Burned campgrounds in La Teste de Buch

Réchauffement climatique : la France n’est toujours « pas prête » à affronter ce qui l’attend, alerte le Haut conseil pour le climat

Dans un rapport rendu public mercredi, cet organisme indépendant estime que la France s’est retrouvée en difficulté pour répondre aux événements climatiques qui l’ont frappée en 2022. Le Haut conseil pour le climat appelle le gouvernement à accélérer de manière drastique sur les mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi à développer des politiques qui soient davantage dans l’anticipation des risques à venir.
Romain David

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Un cautère sur une jambe de bois ? L’effort fourni par la France pour limiter ses émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique est insuffisant. Dans son nouveau rapport annuel, publié mercredi soir, le Haut-Conseil pour le climat (HCC) adresse un avertissement au gouvernement : le rythme de baisse des émissions de CO2 doit quasiment doubler si la France veut tenir ses objectifs pour 2030. « Les émissions de gaz à effet de serre en France ont diminué de 2,7 % en 2022 par rapport à 2021 », note le rapport. Néanmoins, « les rythmes de baisse des émissions sur la période récente sont insuffisants dans tous les secteurs pour atteindre les objectifs du ‘Fit for 55’ d’ici 2030, sauf dans le secteur du bâtiment ».

Le « fit for 55 » est la feuille de route mise en place par la Commission européenne en 2021, et qui vise une réduction des émissions carbone de 55% d’ici 2030 par apport à leur niveau de 1990 dans l’Union européene, l’objectif final étant d’atteindre la neutralité carbone sur le continent d’ici 2050. De son côté, la France s’était engagée à une baisse de 40% d’ici la fin de la décennie.

« La France est particulièrement exposée aux conséquences du réchauffement climatique »

La France, comme l’Europe, se réchauffe plus vite que le reste du globe (un réchauffement moyen de +1,9°c sur les dix dernières années, contre une moyenne de +1,15°c pour l’ensemble de la planète). « Les projections climatiques montrent qu’un réchauffement de près de 2,0°C à l’horizon 2030, avec une fourchette haute à 2,3°c, est pratiquement inévitable pour la France », alerte le Haut Conseil, tandis que le gouvernement envisage désormais un scénario à +4°c à l’horizon 2100. Pour autant, le HCC estime que la baisse des émissions enregistrée l’année dernière tient moins de facteurs conjoncturels ou de mesures ponctuelles que d’une politique de long terme véritablement efficace.

Le rapport évoque ainsi « un hiver doux réduisant les besoins en chauffage », mais aussi la politique de sobriété déployée par le gouvernement, en premier lieu pour faire face à l’inflation et à la hausse des prix de l’énergie. En outre, une « baisse de la productivité de la forêt, l’augmentation de la mortalité des arbres et les dommages liés aux incendies » pourraient menacer l’objectif de neutralité carbone de la France, qui table en partie sur les capacités d’absorption de ses espaces forestiers.

« La France est particulièrement exposée aux conséquences du réchauffement climatique, mais n’est pas prête à y faire face », note le Haut Conseil.  Les politiques déployées sont encore trop « réactives », elles répondent aux épisodes climatiques et des crises récemment traversées, notamment en 2022, mais n’anticipent pas encore assez ceux à venir. Le rapport s’inquiète également du manque de cohésion des différents documents stratégiques porteurs d’objectifs climatiques. « En général, les stratégies et plans publiés incluent des objectifs chiffrés, des grandes priorités, et des actions correspondantes, mais la faiblesse des procédures de suivi et d’évaluation et des objectifs qui tardent à s’aligner aux objectifs nationaux et européens les plus récents fragilisent la portée potentielle du cadre d’action ».

