Assouplissement du RIP, cumul des mandats, pouvoirs du Parlement : le Sénat formule ses pistes pour une réforme institutionnelle

Assouplissement du RIP, cumul des mandats, pouvoirs du Parlement : le Sénat formule ses pistes pour une réforme institutionnelle

Un groupe de travail transpartisan du Sénat présente 20 propositions dans l’optique d’une réforme des institutions. Parmi ses principales idées : un rétablissement du cumul des mandats, un assouplissement des modalités du référendum d’initiative partagée ou encore un renforcement des prérogatives du Parlement.
Guillaume Jacquot

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Réforme des institutions, deuxième saison. Le Sénat a remis sa contribution ce 7 mai dans la perspective d’une relance d’un chantier inabouti en 2018-2019, et relancé dans le débat public par Emmanuel Macron à l’occasion de la campagne de 2022. Réactivé en novembre 2022, un groupe de travail regroupant l’ensemble des groupes du Sénat a finalisé son rapport sur une évolution institutionnelle, avec pour objectif de « rechercher les voies et moyens d’une meilleure proximité avec les citoyens, d’un renforcement du mandat et d’un rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif et le Parlement », selon les mots du président du Sénat, Gérard Larcher. Il a formulé 20 propositions, transmises au président de la République, au Premier ministre et à la présidente de l’Assemblée nationale.

« Nous ne souhaitons pas qu’elles restent mortes », a prévenu le rapporteur François-Noël Buffet (LR). Sans retour ou éventuel dépôt d’un projet de loi, le président de la commission des lois précise que les sénateurs prendront une « initiative ».

La demande du retour du cumul des mandats

« Gage d’une plus grande proximité des représentants de la nation avec les citoyens » selon François-Noël Buffet, le rétablissement de la possibilité de cumuler un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local figure en tête des propositions. L’idée d’abroger la réforme de 2014 est portée depuis longtemps au Sénat, où une proposition de loi a été adoptée 2021.

Mais ce retour n’est soutenu que par sa majorité de droite et du centre, les groupes de gauche et le RDSE (Rassemblement Démocratique et Social Européen) ont réaffirmé ce 7 mai leur opposition à ce projet. Pour le président du groupe socialiste, Patrick Kanner, ce point constitue « une ligne rouge ».

Division par deux des signatures de citoyens requises pour l’organisation d’un référendum

La seconde proposition majeure du rapport consiste à faciliter le recours au référendum d’initiative partagée (RIP). Introduit par la révision constitutionnelle de 2008, ce nouvel outil de démocratie directe n’a pas jamais pu aboutir, malgré plusieurs tentatives. Principal écueil : le seuil trop élevé de signatures requises au sein du corps électoral pour aboutir à un référendum sur une proposition de loi. Les sénateurs proposent d’en abaisser le seuil de déclenchement, en requérant 1/20e et non plus 1/10e des signatures d’électeurs (soit 2,4 millions au lieu de 4,8 millions). Le seuil d’un cinquième des parlementaires (soit 185 sur 577) serait, lui, maintenu à son niveau.

Le rapport sénatorial veut s’assurer, dans le même temps, d’une « meilleure articulation » du RIP avec les pouvoirs du Parlement. Ils préconisent ainsi de rendre impossible tout processus dont l’objectif serait l’abrogation d’une disposition promulguée depuis moins de trois ans, contre un an seulement aujourd’hui. Pour François-Noël Buffet, il s’agit de s’assurer que le RIP « ne soit pas dévoyé de son objectif ».

Un « rééquilibrage » des pouvoirs entre le Parlement et l’exécutif

Devenues la bête noire des parlementaires, les ordonnances font également l’objet de plusieurs propositions dans le rapport. Les sénateurs répondent en particulier à une récente jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans une décision de 2020, les Sages ont estimé qu’une ordonnance qui n’a pas été ratifiée par le Parlement pourrait avoir rétroactivement force de loi une fois passé le délai d’habilitation. Les sénateurs veulent préciser dans la Constitution que des ordonnances ne peuvent avoir force de loi « qu’à compter de leur ratification express ». Ils veulent aussi s’assurer que les lois d’habilitation définissent avec précision le domaine d’intervention des ordonnances à prendre. « Il paraît important de rétablir l’équilibre et de préserver les prérogatives du Parlement », a fait valoir François-Noël Buffet.

En matière de contrôle parlementaire, les sénateurs veulent aussi renforcer le poids du Parlement en matière des propositions de nomination par l’exécutif à travers l’article 13 de la Constitution. Ils souhaitent qu’un veto puisse s’appliquer dès lors que les trois cinquièmes des votes négatifs dans une commission sont atteints, et non plus à l’échelle des deux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat prises dans leur ensemble.

Une série d’autres propositions – certaines étant d’ailleurs reprises du rapport sénatorial de janvier 2018 – poursuit le même objectif de rééquilibrage des pouvoirs en faveur du Parlement, comment l’encadrement du pouvoir du gouvernement d’engager une procédure accélérée ou encore l’encadrement du temps de parole en séance des ministres.

Mais l’une des demandes les plus fortes concerne le droit d’amendement. Le groupe de travail sénatorial demande d’élargir les conditions de recevabilité des amendements, prévu à l’article 45 de la Constitution. L’idée est d’assouplir le régime des « cavaliers législatifs », ces propositions de modification d’un texte jugées éloignées du texte étudié. Au début de l’année, la majorité sénatoriale a largement dénoncé le sort de ses modifications sur la loi immigration, retoquées au Conseil constitutionnel sur la base de l’article 45 de la Constitution.

Pas de proposition sur la proportionnelle aux législatives

Concernant les élus locaux, les sénateurs préconisent en outre de clarifier les règles de la prise illégale d’intérêts et de renforcer la protection des élus locaux dans l’exercice de leurs fonctions. Ce dernier volet a fait l’objet d’une proposition de loi, récemment adoptée à l’unanimité au Sénat. La chambre haute a adressé une piqûre de rappel, invitant l’Assemblée nationale à s’en saisir.

Le rapport comporte enfin une proposition largement consensuelle : la suppression de la présence de droit, à vie, des anciens présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel. Cette disposition figurait dans le projet de loi constitutionnelle, déposé par le gouvernement en 2019.

Conséquence d’absence de majorité, le groupe de travail a fait l’impasse dans le rapport sur les dispositions relatives au mandat présidentiel (quinquennat ou nombre de mandats) ou encore sur la réforme de la Cour de Justice de la République.

Ils n’ont pas abordé le sujet d’une dose de proportionnelle aux législatives, évoqué récemment par le chef de l’Etat. Pour une raison simple, « car ça concerne l’Assemblée nationale », a précisé Gérard Larcher. Le président du Sénat a toutefois rappelé sa position personnelle. Il s’est dit favorable à une part maximum de 25 %, à condition de la lier au retour du cumul des mandats.

Les propositions relatives à l’Outre-mer, où les chantiers institutionnels sont nombreux (Nouvelle-Calédonie, Corse, Mayotte) feront l’objet de prochains rapports.

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