identité et démocratie détenait seulement 59 députés mais représente seulement 7 pays avec l’Allemagne donc il y aura sans doute une recomposition de l’extrême droite au Parlement européen », annonce Christophe Préault.