Ce mercredi, Olivier Thibault, directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB) était auditionné par la commission du développement durable du Sénat, pour échanger avec les sénateurs sur le rapport rendu par la mission d’évaluation de la loi portant création de l’OFB. L’occasion d’évoquer, dans le contexte de la crise agricole, la question de l’armement des agents de cet établissement et l’application des normes environnementales.
Sondage : plus de 90 % des agriculteurs sont prêts à engager ou à accélérer leur transition écologique
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Alors que la censure du gouvernement Barnier laisse en suspens plusieurs mesures budgétaires en faveur du secteur agricole, la mobilisation des exploitants se poursuit un peu partout en France. C’est dans ce contexte électrique que le Shift Project, think tank fondé par l’ingénieur Jean-Marc Jancovici, publie sa vaste étude « Pour une agriculture bas carbone, résiliente et prospère ».
Fruit de plus d’un an de travaux, en collaboration avec une centaine d’organisations dont plusieurs syndicats agricoles (FNSEA, Confédération paysanne et Coordination rurale), le rapport propose plusieurs pistes pour réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre du secteur. Aujourd’hui, l’agriculture représente 18 % des émissions nationales, une empreinte qu’il faudrait presque diviser par deux à l’horizon 2050.
« 81 % des agriculteurs citent le verrou financier comme frein à l’adoption de pratiques durables »
Pour mener cette transition, le Shift Project propose d’ambitieuses mesures de transformation des pratiques agricoles : diminuer la densité des élevages (moins 20 % pour la volaille, moins 30 % pour les vaches laitières…), accroître fortement la culture de protéines végétales comme le soja, ou encore réduire drastiquement – d’environ 70 % – l’utilisation d’engrais chimiques.
Des propositions sur lesquelles le think tank a directement interrogé les agriculteurs, dans le cadre d’une grande consultation à laquelle ils sont près de 8 000 à avoir participé. Dévoilé au grand public ce 12 décembre, le contenu de ce sondage révèle qu’ils sont « plus de 90 % » à souhaiter « accélérer ou engager leur transition vers des pratiques agroécologiques ». Au contraire, seulement 7 % d’entre eux déclarent « ne pas vouloir s’engager dans la transition ». Parmi les mesures que les agriculteurs seraient les plus désireux de mettre en place, on retrouve notamment la « diminution des produits phytosanitaires » pour 88 % d’entre eux.
Toutefois, tous ces efforts demandent un accompagnement politique et des incitations financières. C’est l’une des principales conclusions du rapport du Shift Project : « 81 % des agriculteurs citent le verrou financier comme frein à l’adoption de nouvelles pratiques agricoles durables ». Parmi les pistes d’incitations économiques évoquées par les agriculteurs interrogés, on retrouve la « rémunération pour les services environnementaux », ou encore la mise en place d’une politique « sécurisant des débouchés et des prix rentables pour l’exploitation ».
« Ne pas arbitrer dès aujourd’hui est un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre »
Pour mettre en place ces mesures incitatives, les agriculteurs interrogés demandent par ailleurs un accompagnement politique plus fort. Ils sont 86 % à demander que « les objectifs nationaux de l’agriculture française soient clarifiés ». « Il est urgent de faire un choix de société dès aujourd’hui et décider quelle agriculture nous souhaitons en 2050. Les enjeux sont trop importants et ne pas arbitrer dès aujourd’hui est un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre », alerte également le Shift Project dans les conclusions de son rapport.
Après la première vague de manifestations des agriculteurs, en début d’année, le gouvernement avait formulé une série de propositions pour répondre aux revendications du secteur. Plusieurs, notamment en matière de simplification des normes et procédures, figurent dans le projet de loi d’orientation agricole, adopté à l’Assemblée en mai dernier. Avec la dissolution, son examen au Sénat a été très retardé, il devrait être débattu dans l’hémicycle en janvier 2025. Pour le Shift Project, ce texte, tout comme les discussions européennes à venir sur la prochaine Politique agricole commune, sont « l’occasion de clarifier les priorités et de penser un nouveau contrat entre la société et le secteur agricole ».
Une autre série de mesures pour le secteur, notamment des aides financières, sont suspendues à l’adoption d’un budget, mis à l’arrêt avec la censure du gouvernement Barnier. « Il reste les deux tiers [des demandes] qui ont été lancées ou sont au point mort. Or, une grande partie d’entre elles se trouvent dans le projet de loi de finances et le projet de loi de finances de la Sécurité sociale », indiquait le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, dans un entretien au Parisien début décembre. En attendant la nomination d’un nouveau Premier ministre et le retour des discussions budgétaires, probablement au début de l’année 2025, un projet de loi spéciale est en cours de discussion au Parlement. S’il est voté, il reconduira les crédits votés dans le cadre du projet de loi de finances en 2024. Maigre consolation pour les agriculteurs, si le précédent budget du ministère de l’Agriculture ne comportait pas les mesures de soutien prévues cette année dans le projet de loi de finances, il s’élevait à 7 milliards d’euros de crédits, soit 400 millions d’euros de plus que le budget initialement prévu en 2025.
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