LAURENT FABIUS President du Conseil Constitutionnel a Douai

Décision du Conseil constitutionnel : le gouvernement peut souffler, il pourra avoir recours au 49.3 d’ici cet été

Le gouvernement aura bien la possibilité de recourir à l’article 49.3 de la Constitution pour un texte ordinaire d’ici le mois de juin. C’est le sens de la décision du Conseil constitutionnel de ce jeudi. La juridiction avait été saisie par les députés RN qui estimaient que le gouvernement avait déjà engagé sa responsabilité sur le projet de loi de programmation des finances publiques, le 15 novembre dernier.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

C’est une décision qui pourrait avoir son importance pour la suite de la session parlementaire et même la suite du quinquennat. Ce jeudi, le Conseil constitutionnel a donné tort aux députés RN qui estimaient que le gouvernement avait grillé ses cartouches en ayant eu recours à l’article 49.3 de la Constitution, le 15 novembre dernier, lors de l’adoption du projet de loi de programmation des finances publiques.

Pour mémoire, le 49.3 donne la possibilité au Premier ministre d’engager la responsabilité de son gouvernement sur tout projet de loi en débat à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire de faire passer un texte sans le vote des députés. Après son activation, les débats sont suspendus et le projet de loi concerné aussitôt considéré comme adopté. A moins que les élus ne déposent une motion de censure dans les 24 heures. Si celle-ci est adoptée, le texte est rejeté et le gouvernement renversé.

A noter que depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, à l’exception des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, le 49. 3 ne peut plus être utilisé que sur un seul projet de loi ordinaire au cours de la même session parlementaire.

Or, le gouvernement avait eu recours à l’article 49 alinéa 3, pour le projet de loi de programmation des finances publiques en septembre dernier, lors de la session extraordinaire, puis le 15 novembre pour le même texte, mais cette fois-ci, lors de la session ordinaire.

« Une interprétation favorable à l’exécutif »

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel juge que « le Premier ministre peut recourir à la procédure prévue par le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution pour des lectures successives d’un même projet ou proposition de loi au cours de sessions différentes ».

Pour Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, « les deux interprétations pouvaient se défendre ». « La première était favorable au Parlement. La seconde, celle retenue, limite la portée de la révision constitutionnelle de 2008. Ce n’est pas surprenant car on a vu lors de la réforme des retraites que le Conseil constitutionnel a plutôt une interprétation de la Constitution favorable à l’exécutif ».

 « Usage stratégique » du 49.3

Cette décision sur l’usage du 49.3 et son articulation entre la session ordinaire et extraordinaire pourrait avoir son importance, car comme le relève Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris II, « le Conseil prend en compte la date de délibération du 49 alinéa 3 en Conseil des ministres et non sa date de déclenchement devant l’Assemblée nationale. On pourrait alors imaginer un usage stratégique de cet article par l’exécutif. Par exemple, le gouvernement pourrait délibérer en Conseil des ministres du 49.3 sur des projets de loi pendant les sessions extraordinaires de l’été et les déclencher, pendant la session ordinaire, en janvier, février mars… ».

En tout cas, même si Élisabeth Borne s’est engagée à ne pas avoir recours au 49.3 pour le projet de loi immigration, rien ne l’en empêche désormais.

 

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Paris : Debate at the National Assembly during the parliamentary niche of the Rassemblement national (RN)
8min

Institutions

Après la censure du gouvernement Barnier, quelles solutions pour doter la France d’un budget avant la fin d’année ?

L’examen du budget 2025 a été suspendu sitôt le gouvernement de Michel Barnier censuré mercredi soir. À ce stade, trois pistes législatives se dégagent pour assurer la continuité de la vie de la nation, sans que les juristes ne semblent s’accorder sur les modalités d’application de certains mécanismes d’urgence, quasiment inédits.

Le

Décision du Conseil constitutionnel : le gouvernement peut souffler, il pourra avoir recours au 49.3 d’ici cet été
3min

Institutions

« Les droits de la défense sont en danger », alerte l’avocate Jacqueline Laffont

Elle est l’une des rares avocates pénalistes dont on connaît le nom car il accompagne souvent ceux de clients très médiatisés : Carlos Ghosn, Nicolas Sarkozy ou Patrick Poivre d'Arvor…Depuis 40 ans, elle défend des chefs d’entreprises, des hommes politiques de premier plan, des journalistes, mais aussi des anonymes. Un rôle qui n'est pas toujours compris, comme ses prises de positions, parfois à rebours de notre époque. Ils ont pourtant une seule finalité : protéger les droits de la défense. Au micro de Rebecca Fitoussi, Jacqueline Laffont se livre cette semaine dans « Un monde, un regard » sur Public Sénat.

Le

Paris: Weekly cabinet meeting at Elysee Palace
7min

Institutions

Motion de censure : la France peut-elle se doter d’un budget si le gouvernement de Michel Barnier est renversé ?

Ce 2 décembre, Michel Barnier pourrait décider d’utiliser le 49.3 pour faire adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale sans vote à l’Assemblée nationale. Dans la foulée, les députés pourront déposer une motion de censure. Si gauche et extrême droite s’allient pour la voter, le gouvernement tomberait sans avoir pu faire adopter son projet de loi de finances. Dans cette situation, la France aura-t-elle un budget en 2025 ? Décryptage.

Le