France Politics

Michel Barnier Premier ministre : un écologiste à Matignon ?

Renforcement de la protection de l’environnement, introduction du principe de pollueur-payeur, réduction de l’utilisation des pesticides… Michel Barnier a laissé un héritage marquant de son passage aux ministères de l’Environnement, puis de l’Agriculture. Mais aujourd’hui, les associations écologistes observent avec prudence, voire scepticisme, sa nomination à Matignon.
Rose Amélie Becel

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

À l’occasion de son discours de passation de pouvoir, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a promis de « dire la vérité » sur la « dette écologique qui pèse lourdement sur les épaules de nos enfants ». Une déclaration qui ne surprend pas, à l’heure où les conséquences du changement climatique sont de plus en plus graves et visibles.

Mais, dans son camp politique, l’intérêt écologique de Michel Barnier a longtemps été précurseur, voire moqué. « Quand ça n’intéressait personne, Barnier écrivait des livres pour sauver la planète. Beaucoup ricanaient : “Michel, c’est cui-cui les petits oiseaux” », rapporte un ancien conseiller de l’Élysée au Monde.

« Trente ans après son passage au ministère de l’Écologie, ses textes sont toujours là »

Membre du cabinet du tout premier ministre de l’Environnement Robert Poujade en 1971, puis rapporteur du volet environnement du budget à l’Assemblée nationale entre 1978 et 1993, Michel Barnier est ensuite devenu ministre de l’Environnement dans le gouvernement d’Edouard Balladur. « Ça a été un bon ministre, trente ans après son passage, ses textes sont toujours là », remarque l’avocate Corinne Lepage, qui lui a succédé au ministère.

La loi Barnier, adoptée en 1995, a en effet introduit dans le droit français plusieurs notions encore utilisées aujourd’hui : le principe du pollueur-payeur, le principe de précaution… Le texte a également débouché sur la création du « fonds Barnier », permettant de financer des mesures de prévention des risques naturels, et sur l’installation de la Commission nationale du débat public, qui veille aujourd’hui encore à la participation des citoyens dans l’élaboration des projets ayant un impact sur l’environnement.

« Il a ouvert son ministère aux associations environnementales »

Dix ans plus tard, entre 2007 et 2009, Michel Barnier fait son entrée au ministère de l’Agriculture et de la Pêche, dans le gouvernement de François Fillon. En poste au moment du Grenelle de l’environnement, il a supervisé la mise en place du plan Ecophyto 2018, visant à réduire de moitié l’usage des pesticides dans l’agriculture d’ici à 2018.

« Nous devons admettre que Michel Barnier, en tant que ministre de l’Agriculture, a su résister aux pressions, notamment celles de la FNSEA, durant les négociations du Grenelle sur les pesticides », reconnaît l’association Générations Futures dans un communiqué, quelques heures après sa nomination à Matignon. « À cette époque, il avait également ouvert son ministère aux associations environnementales, rompant ainsi avec la seule cogestion traditionnelle entre l’État et les syndicats agricoles dominants », se souvient le collectif.

Depuis, les ambitions d’Ecophyto ont été revues à la baisse. Après une pause lors de la crise agricole au début de cet année, l’indicateur défendu par Michel Barnier et plébiscité par les associations écologistes pour quantifier l’usage des produits phytosanitaires a été abandonné.

Des prises de position contre l’écologie « punitive »

Désormais chargé par Emmanuel Macron de composer un gouvernement, Michel Barnier portera-t-il une politique écologique ambitieuse ? Il y a un an, le nouveau Premier ministre ne se montrait en tout cas plus aussi favorable à l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides, désormais repoussé à 2030. Dans une tribune publiée dans Le Monde en septembre 2023, Michel Barnier dénonçait ainsi le « caractère punitif » des « récentes mesures adoptées par la Commission européenne », aussi bien sur les pesticides, que sur l’interdiction des véhicules thermiques d’ici à 2035, ou encore en matière de biodiversité. Le nouveau Premier ministre ne semble pas non plus trop apprécier les projets d’installation de parcs éoliens, dont il proposait la révision lorsqu’il était candidat à la primaire des Républicains en 2021.

