Rodolphe Saadé, le patron de CMA-CGM, défend son bilan de réduction des émissions de gaz à effet de serre

Rodolphe Saadé, le très discret PDG de CMA-CGM, était auditionné ce 14 mars par la commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies. Devant les sénateurs, le dirigeant a défendu sa politique de réduction des émissions de gaz à effets de serre, dans un secteur encore très polluant.
Mathilde Nutarelli

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La commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies, lancée à la demande du groupe écologiste, a lancé ses travaux depuis quelques mois. Avant l’audition attendue de Patrick Pouyanné, le PDG de l’entreprise, les sénateurs ont entendu un éventail d’experts et de professionnels, parmi lesquels la climatologue Valérie Masson-Delmotte et l’expert de l’énergie Jean-Marc Jancovici. L’audition de ce jeudi matin était un peu différente des autres, puisque la commission d’enquête auditionnait pour la première fois un industriel : Rodolphe Saadé, le PDG de CMA-CGM. L’homme est rare dans les médias, alors qu’il est à la tête d’un des plus gros armateurs au monde et qu’il possède plusieurs médias, dont La Provence et le nouveau venu La Tribune Dimanche, entre autres. Ce 14 mars, le milliardaire a défendu la politique de décarbonation qu’il mène dans son entreprise de fret maritime, l’un des moyens de transport les plus polluants.

En 2023, les émissions de CMA-CGM ont diminué d’un million de tonnes

Le transport maritime est souvent pointé du doigt pour son impact sur l’environnement. Les immenses bateaux porte-conteneurs, alimentés au fioul, provoquent pollution de l’air et des mers. C’est pourtant le mode de transport le plus utilisé dans le commerce mondial, il représente 80 % de ce dernier en volume, selon l’OMC. L’enjeu de décarbonation de ce secteur est donc crucial. Devant les sénateurs, Rodolphe Saadé, accompagné du directeur de la transition énergétique de CMA-CGM Farid Trad, a défendu son bilan et sa politique de verdissement du fret maritime. « En 2023, 29 millions de tonnes de CO2 ont été émises sur la partie maritime de l’entreprise, c’est un million de moins qu’en 2022 », a expliqué Trad. Leur objectif est d’arriver à zéro émission nette en 2050 pour l’ensemble des activités du groupe. « Nous sommes sur une trajectoire de réduction des émissions », a-t-il affirmé.

Pour décarboner le transport maritime : le GNL, solution qui ne fait pas consensus

Pour réduire ces émissions de CO2, CMA-CGM mise sur une politique de diversification de ses carburants. Outre l’électrification de la flotte, c’est le recours à des carburants alternatifs, réputés plus propres qui est aujourd’hui utilisé pour la transition. C’est sur le biométhane et le gaz naturel liquéfié (GNL) que CMA-CGM mise. Ce dernier est présenté comme une solution plus écologique que le fioul pour faire naviguer les porte-conteneurs, parce qu’il émet effectivement moins de CO2 et de polluants de l’air, comme le soufre, quand il est brûlé. Mais son extraction et sa transformation sont des activités polluantes et nocives pour l’environnement. Son classement comme une énergie propre fait donc débat. C’est sur le GNL que CMA-CGM et TotalEnergies collaborent. L’énergéticien met à disposition de l’armateur une barge de GNL dans le port de Rotterdam et de Fos à Marseille, permettant aux navires de se recharger en carburant. « Aujourd’hui, nous avons 35 navires fonctionnant au GNL », explique Saadé, avec l’ambition d’augmenter drastiquement cette flotte.

Une stratégie qui laisse sceptique le rapporteur de la commission d’enquête, l’écologiste Yannick Jadot. Pendant l’audition il a interpellé Rodolphe Saadé : « Le GNL, ça n’est ni une énergie renouvelable, ni une énergie verte ». « Le GNL ne permet de réduire nos émissions de CO2 que de 20 % », a reconnu le PDG de CMA-CGM, « mais qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse ? Qu’on attende que quelqu’un d’autre réduise les émissions globales ou qu’on prenne des initiatives ? Le GNL peut assurer la transition le temps qu’on trouve une énergie meilleure ». Devant les sénateurs, et sous serment, l’armateur a demandé que la puissance publique, et plus précisément l’Europe, soit plus incisive dans ses incitations à la décarbonation. Il a demandé qu’elle donne un objectif clair, avec un type de carburant à privilégier. « Pour l’instant, l’Europe taxe, mais ne donne pas de solution », a-t-il asséné.

Pour Saadé, l’engagement de TotalEnergies sur la décarbonation « est réel »

Auditionné dans le cadre d’une commission d’enquête sur TotalEnergies, le sujet de l’énergéticien n’a que très peu été abordé par les sénateurs et leurs invités. Pourtant, les deux entreprises travaillent ensemble, TotalEnergies est un « partenaire historique » de CMA-CGM, d’après Rodolphe Saadé. Devant les sénateurs, le logisticien défend son partenaire. Il a rappelé que les deux géants figuraient parmi les fondateurs de la coalition « New energies », regroupant des grands industriels comme Air Liquide, Veolia ou encore Airbus, et qui finance la recherche pour décarboner le secteur des transports et de la logistique. « Nous avons besoin d’énergéticiens comme TotalEnergies », a défendu Saadé, pour qui l’entreprise pétrolière a un « engagement réel » pour la décarbonation.

Tout au long de l’audition, et particulièrement lors des échanges entre Rodolphe Saadé et Yannick Jadot, ce sont deux visions qui se sont confrontées. Celle des négociations politiques, des objectifs chiffrés et des directives ; et celle des industriels, qui, en pratique, se conforment ou non à ces objectifs. L’audition de Rodolphe Saadé a rappelé combien la transition écologique est lente et combien l’implication de tous les acteurs prend du temps.

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