Matignon Elisabeth Borne, premiere ministre rencontre la delegation non-independantiste de Nouvelle Caledonie

Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : les discussions sont-elles enfin relancées pour de bon ?

Ce mercredi, Elisabeth Borne reçoit à Matignon les délégations des indépendantistes et des non-indépendantistes calédoniens pour relancer les discussions sur le sujet de l’avenir institutionnel de l’archipel. La situation reste en suspens depuis le référendum de 2021, et les efforts de l’exécutif pour relancer les discussions s’avèrent peu fructueux. L’attente est donc forte sur ces rencontres, alors que le Président a annoncé en juillet une révision constitutionnelle pour le début de l’année 2024. Etat des lieux.
Mathilde Nutarelli

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La machine est-elle relancée sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ? Après plusieurs années de blocage, les discussions sur le dossier calédonien semblent repartir en cette semaine de rentrée. Le moteur semblait déjà redémarrer le 24 juillet dernier lorsqu’Emmanuel Macron, en visite à Nouméa, a proposé le « pacte de Nouméa », pour relancer les discussions et aboutir à une réforme constitutionnelle au début de l’année 2024. Depuis lundi, la situation peut significativement s’accélérer, car plusieurs délégations représentant les indépendantistes et les non-indépendantistes de Nouvelle-Calédonie sont présentes en métropole pour un mois.

Le travail a déjà commencé, puisque lundi dernier 4 septembre, elles ont rencontré tour à tour Bruno Le Maire, pour évoquer le sujet hautement stratégique du nickel. Ce métal essentiel à la construction de batteries électriques foisonne dans les sous-sols de la Nouvelle-Calédonie, mais sa filière se trouve en difficulté. Mais le rendez-vous le plus attendu a lieu ce mercredi après-midi, car Élisabeth Borne prononce un discours sur l’avenir institutionnel du Caillou devant ces deux délégations, après les avoir reçues.

Le dossier était bloqué depuis longtemps

Le dossier était bloqué depuis longtemps, au moins depuis 2021 et le troisième et dernier référendum prévu par l’accord de Nouméa sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Lors de ce scrutin, organisé en plein covid et boycotté par les indépendantistes, seuls 43,9 % des inscrits ont voté. Et alors que le « non » l’a emporté à plus de 96 %, ces derniers en contestent la légitimité.
Depuis, le chemin parcouru a été cahoteux. Après que Sébastien Lecornu, alors ministre des Outre-Mer, a proposé un nouveau référendum « de projet » pour juin 2022, Gérald Darmanin décide de ne pas y recourir, pour laisser plus de temps aux discussions.

En parallèle, de fortes dissensions entre indépendantistes et non indépendantistes se sont maintenues, se perpétuant, en août 2022, par une ligne adoptée par les différentes composantes des indépendantistes. En effet, les membres du Front de libération kanak et socialiste (FLNKS) ont voté leur refus de participer à toute réunion tripartite, aux côtés des non-indépendantistes et de l’Etat. Les rencontres bilatérales avec ce dernier restent néanmoins possibles.

Un rapport sénatorial de juillet 2022, rédigé par François-Noël Buffet, Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur et Hervé Marseille formulait des recommandations pour relancer les discussions sur ce sujet « nimbé d’incertitudes ». Selon eux, « un consensus se dégage au sein de la population comme parmi les acteurs politiques, institutionnels, économiques et sociaux en faveur de la recherche d’un accord entre les parties calédoniennes pour garantir la stabilité du territoire et son développement économique, social et culturel ».

L'accord de Nouméa

Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par les accords de Matignon-Oudinot, signés en 1988 et par l’accord de Nouméa, signé en 1998. En pratique, ce dernier fixe la répartition juridique et politique des pouvoirs entre la Nouvelle-Calédonie, en tant que collectivité d’Outre-mer (COM) et l’Etat. Il rend également obligatoire l’organisation d’un référendum sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie au plus tard en 2018, soit vingt ans après sa signature. Enfin, il fixe une règle particulière de composition du corps électoral : seules les personnes inscrites sur les listes électorales avant 1998 ont le droit de vote dans l’archipel. Cette caractéristique est une demande du camp indépendantiste, car il permet une représentation accrue des populations kanakes.

La première consultation de la population sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie prévue par l’accord de Nouméa doit être suivie par deux autres en cas de rejet. Ainsi, trois consultations ont été conduites : en 2018, 2020 et 2021. Si elles se sont toutes soldées par la victoire du non à la pleine souveraineté et à l’indépendance, le dernier scrutin reste sujet à débats.

Le gouvernement souhaite relancer les discussions sur le dossier calédonien

C’est dans ce contexte que le gouvernement a tenté à plusieurs reprises de relancer le dialogue pour avancer sur le dossier de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. A deux reprises, Élisabeth Borne a invité les deux délégations antagonistes à Paris pour participer à des discussions. La première, en octobre 2022, a été boycottée par les indépendantistes. Gérald Darmanin, quant à lui, s’est rendu à plusieurs reprises en Nouvelle-Calédonie, y compris en juin 2023, afin d’y présenter le rapport dressant le « bilan de l’accord de Nouméa et l’audit de la décolonisation ». Enfin, Emmanuel Macron s’est lui-même rendu à Nouméa le 24 juillet dernier, pour y annoncer sa volonté de modifier la Constitution au début 2024.

Le calendrier est très contraint pour respecter cette échéance. En effet, les  élections provinciales de l’archipel sont prévues la même année. Et la réforme constitutionnelle doit avoir lieu avant, afin de fixer des nouvelles règles concernant le corps électoral calédonien, très restreint par l’accord de Nouméa.

La répartition des compétences entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie

L’Etat, sur le territoire calédonien, conserve ses compétences en matière d’immigration, de monnaie, de défense nationale, de justice, de gestion de la fonction publique d’Etat, de maintien de l’ordre et d’enseignement supérieur et de recherche. Le reste est géré par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, élu par le Congrès. Ce dernier détient le pouvoir législatif.

A l’intermédiaire entre le Congrès et les communes, les provinces sont des collectivités locales, compétentes notamment dans les domaines de l’enseignement primaire, la construction et l’équipement des collèges, le développement rural et maritime ou encore le réseau routier, les transports publics et l’action sanitaire et sociale.

Les attentes sur les rencontres du 6 septembre sont grandes

Les attentes sur les rencontres et le discours de cet après-midi sont donc grandes : statut de la Nouvelle-Calédonie, forme des institutions, composition du corps électoral, … Toutes ces questions cruciales pour l’avenir de l’archipel restent encore à être débattues. Vaste chantier.
Pour autant, le doute demeure quant à la forme des réunions : si la plupart des indépendantistes ont accepté de participer, prendront-elles la forme de réunions bilatérales ou bien de réunions trilatérales ? Le discours de la Première ministre concluant les rencontres doit avoir lieu devant un parterre composé des deux délégations, avant qu’elles n’aillent rencontrer Gérald Darmanin. La fin de la journée sera décisive pour répondre à cette question : l’exécutif aura-t-il enfin réussi à relancer les discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ?

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