NOGENT SUR SEINE : Exercice national de sûreté nucléaire

Nucléaire : le Sénat adopte le projet de loi de fusion ASN-IRSN, toujours contesté par les personnels

Les sénateurs ont approuvé, après une série de modifications, ce 13 février la fusion entre l'ASN, gendarme du nucléaire, et l'IRSN, expert du secteur. Le projet de loi doit encore être examiné par les députés.
Guillaume Jacquot

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Un premier pas vers la refonte de la sûreté nucléaire en France. Le Sénat a adopté ce mardi 13 février 2024 la réforme voulue par le gouvernement sur la gouvernance des risques nucléaires et radiologiques. Le projet de loi a été adopté par 228 voix pour, 98 contre (14 abstentions), le projet de loi organisation a été adopté par 222 voix pour, 97 contre (14 abstentions).

Cette réforme vise à fusionner l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales, avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), un organe de recherche et expert public en matière de risques nucléaires. Dans le contexte de relance de l’énergie atomique, avec la construction programmée de nouveaux réacteurs, l’exécutif justifie ce regroupement par le besoin de fluidifier les décisions. Qualifié de « texte crucial » pour la politique de transition énergétique, par le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, il doit « réduire les complexités d’interface inhérentes à l’existence de deux entités ».

Le texte est passé avec les voix de la majorité sénatoriale de droite et du centre, qui estime avoir « rééquilibré » le texte et apporté des garanties au fur et à mesure de l’examen. Les groupes de gauche ont bataillé contre le texte, relayant notamment les craintes d’associations de défense de l’environnement et surtout des salariés. Dans une lettre ouverte publiée à la veille du vote solennel, l’intersyndicale des salariés de l’IRSN avait appelé une fois encore les parlementaires à rejeter un texte qui « déstabilisera durablement le système de gouvernance des risques nucléaires ». Depuis près d’un an, celle-ci redoute une fragilisation de l’indépendance entre les fonctions d’expertise technique et la prise de décision, mais également un affaiblissement de la transparence.

Pour le rapporteur Pascal Martin (Union centriste), le texte sorti du Sénat maintient à la fois la sûreté nucléaire « au niveau d’exigence le plus élevé possible », tout en « l’adaptant aux enjeux de la décennie actuelle et de celles qui suivront ». Le sénateur estime que regrouper l’ensemble des savoir-faire en matière de sûreté « contribuera à armer notre pays » face aux enjeux de la relance du secteur, du réchauffement climatique, et permettra d’améliorer la gestion de crise.

Des amendements pour renforcer la transparence vis-à-vis du public, ou accroître la distance entre expertise et prise de décision

Concrètement, au 1er janvier 2025, l’ASN et l’IRNS devront fusionner pour former l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), un calendrier jugé « ambitieux, mais réaliste et nécessaire » par Christophe Béchu. Les sénateurs ont décidé symboliquement de rebaptiser cette future entité en Autorité « indépendante » de sûreté nucléaire et de radioprotection (AISNR).

Parmi les principales modifications de fond, les rapporteurs ont renforcé la distinction entre expertise et décision. Ils se sont aussi employés à maintenir le niveau de communication vis-à-vis du public au même standard qu’aujourd’hui. Un autre amendement prévoit la création d’une commission de déontologie, chargée de « prévenir les conflits d’intérêts » et de « préserver les capacités de recherche ».

Des conséquences « non maîtrisées » selon la gauche

Ces points d’amélioration n’ont cependant pas convaincu les bancs de gauche. « Les experts en management des organisations disent, de même, que les fusions sont bien souvent synonymes de confusion. Faire converger les pratiques, les fonctionnements et les cultures de deux organismes suscite de l’instabilité et prend du temps. Et le succès n’est pas garanti », a averti l’écologiste Daniel Salmon.

Le socialiste Sébastien Fagnen s’est alarmé des « conséquences non maîtrisées et des lacunes manifestes dans les différents scénarios expertisés » du projet de loi. Les communistes ont notamment mis l’accent sur les enjeux sociaux, alors que la fusion doit regrouper sous un même organe les 500 fonctionnaires et contractuels de droit public de l’ASN et les 1 600 salariés de droit privé de l’IRSN.

Le projet de loi va désormais être transmis à l’Assemblée nationale, saisie en deuxième. C’est ici que le gouvernement tenté en mars 2023 d’introduire la réforme par voie d’amendement. Les parlementaires s’étaient opposés à cette idée soudaine, préparée au sein d’un conseil de politique nucléaire à l’Elysée, à huis clos, en février 2023.

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