A dix jours de la dernière phase des négociations du traité international visant à mettre fin à la pollution plastique, le député MoDem Philippe Bolo a remis un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur « l’impact des plastiques sur la santé ». Il propose plusieurs recommandations.
[Série] Le Sénat mène l’enquête : quand le Sénat se penchait sur la gestion de l’eau
Par Simon Barbarit
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« Ecoterrorisme ». Le mot est lâché par Gérald Darmanin en novembre dernier au lendemain de violents affrontements entre manifestants écologistes et forces de l’ordre autour de la construction d’une retenue d’eau à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Un barbarisme qui ne correspond à aucune qualification pénale, le parquet national antiterroriste n’ayant jamais requis l’ouverture d’une information judiciaire en ces termes, mais qui illustre les tensions que le réchauffement climatique produit et continuera de produire sur le système hydraulique en France.
Quelques mois plus tard, en février 2023, le groupe socialiste du Sénat décide de lancer une mission d’information afin « d’identifier les failles de la politique publique de l’eau menée dans notre pays et de proposer des solutions pour faire face au défi d’une gestion partagée d’une ressource plus rare et précieuse ».
Ne pas plonger dans « l’approche apocalyptique » sur le futur de l’eau
C’est dans ce contexte que de nouveaux affrontements, encore plus violents, se déroule à Sainte-Soline, laissant un manifestant est entre la vie et la mort. Les méga-bassines deviennent le symbole de la contestation écologique.
Dans le rapport de la mission d’information présenté le 12 juillet, sans nier les « tensions hydriques » existantes, le sénateur Hervé Gillé (PS) appelle à ne pas plonger dans « l’approche apocalyptique » sur le futur de l’eau. La mission d’information s’est fixée comme objectif « d’aller dans le factuel ». C’est pourquoi ils rejettent l’idée d’un moratoire pour les méga-bassines des Deux-Sèvres, demandé par les opposants. Ils portent plutôt le projet d’une médiation, avec tous les acteurs. Pour Hervé Gillé, « il faut aller jusqu’au bout », dans une démarche expérimentale, pour « consolider la connaissance ».
Quelques mois, plus tôt, un autre rapport de la délégation sénatoriale à la prospective appelait à une « approche pragmatique » sur le « sujet sensible » des retenues d’eau. Les rapporteurs estimaient que la réglementation actuelle est déjà assez exigeante et car elle « interdit le stockage de confort ». La France stocke assez peu d’eau par rapport à ses voisins (4,7 % du flux annuel), disqualifier globalement le stockage d’eau ne paraissait ainsi « pas fondé scientifiquement. ». Raison pour laquelle, ils plaidaient pour la construction de nouvelles retenues d’eau, « multi-usages », et pas seulement réservées aux agriculteurs, « lorsque le service environnemental rendu est positif. »
La mission d’information liste, quant à elle, différents types de retenues d’eau : les retenues collinaires, qui stockent l’eau de pluie par l’effet du ruissellement le long d’un bassin, les retenues de substitution, soit des ouvrages destinés à prélever l’eau en hiver, pour ensuite l’utiliser en été, et les bassines qui « génèrent de fortes critiques ». « Eutrophisation, évaporation, risque de dégrader les milieux, captation de la ressource au profit des seuls irrigants et d’un modèle d’agriculture intensive exportatrice, mobilisation importante de fonds publics », peut-on lire dans le rapport.
En déplacement dans les Deux-Sèvres, les sénateurs ont d’ailleurs relevé l’importance de la concertation locale en amont de ce type de projet. La mission mise pour ce faire sur le développement, dans chaque sous-bassin, des commissions locales de l’eau (CLE), composées d’élus locaux, de représentants de l’Etat et de représentants des usagers. Elles ne sont actuellement présentes que sur la moitié du territoire. Les CLE devront avoir la capacité d’adaptation d’un schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE), qui colle aux besoins réels de la localité. « Chaque projet se caractérise en fonction du territoire », avait expliqué le rapporteur, lors de la remise du rapport.
Des économies d’eau valables aussi pour l’agriculture
Fin mars, à Savine-le-Lac dans les Hautes-Alpes, lors de la présentation de son plan eau, le chef de l’Etat avait conditionné les futurs ouvrages à des « changements de pratiques significatifs », à commencer par des économies d’eau et une réduction de l’usage des pesticides par les agriculteurs.
