En marge de l’ouverture du Congrès des maires de France, le gouvernement s’est engagé à porter devant l’Assemblée nationale en janvier une proposition de loi déjà adoptée par le Sénat, et qui vise à améliorer les conditions d’exercice du mandat d’élu local.
Avenir de la commune et du maire : le Sénat tire la sonnette d’alarme
Par Thomas Fraisse
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Les élections municipales de 2026 sonneront-elles le glas des communes ? Le Sénat affiche sa « crainte ». La mission d’information sur l’avenir de la commune, présidée par la sénatrice Maryse Carrère (PRG), s’inquiète des difficultés actuelles auxquelles sont confrontés les maires en France. Le rapport, intitulé « Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires », dresse un bilan qui s’assombrit d’années en années. Si la participation aux élections municipales recule, de 66 % au second tour en 2000 à presque 42 % en 2020, ce sont aussi une grande quantité de communes qui n’arrive plus à trouver les candidats pour constituer les listes. Un défaut dans la représentation politique locale qui, selon le rapport, est dû à une montée en puissance du pessimisme.
Alors que les événements tragiques de Saint-Brévin et de L’Haÿ-les-Roses, ainsi que les émeutes se sont bousculés dans l’actualité, les sénateurs rappellent que beaucoup d’élus sont confrontés à des incivilités. « C’est au quotidien, des élus qui sont confrontés à toutes les formes de violences : physiques, morales, la violence des réseaux sociaux lorsque l’on diffame et accuse un maire par rapport aux orientations qu’il souhaite prendre », martèle le sénateur ardéchois Mathieu Darnaud (LR) et rapporteur de la mission d’information. Quatre déplacements, une consultation en ligne de 3 000 élus locaux et une coopération avec l’institut de sondage CSA permettent aux sénateurs de mettre des chiffres sur ces maux. « L’intérêt est d’établir un diagnostic. Aucun rapport n’avait fait état de façon aussi précise de la situation », avance-t-il. Ainsi, la mission d’information pointe une explosion des démissions des maires au cours du mandat débuté en 2020. Au total, ce sont 1 078 maires qui ont jeté l’éponge et presque 30 000 conseillers municipaux. « La raison principale c’est la complexité à laquelle sont confrontés les élus, sans avoir en face les capacités, ni les conditions d’y répondre », note le sénateur. Toutefois, petite touche d’optimisme, le sondage met en exergue que les communes restent l’échelon politique préféré des Français avec 72 % de personnes attachées à leur mairie, devant les départements (60 %) et les régions (54 %).
Tout n’est donc pas joué. Les communes pourraient avoir un grand avenir devant elles, d’après le rapport, si les décisions sont prises dans l’immédiat. « Aujourd’hui, le Sénat se distingue par la constance de ces propositions », croit Mathieu Darnaud. Ces derniers mois, la chambre des territoires s’est souvent portée au chevet des mairies : avenir des secrétaires de mairie, protection des élus et maintenant l’avenir des communes. À deux mois des élections sénatoriales, où 95 % des grands électeurs sont issus des conseils municipaux, l’effet d’opportunisme n’est pas la raison de Mathieu Darnaud, sénateur d’ailleurs qui n’est pas renouvelable cette année. « Nous avons toutes les pistes qui sont sur la table. À un moment donné, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt. Il y a un nombre de sujets qui n’ont pas besoin de traduction législative. Donner plus de simplicité, on peut tout à fait le faire ! Il faut avancer dès aujourd’hui ! », s’emporte-t-il.
Simplifier, le mot d’ordre du rapport
Selon les sénateurs, il faut d’abord s’intéresser au quotidien des élus et à leur découragement. Simplifier leur travail apparaît essentiel. Le rapport propose de permettre aux préfets des départements de devenir le seul et unique relais des maires pour faciliter le règlement des conflits et des difficultés. « L’État ne doit plus être cette espèce d’hydre, avec ses plusieurs têtes. Pour l’élu, cela devient le parcours du combattant pour trouver le bon interlocuteur », pointe le rapporteur. « L’exemple de l’ingénierie est à cet égard parlant : éclaté en plusieurs agences, désarmé dans les sous-préfectures, l’État ne parvient plus à être le partenaire qu’il constituait jadis pour les projets des communes ». Une proposition d’ailleurs déjà évoquée par le gouvernement lors de l’annonce de son plan France Ruralités. Mais il s’agit également d’appliquer de nouvelles mesures juridiques, pour le rapport, afin de conforter les maires dans leurs décisions et garantir leur « liberté de gérer les affaires de leur commune ».
