A dix jours de la dernière phase des négociations du traité international visant à mettre fin à la pollution plastique, le député MoDem Philippe Bolo a remis un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur « l’impact des plastiques sur la santé ». Il propose plusieurs recommandations.
Sobriété énergétique : « Un pilier essentiel, sinon le premier, de la transition écologique », selon un rapport parlementaire
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Si les chantres de la transition écologique avaient mis le sujet sur la table depuis de nombreuses années, il a fallu attendre l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses conséquences sur l’approvisionnement énergétique de l’Europe pour que la sobriété énergétique gagne ses lettres de noblesse dans le discours public. Dès octobre 2021, des experts soulignaient auprès de publicsenat.fr que le scénario Futurs Energétiques de RTE se focalisait sur la production d’énergie et le volet « offre », et moins sur la consommation et le volet « demande », dont la baisse de 40 % est nécessaire d’ici 2050 pour respecter la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Quelques mois plus tard, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) commet un rapport d’Olga Givernet (Renaissance) et Stéphane Piednoir (LR) sur « les implications en matière de recherche et d’innovation technologique de l’objectif de sobriété énergétique. »
La sobriété énergétique : d’oubliée des politiques énergétiques… à pilier de la décarbonation
Le rapport admet tout d’abord l’angle mort qu’a constitué la sobriété énergétique dans les politiques publiques ces dernières années : « La sobriété énergétique, jusque-là trop souvent ignorée, apparaît donc aujourd’hui comme un pilier essentiel, sinon le premier, de la transition énergétique. »
Mais c’est aussi l’occasion de faire le bilan du plan de sobriété finalement lancé par le gouvernement le 26 juin 2022, il y a tout juste un an en réaction aux tensions sur le marché de l’énergie européen, notamment au regard des échéances de réduction de la consommation d’énergie de 10 % à horizon 2024. Le rapport de l’Opecst se félicite ainsi de « mesures d’urgence » qui ont eu « un effet significatif » sur la consommation d’énergie et « ont probablement permis d’éviter les situations de tension, […] voire des pénuries », avec une consommation française qui a baissé de 8 % pour l’électricité et de 13 % pour le gaz par rapport aux mêmes périodes les années précédentes.
Mais au-delà de ce bilan à court terme des mesures pensées comme des mesures d’urgence face à une crise énergétique, le rapport entend inscrire la sobriété énergétique comme un axe des politiques publiques de décarbonation à long terme. La Stratégie nationale bas carbone repose en effet sur trois axes : la décarbonation des sources d’énergie utilisées, l’efficacité énergétique, qui consiste à produire, grâce à l’innovation technologique, des biens et des services équivalents pour moins d’énergie, et enfin la sobriété énergétique, définie comme la « réduction de la consommation d’énergie par des changements d’ordre comportemental. » Signe de la sous-exploitation de ce dernier pilier de la transition énergétique, la sobriété n’est « mentionnée qu’incidemment qu’à quatre reprises » dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2023, qui doit être révisée cette année.
Une solution moins consommatrice en ressources naturelles, et qui atténue l’effet-rebond
Pourtant, ce levier présente deux avantages. D’abord, le rapport souligne que, contrairement à la décarbonation et à l’efficacité énergétique, la sobriété présente l’avantage de « faciliter le déploiement des nouvelles infrastructures en limitant la pression sur les ressources naturelles », et notamment les métaux rares, nécessaires à la production d’électricité. Ainsi, le rapport de l’Opecst cite le travail de RTE sur la neutralité carbone en 2050, qui montre qu’en cas « d’effort de sobriété volontaire », la consommation électrique annuelle de référence baisserait de 15 %, soit l’équivalent de six fois la production solaire actuellement installée en France, trois fois la capacité éolienne terrestre actuelle, cinquante parcs d’éolien en mer type « Saint-Nazaire », ou encore huit réacteurs nucléaires de type EPR2. À l’heure où la France est en retard sur ses objectifs de déploiement d’énergie renouvelable et où la mise en fonction des futurs EPR 2 est entourée des incertitudes liées à l’ampleur du « pari industriel », la sobriété apparaît comme une piste salutaire pour la transition énergétique française.
Ensuite, la sobriété a aussi l’avantage de limiter « l’effet rebond », bien connu des travaux sur la transition écologique.
Effet rebond
Lorsque la technologie évolue et que l’on peut faire plus avec moins d’énergie, on aurait tendance à penser que la quantité d’énergie consommée par un service diminue.
Par exemple, avec des moteurs de voiture plus efficaces, passant en moyenne de 9 litres d’essence consommés pour 100 km à 6 litres aujourd’hui, la logique voudrait que la consommation totale d’essence diminue grâce aux gains d’efficacité énergétique. Or empiriquement, on constate qu’il n’en est rien : la quantité d’essence consommée continue d’augmenter.
C’est ce que l’on appelle « l’effet-rebond » : l’amélioration de l’efficacité énergétique peut être rognée par une augmentation globale de la consommation, notamment à cause de l’effet incitatif des prix.
À cet égard, la sobriété énergétique permet en quelque sorte de contrer cet « effet-rebond », explique le rapport d’Olga Givernet et Stéphane Piednoir : « Parce qu’elle repose sur une réduction volontaire de la consommation, la sobriété permet de limiter les effets rebonds, voire de bénéficier pleinement de la réduction de consommation résultant des améliorations d’efficacité énergétique apportées par l’innovation technologique. »
Bâtiment, industrie, recherche : les pistes pour la sobriété énergétique
Concrètement, comment mettre en place des politiques de sobriété énergétique ? Le rapport se concentre sur plusieurs secteurs de l’économie très consommateurs en énergie pour égrainer les pistes. Sur le bâtiment, notamment, ce rapport de l’Opecst reprend une proposition du même office parlementaire, datant de 2014, sur les « freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment. » Une des pistes évoquées est de mettre en place une « gestion active de l’énergie » dans le bâtiment, qui consiste à installer des capteurs permettant d’être dans une « régulation fine » des apports en énergie de chaque pièce en fonction de leur utilisation par les occupants. Les systèmes les plus élaborés permettraient de réduire de 40% la consommation liée au chauffage.
Dans l’industrie, l’Opecst recommande d’améliorer la formation des ingénieurs et des architectes à l’écoconception, ainsi que de doubler le nombre d’électriciens formés au niveau Bac Pro ou BTS pour répondre aux besoins d’électrification. Au niveau de l’éclairage public, par exemple, Olga Givernet et Stéphane Piednoir tablent sur l’introduction d’un « plan LED » pour diminuer la consommation énergétique, en faisant attention, notamment à « l’effet-rebond » et que ce ne soit pas l’occasion d’augmenter le nombre d’éclairages publics sous prétexte qu’à l’unité, les LED consomment moins.
Au niveau législatif et administratif, la consommation énergétique pourrait être incluse dans les études d’impact ou dans les évaluations avant les investissements publics. Un effort de recherche pluridisciplinaire (sociologie, économie, psychologie, science politique et sciences dites « dures ») devra être mené autour de la sobriété, notamment sur l’acceptabilité de ces politiques et « le renversement des normes sociales qui encouragent la surconsommation. » Le rapport préconise aussi une campagne publique sur le « juste assez », ainsi que l’obligation d’inclure des messages éducatifs sur la surconsommation dans la publicité commerciale.
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