La mission d’information reprend cette recommandation et en formule sept autres. Ils demandent notamment que les autorisations soient fondées, non seulement sur des données rétrospectives mais aussi sur des projections hydro-climatiques, afin de renforcer la connaissance des effets des retenues, notamment en matière d’évaporation.
En marge de la présentation du plan eau par le chef de l’Etat, devant la FNSEA, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau avait promis aux agriculteurs qu’ils seraient dispensés d’un « effort supplémentaire ». Pourtant, le rapport de la mission d’information souligne que « l’agriculture représente 10 % des prélèvements d’eau dans les milieux mais 57 % du total des consommations ». Un chiffre qui peut s’élever à 80 % en été. De plus, à peine 7 % de la surface agricole utile est irriguée. « Sans doute, on aura besoin de plus de surfaces à irriguer » donc, à prélèvements constants, il faudra consommer moins d’eau à l’hectare », avait brièvement esquissé, Emmanuel Macron.
Or, la pratique de l’irrigation est encadrée, économiquement par l’application de redevances sur les prélèvements d’eau et par le coût des installations. « Beaucoup d’agriculteurs sont prêts à évoluer et à faire des efforts. Mais il faut les accompagner pour acquérir le matériel comme des systèmes d’irrigation plus résilients comme des systèmes de goutte à goutte », avait appuyé Hervé Gillé, interrogé par Public Sénat en mars dernier.
Tarification, sobriété, réutilisation des eaux usées
Les 53 mesures du plan eau visent à atteindre -10 % d’eau prélevée d’ici 2030 pour les secteurs de « l’énergie, l’industrie, le tourisme, les loisirs, l’agriculture ».
« Il s’agit en réalité d’un objectif moins ambitieux que celui fixé en 2019 à l’occasion de la seconde séquence des Assises de l’eau, puisque l’échéance est reportée de 2025 à 2030 » relève le rapport.
Pour y parvenir, l’exécutif prévoit le rehaussement des moyens des agences de l’eau, à hauteur de 475 millions d’euros par an, dont 180 millions prévus pour résorber « en urgence » les fuites d’eau en France dans les points les plus sensibles. La mission rappelle qu’il faudrait plus de 150 ans pour renouveler l’intégralité des réseaux d’eau des villes de taille moyenne et de leurs communautés, et 140 ans pour les réseaux d’assainissement collectif. « Ce vieillissement se traduit par des fuites équivalentes à un taux de perte moyen de 20 % ». Afin de récompenser les services d’eau et d’assainissement performants, la mission du Sénat propose une forte modulation des redevances selon les taux de fuite ou les taux de non-conformités des rejets des stations.
Le gouvernement et le Sénat s’accordent sur la nécessité de développer « la réutilisation des eaux usées » actuellement pratiquée pour moins de 1 % des volumes en France contre 8 % en Italie, 14 % en Espagne et 85 % en Israël. « L’objectif est d’atteindre 10 % de réutilisation de ses eaux usées pour l’irrigation agricole ou le nettoyage des voiries. « 1 000 projets en cinq ans » seront lancés « pour recycler et réutiliser l’eau […] Nous voulons réutiliser 300 millions de mètres cubes, soit 3 piscines olympiques par commune […] ou 3 500 bouteilles d’eau par Français et par an », avait promis Emmanuel Macron.
Enfin, l’épineuse question de la tarification n’a pas été évacuée par les sénateurs. Le plan eau prévoit tarification progressive et responsable » de l’eau, sur le modèle des expérimentations pratiquées dans certaines communes depuis 2017. « Les premiers mètres cubes sont facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant » et « ensuite au-delà d’un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé », avait expliqué Emmanuel Macron. « Au-delà de la déclaration, l’application sera loin d’être simple », avait relevé Hervé Gillé en mettant en avant la nécessité d’une nouvelle approche législative et réglementaire.
Son rapport insiste sur la difficulté de déterminer les volumétries pertinentes pour chaque type d’usage et préconise que cette tarification progressive soit couplée à une tarification sociale pour les plus modestes.
Lors de la remise de son rapport, Hervé Gillé avait prévenu : « La sobriété n’est plus une option ».
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