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Zones à faibles émissions : « Le calendrier est impossible à tenir », alerte un rapport du Sénat

Le rapport du sénateur des Alpes-Maritimes Philippe Tabarot (LR) porte de vives critiques sur la façon dont sont mises en place des zones à faibles émissions, ou ZFE-m, écartant les véhicules trop polluants des centres-villes. Neuf propositions autour de trois axes sont formulées, ce mercredi, par le sénateur pour encourager le gouvernement à revoir sa copie.
Thomas Fraisse

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« Sortir de l’impasse ». Le rapport du sénateur Les Républicains, Philippe Tabarot, est formel : les zones à faibles émissions (ZFE-m), telles qu’elles ont été déployées jusqu’alors, se heurtent  «à des crispations et de vives incompréhensions ». Ces dispositifs, créés en 2019 pour 11 communes comme Paris, Lyon, Marseille ou encore Rouen, interdisent les véhicules polluants des centres-villes afin d’améliorer la qualité de l’air dans les zones urbaines. Les véhicules sont classés en cinq catégories par ordre d’émissions de particules polluantes, appelées Crit’Air, en fonction de leur carburant et de leur date de mise en vente. Pour aller plus loin, en 2021, la loi « Climat et Résilience » étendait le dispositif à 43 villes de plus de 150 000 habitants et instaurait un calendrier strict des interdictions. Ainsi, au 1er janvier 2025, il ne sera possible de circuler dans ces villes qu’à bord d’un véhicule de Crit’Air 1 ou 2 sous peine d’une amende.

C’est bien ce calendrier, qui est pointé du doigt en premier lieu par le rapport du sénateur Philippe Tabarot. Ce sont 34 % du parc automobile qui seront interdits, soit 13 millions de véhicules emmenés à être remplacés dans les deux ans. Or, comme le démontre Philippe Tabarot, au cours des dix dernières années seulement 11 millions de voitures dites « propres » ont été mises à la vente dans l’Hexagone. Mathématiquement, « le calendrier est impossible à tenir ». « En l’état, le schéma de restriction prévu pour les ZFE-m en dépassement de qualité de l’air semble, dans plusieurs agglomérations, irréaliste », ajoute Philippe Tabarot dans la version complète de son rapport.

Le premier axe de propositions du sénateur vise donc à « desserrer les échéances d’entrée en vigueur des restrictions ». En deux ans, il serait impossible pour les ménages de pouvoir changer leur véhicule actuel. De leur côté, les villes ne pourront pas convaincre dans les délais impartis les citadins d’utiliser des transports alternatifs. Grâce à l’extension des délais, Philippe Tabarot avance deux propositions concomitantes : développer le marché de l’occasion et les transports en commun.

« Les ZFE-m ne répondent que de façon limitée à l’enjeu de santé publique »

Pour multiplier les ZFE-m, encore faut-il prouver leur stricte efficacité en matière de dépollution de l’air des centres urbains français. « Les ZFE-m ne répondent que de façon limitée à l’enjeu de santé publique ». En France, selon les chiffres d’une étude de Santé Publique France, 40 000 décès sont liés chaque année à une exposition prolongée aux particules polluantes, dont 7 000 dus au dioxyde d’azote, émis principalement par le trafic routier. Si la concentration de particules dans l’air urbain diminue globalement depuis 2000, elle reste supérieure aux normes indicatives de l’OMS, que la France s’est elle-même imposée. En ce sens, en 2022, le Conseil d’État a condamné l’État à payer deux astreintes de 10 millions d’euros pour le non-respect de ces normes. Pour Philippe Tabarot, l’outil des ZFE-m, qui porte les espoirs de dépollution des villes, « ne saurait devenir l’« alpha et l’omega » de l’amélioration de la qualité de l’air ». Ainsi, le sénateur propose de prendre en compte les autres sources de pollution dans les villes (logement, industrie, agriculture) ainsi qu’individualiser, via un contrôle technique, la classification des véhicules pour un décompte précis des émissions.

Par ailleurs, bien que la santé publique soit une compétence étatique, le sénateur encourage à laisser les collectivités gérer l’instauration des ZFE-m. « À ce jour, les ZFE-m sont déployées de manière hétérogène », note Philippe Tabarot. À terme, presque toutes les régions compteront une ZFE-m en son sein et jusqu’à six en ce qu’il concerne les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. Une homogénéisation régionale s’impose. « Certaines agglomérations ont fait le choix d’appliquer des restrictions continues (7 jours sur 7 et 24 heures sur 24), quand d’autres les limitent à certains jours de la semaine ou encore à certains horaires (de 8 heures à 20 heures). Certaines ont décidé de mettre en œuvre des interdictions de circulation avant les échéances prévues par la loi et d’autres non ». Dans un souci de lisibilité et d’acceptation des mesures par les citoyens, le sénateur propose donc des concertations régionales afin d’appliquer, à minima, les mêmes règles dans une même région.

Un accompagnement « défaillant » de l’État

Enfin, pour comprendre quels sont les Français qui sont le plus affectés par cette limitation de la liberté de circulation, Philippe Tabarot a établi des cartographies des grandes villes. Par exemple, en ce qu’il concerne le Grand Paris, les personnes qui possèdent un véhicule polluant sont domiciliées en dehors des zones d’application de la ZFE-m et sont en grande majorité modestes. Face à ce constat, le sénateur pointe que le soutien financier de l’État est « défaillant ». « En l’état, la mise en œuvre des ZFE-m dans des délais aussi resserrés et sans accompagnement suffisant est de nature à faire porter la contrainte prioritairement sur les ménages les plus modestes ».

Toutefois, les mesures d’aides existent. Or, « ces aides sont insuffisantes, multiples, d’origine diverses et illisibles pour les usagers. Cela a pour conséquence un taux de non-recours de l’ordre de 50 % », juge l’organisation France Urbaine, qui représente les grandes villes. Philippe Tabarot plaide pour la simplification d’accès à destination des ménages modestes de la prime à la conversion, du bonus écologique mais aussi en cas d’achat de véhicule électrique de la prime rétrofit. En cas contraire, les ZFE-m pourraient devenir un facteur d’accentuation des inégalités.

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