2022, une année emblématique

Vague de chaleur, sécheresse, feux de forêt, inondations éclair… L’année 2022 a été pour la France, d’un point de vue climatique, une « annus horribilis ». Elle offre toutefois un aperçu inquiétant de ce que pourrait être une année standard dans l’Hexagone à moyen terme. Le Haut Conseil revient longuement sur les conséquences des évènements climatiques des mois écoulés, et suggère de faire de 2022 un « point de référence » pour mieux identifier les fragilités du pays face au réchauffement climatiques et ses conséquences écologiques, économiques, agricoles, sanitaires et sociales, mais aussi pour cibler les investissements à fournir.

« L’année 2022 a été exceptionnellement chaude et sèche en France, et a eu des impacts graves sur les personnes, les activités économiques, les infrastructures et les écosystèmes. Les dispositifs de prévention et de gestion de crises n’ont pas permis d’éviter toutes les conséquences des événements météorologiques et climatiques de 2022, malgré un engagement exceptionnel de moyens de gestion de crise », constatent les experts du HCC.

Au cours de l’année 2022, les températures moyennes ont marqué une hausse de 2,9°C par rapport à la moyenne enregistré sur les années 1900-1930 par Météo-France. « La température record de l’année 2022 [42,9°c à Biarritz le 18 juin, ndlr] correspond à la température moyenne en France à horizon 2050-2060 pour un niveau de réchauffement planétaire qui atteindrait 2°c ». Quant aux précipitations, elles ont diminué de de 25 % si l’on s’en réfère aux données disponibles sur la période 1991-2020. De juillet à septembre, les trois quarts du territoire se sont retrouvés en état de sécheresse, avec plus de 2000 communes qui ont connu des tensions d’approvisionnement en eau potable. Le nombre de décès dits « en excès » pendant les vagues de chaleur est estimé à 2 816.

Le coût du réchauffement climatique

Plus de 7 800 départs de feu ont été enregistrés en 2022, qui ont vu partir en fumée 72 000 hectares de forêts, pour partie au nord de la Loire, une situation inédite dans l’Hexagone. Certains jours, plus de 40 000 membres des personnels de la sécurité intérieure ont dû être déployés, la dépense a été estimée à 31 millions d’euros par la Cour des comptes. « Malgré des moyens conséquents engagés par les services de sécurité civile, à l’échelle nationale comme territoriale, l’évolution des conditions propices aux risques de feux de végétation a montré l’efficacité, mais aussi les limites, des politiques de prévention et de gestion de risque qui prévalaient jusqu’à présent, en particulier sur des territoires jusque-là peu concernés. »

Rappelons que ce jeudi 29 juin, le Parlement a adopté une proposition de loi issue des rangs du Sénat et visant à une meilleure prise en compte du risque incendie lié au changement climatique. Ce texte intègre notamment un important volet consacré à la prévention et à la sensibilisation des populations.

Les orages ont été particulièrement nombreux en 2022, notamment durant le mois de juin pendant lequel 206 000 impacts de foudre ont été recensés. Le coût des dommages causé par les grêlons – « parfois géants » -, a atteint 5,1 milliards d’euros hors cultures, contre une moyenne annuelle inférieure à 500 millions d’euros durant les 37 dernières années. Autre phénomène marquant en 2022 pointé dans ce rapport : le retrait-gonflement des sol argileux asséchés, susceptible de fragiliser le bâti. Quelque 8 000 communes ont fait une demande de reconnaissance d’état de « catastrophe naturelle ». Les assurances chiffrent à 2,9 milliards d’euros le cout du phénomène, une dépense « à la limite du soutenable selon la Caisse centrale de réassurance ».

Le rapport publié mercredi par le HCC est le cinquième depuis la création de cet organisme indépendant en 2019, chargé de commenter la politique écologique du gouvernement et de formuler des propositions. Il peut être saisi pour avis par le gouvernement et le Parlement. Le Haut Conseil pour le climat est piloté par la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré et composé de treize membres, scientifiques, chercheurs et économistes, nommés par décret. On retrouve notamment parmi eux Jean-Marc Jancovici, fondateur de l’association The Shift Project qui milite pour la décarbonation de l’économie, et Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail n°1 du GIEC.

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