En marge de l’ouverture du Congrès des maires de France, le gouvernement s’est engagé à porter devant l’Assemblée nationale en janvier une proposition de loi déjà adoptée par le Sénat, et qui vise à améliorer les conditions d’exercice du mandat d’élu local.
Elus locaux : « Le maire pâtit de la carence de l’autorité régalienne de l’Etat », juge David Lisnard
Par Henri Clavier
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Après la démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins, la question, centrale au Sénat, de la protection et de l’autorité des élus a fait l’objet d’une importante médiatisation. De manière générale, remplir un mandat semble devenir de plus en plus difficile. Selon les chiffres du mois d’avril du ministère de l’intérieur, 1293 maires ont déjà démissionné depuis les élections de juin 2020.
Devant un cénacle sénatorial largement acquis à la cause de la protection mais aussi de la revalorisation du pouvoir et de l’autorité des élus locaux, David Lisnard a tenu à placer son propos dans une perspective longue et générale que ce dernier considère comme une « crise de civisme ». La mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire a été créée le 31 janvier 2023 à l’initiative du groupe LR afin de répondre aux difficultés rencontrées par les communes que cela soit dans l’application de certaines normes législatives ou réglementaires ou pour faire face à l’augmentation des agressions à l’encontre des élus.
L’autorité, réponse à la crise civique
Tout au long de son propos, le président de l’Association des maires de France (AMF) n’a cessé d’appuyer sur l’importance de l’autorité dans la perspective d’une revalorisation de l’action publique. « L’ autorité, dans le sens utilisé par Hannah Arendt dans La crise de la culture, doit augmenter le pouvoir de la démocratie. Il y a une interaction entre la perte d’autorité et le délitement civique », profère David Lisnard. Le terme d’autorité fait référence ici à la capacité d’améliorer, Hannah Arendt explique dans son ouvrage que c’est de cette faculté que découle l’autorité. « Le maire pâtit de la carence de l’autorité régalienne qu’est l’Etat », résume David Lisnard qui considère qu’il faut renforcer le pouvoir de décision accordé aux maires.
Par ailleurs, le président de l’AMF accompagne sa réflexion intellectuelle d’idées tangibles. « Je suis pour un droit de véto du maire sur sa commune. Le maire c’est le contrat social communal », martèle David Lisnard tout en insistant sur l’importance, pour le maire, de pouvoir interpréter le droit et de ne pas être tributaire des services déconcentrés de l’Etat notamment. « Faisons des textes avec des grands principes de droit, des principes généraux donnons un pouvoir réglementaire d’application et d’interprétation réglementaire aux collectivités territoriales », résume le président de l’AMF qui appelle à « recréer de la responsabilité locale ».
« L’Etat doit cesser de vouloir tout schématiser et anticiper a priori et retrouver une autorité forte a posteriori »
En voulant faire de la « vitalité communale » la base de la réponse à une crise démocratique, David Lisnard propose logiquement une critique acerbe du rôle actuel de l’Etat qui mine l’autorité des collectivités territoriales. « Si nous voulons lutter contre la crise civique, il faut de la vitalité communale, elle n’est qu’une abstraction si les collectivités territoriales sont sous tutelle juridique et financière de l’Etat », explique David Lisnard. Une manière de rappeler que la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un impôt local, rend les collectivités territoriales encore plus dépendantes du budget de l’Etat et de la dotation globale de fonctionnement accordée.
Le président de l’AMF considère que « l’Etat doit cesser de vouloir tout schématiser et anticiper a priori et retrouver une autorité forte a posteriori. Plus l’Etat a été défaillant dans ses missions principales, de police et de respect de l’ordre public, à l’égard de ceux qui abusent et plus l’usage est entravé ». Des paroles qui traduisent une critique plus générale de l’évolution de l’Etat et déplore une « complication » des normes, portée par une technocratisation du fonctionnement étatique. Le zéro artificialisation nette et ses difficultés de mise en œuvre illustre selon David Lisnard ce phénomène.
« Une intercommunalité ne devrait pas pouvoir imposer une décision à une commune membre »
Afin de refaire de la commune un échelon incontournable, David Lisnard explique l’importance du respect du principe de subsidiarité, soit le fait de faire reposer l’action publique sur l’échelon le plus proche de la population. Une évidence pour David Lisnard puisque la « proximité crée de la responsabilité ». Sans évoquer exclusivement les rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales, cette notion peut s’appliquer à un échelon local. En rappelant que les précédentes élections municipales avaient été l’occasion de l’entrée en vigueur de certaines dispositions prévues par la loi NOTRe, le président de l’AMF identifie une difficulté dans l’obligation de rejoindre une intercommunalité. « Il y a une doctrine qui continue de penser que les grands ensembles seraient plus justes et pertinents que les petites […] les grandes organisations ont tendance à se traduire par une dilution des responsabilités », une nouvelle source de réduction de l’autorité des maires pour David Lisnard qui juge qu’»une intercommunalité ne devrait pas pouvoir imposer une décision à une commune membre ».
Sans nécessairement vouloir davantage de régionalisation ou de différenciation entre les territoires, David Lisnard résume sa pensée à travers cette formule : « ce qui relève de l’initiative locale, ça s’appelle l’ordre spontané ». Une référence assumée à l’économiste Friedrich Hayek, alors que le président de l’AMF confie avoir « un côté anar’ de droite ».
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