Ensuite, simplifier le travail des maires doit s’accompagner d’une facilitation pour concilier vie personnelle et vie professionnelle. « Les élus ont de plus en plus de mal à exercer leurs missions », se désole Mathieu Darnaud. « Alors que l’immense majorité d’entre eux sont des bénévoles ». En plus d’exiger l’application de la proposition de loi déposée par François-Noël Buffet visant à renforcer la protection des élus locaux, le rapport soutient une forme de reconnaissance des services rendus par les maires à la communauté. Mathieu Darnaud recommande d’ouvrir un débat au sujet des indemnités de fonction mais aussi sur une « bonification » octroyée aux maires au moment de leur retraite.
Renforcer le pouvoir des maires
Une fois la fonction de maire simplifiée et rendue plus attractive, le chantier des pouvoirs peut commencer. « La commune constitue, aux yeux de tous les acteurs, l’échelon du quotidien, de la proximité et du lien démocratique. La commune, c’est un territoire de service et un territoire de projet », avance le rapport. Alors, à l’heure où les intercommunalités grapillent petit à petit les compétences des communes, pour le Sénat il est temps d’y mettre fin. « Il faut d’abord rompre avec le dirigisme reconfigurateur que nous avons connu depuis plusieurs années et cesser les modifications autoritaires de la carte intercommunale. L’intégration intercommunale à marche forcée a cadenassé la marge de manœuvre des élus », tranche Mathieu Darnaud. Pour ce faire, comme en 2020 lorsqu’il avait déposé au Sénat une proposition de loi, le sénateur avance l’idée d’inclure dans la Constitution, la clause générale des compétences des communes, qui définit leurs champs d’intervention. « C’est le fondement du pouvoir d’agir des maires, ce qui permet à toute commune de s’imaginer un projet et un avenir », estime-t-il.
Par ailleurs, le Sénat propose d’apporter des garanties aux communes dans cette « concurrence » avec les intercommunalités. Les sénateurs de la mission d’information souhaitent retrouver une cohérence dans ce rapport de force entre communes et EPCI. D’après le rapport, « la légitimité des seconds doit dériver des premiers, non l’inverse. C’est la garantie que l’intercommunalité demeure un instrument au service de la commune ». Les communes pourront alors bénéficier d’un puissant droit de veto pour s’opposer aux projets et aux prises des compétences des intercommunalités. Afin de mieux coller à chaque spécificité des territoires, par accord, la carte des compétences serait également redéfinie.
Dernière étape : les financements
Si des compétences redeviennent à la charge des communes, les financements deviendront forcément une question à régler. Dans le sillage du groupe de travail sur la décentralisation, présidé par Gérard Larcher, Mathieu Darnaud évoque « la nécessité de redonner aux financements des communes de la lisibilité et de la prévisibilité ». L’idée, ici, est de simplifier les calculs de la dotation globale de fonctionnement (DGF), principale dotation versée aux communes, afin de permettre aux maires de planifier leurs projets en fonction de leur budget au moyen terme. Pour simplifier ce recours aux aides, un guichet unique est demandé afin de délivrer les dotations aux investissements grâce à l’écriture d’un seul dossier. Ensuite, sur la question de la fiscalité, les sénateurs préconisent de ne rien changer. « Ce lien fiscal entre la commune et le citoyen. C’est quelque chose auquel nous sommes très attachés. C’est essentiel pour que le citoyen ait bien conscience des services que rend la collectivité », assume Mathieu Darnaud.
Ce cri d’alarme des sénateurs, ce mercredi, n’appelle pas forcément – comme le présente le rapporteur –de traduction législative. Face à cet « avis de tempête », les sénateurs sont vite tentés par l’alarmisme. Cette fois-ci, les sénateurs ne veulent plus forcément créer de nouveaux outils. Ils exigent du gouvernement qu’il se saisisse rapidement du dossier en lien avec ce diagnostic établi.
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