Entre 1980 et 2019, 12 500 points de captage d’eau potable, dans les rivières ou les nappes souterraines, ont dû être fermés, 34 % stoppés à cause de pollutions aux nitrates et aux pesticides. C’est un chiffre inquiétant que mettait en lumière un rapport d’inspection interministériel en novembre. Pour donner une idée de l’ampleur du phénomène, il y a actuellement 35 000 captages actifs en France.
Autres données alarmantes : selon un bilan établi par le ministère de la Santé pour l’année 2022, plus de 10 millions de Français ont été alimentés, au moins une fois, par de l’eau non conforme aux normes réglementaires concernant les pesticides et leurs métabolites. Actuellement, 30 % des eaux souterraines en France sont contaminées par ces résidus et 40 % des masses d’eau risquent de ne pas atteindre un bon état chimique d’ici 2027.
Or, « chaque abandon de captage, souvent en raison du coût de dépollution, aggrave les tensions hydriques et fragilise un équilibre déjà précaire », alertent les sénateurs PS, qui veulent aller plus loin dans la protection de ces espaces où l’eau de consommation courante est prélevée. Le gouvernement doit annoncer lui aussi prochainement des réponses. La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher doit présenter ce vendredi la feuille de route du gouvernement pour améliorer la qualité de l’eau potable en France.
Le coût du traitement des eaux contaminées atteint chaque année entre 500 millions et 1 milliard d’euros
Jusqu’ici la législation actuelle a montré ses limites pour garantir des niveaux de qualité acceptables, notamment en matière de programmes d’actions pour réduire les risques de pollution diffuse à la source.
Une proposition de loi, déposée par le groupe socialiste du Sénat, a pour ambition d’assurer une « sanctuarisation complète des zones de captage ». Leurs auteurs estiment que la logique curative de la ressource en eau « n’est plus tenable ». Les limites sont autant techniques – les traitements comme l’osmose inversée ou les filtres à charbon actif présentent une efficacité décroissante – qu’économique. Le coût du traitement des eaux contaminées atteint chaque année entre 500 millions et 1 milliard d’euros.
Le texte, qui compte parmi ses premiers signataires Florence Blatrix Contat et Hervé Gillé, prévoit notamment l’interdiction de l’utilisation et du stockage de produits phytopharmaceutiques et d’engrais minéraux dans les zones de protection des aires d’alimentation des captages, à compter du 1er janvier 2031. Des objectifs intermédiaires sont prévus et seront définis par décret. Déjà en novembre, un rapport de trois corps d’inspection préconisait en dernier recours la possibilité d’interdire, par arrêté, l’usage de produits phytopharmaceutiques en dépassement.
Le second article de la proposition de loi envisage de renforcer les sanctions pour le non-respect des interdictions relatives à l’utilisation et au stockage de produits phytopharmaceutiques et d’engrais.
Les auteurs soulignent dans l’exposé des motifs du texte qu’il est « indispensable d’accompagner les agriculteurs concernés par des investissements adéquats en faveur d’une transition qui ne leur soit en aucun cas préjudiciable ».