« C’est un discours qui a été tenu dans le cadre des campagnes électorales des Républicains, il a peut-être adapté ses mots à l’électorat qu’il cherchait à séduire », veut croire Corinne Lepage, « tout le monde est prudent sur ce qu’il va mettre en place, moi aussi, mais je pense que c’est le meilleur choix qui pouvait être fait à droite de l’échiquier politique. » Prudentes, les associations écologistes le sont aussi. Dans un communiqué, Greenpeace France dit douter « de la capacité de Michel Barnier à répondre concrètement et rapidement aux impératifs dictés par la crise écologique actuelle ».

S’il évite la motion de censure, les premiers mois du gouvernement Barnier devraient rapidement permettre de confirmer ou de lever les doutes sur ses ambitions écologiques. Le budget 2025 prévoit en effet de nouveaux coups de rabot dans les dépenses liées à la rénovation énergétique, à l’électrification des transports, ou encore dans le Fonds vert. Charge désormais au nouveau Premier ministre de modifier, ou non, la feuille de route établie par son prédécesseur.

Dans la même thématique

Vue depuis l’ISS
3min

Environnement

Thomas Pesquet, lanceur d’alerte de haut vol

245.000. C’est le nombre colossal de photos prises par Thomas Pesquet depuis la Station spatiale internationale. Une observation fine et précise qui a donné à l’astronaute un point de vue sans pareil sur notre planète et sur l’évolution de ses océans, de ses forêts, de ses glaciers. Dans « Thomas Pesquet, objectif France » Vincent Perazio et Xavier Lefebvre nous font découvrir une autre facette de l’astronaute préféré des Français, un Thomas Pesquet observateur vigilant, presque un lanceur d’alerte, qui par son expérience spatiale a développé une vive conscience écologique.

Le

Visite de l’usine Perrier a Vergeze
6min

Environnement

Scandale des eaux en bouteilles : Bruxelles épingle la France 

Saisie par l’ONG Foodwatch, la Commission européenne a lancé un audit du système français de surveillance de la qualité des eaux en bouteilles. Ses conclusions, rendues mercredi, pointent son inefficacité alors que les industriels sont accusés de pratiques frauduleuses.

Le

Convoi de l’eau : un final a Paris
4min

Environnement

Manifestations contre les mégabassines : « c’est inacceptable », selon le sénateur Bruno Belin

6000 à 8000 opposants aux mégabassines sont attendus ce week-end au Village de l’eau à Melle (Deux-Sèvres) et à Saint Sauvant (Vienne), épicentre de la lutte contre ces réserves de substitution contestées, près d’un an après les violents affrontements à Sainte-Soline en mars 2023. Deux manifestants s’étaient retrouvés dans le coma et une cinquantaine de gendarmes avaient été blessés. Au rassemblement à Melle au Village de l’eau s’ajoutent deux journées de manifestation ce vendredi à Saint Sauvant dans la Vienne où doit être érigée une bassine et au port de La Rochelle en Charente maritime samedi, désigné par les Soulèvements de la terre comme « le dernier maillon de la chaîne irriguée par les mégabassines ». Fervent défenseur des réserves de substitution, Bruno Belin, sénateur LR de la Vienne s’inquiète des éventuels débordements à venir lors de ces manifestations interdites par la préfecture.

Le

Morvan forets France – Forets du Morvan, France
6min

Environnement

Les forêts françaises face au défi climatique

Frappées par les sécheresses et les épidémies, nos forêts sont malades. Au point qu’elles pourraient, un jour, ne plus parvenir à jour leur rôle de « poumon vert », c’est-à-dire capter le CO2 que nous émettons. Face au dépérissement, pouvoirs publics et coopératives forestières misent sur la plantation d’essences plus adaptées au réchauffement climatique.

Le