Zones à faibles émissions de Nice

Zones à faibles émissions : une consultation du Sénat montre une forte opposition des Français

La consultation lancée par le Sénat en ligne sur les ZFE a rencontré un vif succès. Si les chiffres recueillis ne préjugeront pas des recommandations, selon le rapporteur Philippe Tabarot (LR), les problématiques mises en avant par les usagers trouveront une résonnance dans les préconisations du mois de juin.
Guillaume Jacquot

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Le niveau de la participation traduit déjà en lui-même quelque chose. Le Sénat a dévoilé ce 25 mai les résultats d’une consultation publique, ouverte sur son site du 17 avril au 14 mai, sur la mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Dans ces espaces en vigueur dans onze métropoles actuellement, la circulation des véhicules les plus polluants y est restreinte, dans une démarche d’amélioration de la qualité de l’air. Au 1er janvier 2025, les restrictions s’étendront à plus d’une trentaine d’agglomérations supplémentaires, où les seuils européens de qualité de l’air sont régulièrement dépassés.

Suivant des modalités variables d’une ZFE à l’autre, les particuliers ou les professionnels au volant des véhicules les moins propres – en fonction du niveau de la vignette Crit’Air – ne sont plus autorisés à entrer dans ces périmètres. Signe d’une préoccupation dans la population, plus de 51 000 personnes ont répondu sur le site du Sénat, un record pour ce genre d’exercice. « Cela témoigne des inquiétudes que ce dispositif génère chez eux », constate le sénateur Philippe Tabarot (LR), rapporteur d’une mission d’information sur l’acceptabilité et la mise en œuvre des ZFE.

Un « sentiment d’injustice »

Naturellement, le chiffre est à prendre avec précaution, puisqu’un tel mode de consultation comporte des biais statistiques. La mission sénatoriale est consciente qu’elle a pu susciter des mobilisations. Selon les résultats présentés ce 25 mai, il ressort que 86 % des particuliers qui se sont exprimés sont défavorables aux ZFE. Dans leurs commentaires, ils évoquent un creusement des inégalités sociales, une « exclusion sociale » ou encore un « sentiment d’injustice ». Chez les professionnels, la part représente 79 %. Le mois dernier, une étude de l’institut CSA conduite auprès de 10 000 personnes notait que 51 % des Français étaient favorables aux ZFE, en baisse de 6 points sur un an. Parmi les arguments positifs mis en avant par les internautes dans l’enquête sénatoriale, l’impact sur la santé revient souvent.

Mais c’est en croisant les données que l’étude sénatoriale s’avère plus utile. La consultation constate notamment une corrélation entre le lieu de résidence et l’acceptabilité des ZFE. Plus on s’éloigne du cœur de la métropole, plus le soutien diminue. Les répondants qui habitent dans les communes périurbaines ne sont que 12 % à soutenir leur déploiement, et même 8 % dans les communes rurales. Une autre donnée semble encore plus déterminante : le fait de disposer ou non d’alternatives suffisantes à la voiture individuelle. Chez les particuliers affirmant n’avoir peu, voire aucune alternative, seulement 16 % disent soutenir les ZFE.

Les trois quarts des particuliers de la consultation épinglent le coût d’acquisition d’un nouveau véhicule

On retrouve d’ailleurs cette connexion dans les obstacles mis en lumière par les répondants. Ainsi, 77 % des particuliers et 58 % des professionnels mettent en avant le coût d’acquisition des véhicules propres trop élevés. Et 47 % des particuliers pointent une « mise en œuvre trop rapide des restrictions de circulation ». Il y a deux ans, au moment de l’examen du projet de loi climat et résilience, le Sénat avait tenté de repousser le calendrier de l’entrée en vigueur des nouvelles ZFE. « On avait anticipé les difficultés qui remontent aujourd’hui. On n’a pas eu une écoute extraordinaire du gouvernement ou de la majorité présidentielle », se remémore Philippe Tabarot. Partisan d’une transition moins abrupte, le parlementaire plaide avant tout pour un report sur les transports en commun, la « priorité » à ses yeux.

Fort de cette enquête laissant apparaît les difficultés de renouvellement des véhicules ou encore d’utilisation d’alternatives, la mission d’information va poursuivre ses travaux pendant quelques jours encore, avant la remise de son rapport dans le courant du mois de juin. Elle doit encore se pencher sur les autres exemples similaires en Europe et entendre le ministre de l’Intérieur, potentiellement la semaine prochaine, sur la mise en œuvre du contrôle de ces obligations.

Pour le rapporteur Philippe Tabarot, ces données vont permettre d’enrichir la matière déjà réunie par ses collègues et lui (plus d’une centaine d’acteurs ont été auditionnés), elles n’en constitueront « pas la base exclusive de travail ». Elles serviront à « enrichir la réflexion » et ne préjugeront pas des recommandations. Le sénateur des Alpes-Maritimes considère que les chiffres « interpellent », tout en rappelant qu’un « impératif de santé publique demeure ». Il reconnaît « ligne de crête » du rapport sera « compliquée ». « Ce qui semble évident, c’est qu’il y a une désynchronisation entre les schémas de restrictions, le calendrier et l’avancée et des alternatives ».

Le rapporteur n’exclut pas des recommandations législatives

Sur la base de ses travaux d’auditions, le sénateur LR relève par ailleurs que se « pose aussi la question de l’harmonisation des règles », chaque ZFE fonctionnant avec ses propres règles. Potentiellement des casse-têtes lorsque celles-ci sont proches les unes des autres. Le rapport de la mission pourrait-il déboucher sur des changements d’ordre législatif ? Le rapporteur ne l’exclut pas. « Certains pourraient revenir au Parlement, d’autres peuvent se faire par la voie réglementaire. On va rendre notre rapport, le gouvernement fera ce qu’il souhaite. Et s’il ne s’en saisit pas, bien sûr qu’on fera un certain nombre de propositions parlementaires. Mon idée, c’est qu’on puisse apporter des réponses concrètes à nos concitoyens qui sont inquiets de ces situations », résume Philippe Tabarot.

Quatre ans après la polémique sur les 80 km/h et trois ans après l’éruption des Gilets Jaunes, née d’une hausse des taxes sur les carburants, le risque est réel que les ZFE crispent une partie de la population une fois de plus sur l’automobile. « On n’a vraiment pas envie de créer une bombe sociale supplémentaire, alors qu’il en existe déjà quelques-unes aujourd’hui », admet le sénateur.

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