Maison fissure par l’affaissent du sol argileux a Gattieres

Maisons fissurées : en commission, le Sénat rejette la proposition de loi de Sandrine Rousseau

La commission des finances du Sénat a rejeté mercredi une proposition de loi destinée à améliorer l'indemnisation des particuliers dont les habitations ont été endommagées par le phénomène de retrait-gonflement des sols. Ce texte sera toutefois bel et bien débattu en séance publique, le 30 mai.
Romain David

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Un texte en partie inutile, et qui menace d’affaiblir les dispositifs existants. C’est à ce titre que la commission des finances du Sénat a rejeté, jeudi 22 mai, une proposition de loi sur les dégâts causés aux biens immobiliers par le retrait‑gonflement de l’argile, un texte voté à l’Assemblée nationale il y a un peu plus d’un an. Portée par la députée de Paris Sandrine Rousseau et les membres du groupe écologiste au Palais Bourbon, cette proposition de loi élargit les conditions d’indemnisation des victimes des mouvements de rétractation ou de dilatation de certains sols, un phénomène naturel considérablement amplifié ces dernières années par le réchauffement climatique.

Au Sénat, les membres de la commission ont estimé que ce texte risquait d’aggraver la situation des sinistrés en remettant en cause le régime légal d’indemnisation des catastrophes naturelle, le « CatNat », qui prend déjà en charge depuis 1989 les dégâts provoqués par le retrait‑gonflement de l’argile.

Dans sa mouture initiale, la proposition de loi tient en deux articles. Le premier modifie les règles de l’état de catastrophe pour élargir le nombre de communes qui peuvent être reconnues comme étant en état de catastrophe au titre du retrait gonflement. Le second introduit plusieurs dispositions visant à rééquilibrer la procédure d’expertise en faveur de l’assurée. Notamment la mise en place d’une « présomption de retrait-gonflement » lorsque des dégâts sont constatés en période de sécheresse. Ou encore l’obligation, pour les assureurs, de faire réaliser une étude du sol.

Malgré l’absence de mouture établie par la commission des finances, le projet de loi sera bien débattu en séance publique au Sénat, le 30 mai, mais  à partir de la version du texte élaborée par l’Assemblée nationale.

Un texte largement soutenu par les députés

Au Palais Bourbon, la proposition de loi a reçu le soutien de l’ensemble des oppositions, de la Nupes au Rassemblement national, en passant par Les Républicains. Les groupes de la majorité présidentielle, de leur côté, ont préféré s’abstenir, après avoir notamment pointé un risque d’allongement des procédures administratives.

Le texte est ressorti des débats enrichi d’une douzaine de mesures, visant par exemple à systématiser la prise en charge des contre-expertises par l’assureur, ou à renforcer l’information des administrés dans les communes concernées. Plusieurs articles contraignent également le gouvernement à produire, dans un délai d’un an, divers rapports sur la prévention du risque ou sur la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe.

Un phénomène amené à s’accroître

50% des sols français sont concernés par des retraits et des gonflements d’intensité, moyenne ou forte, selon un pointage réalisé par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). En cas de fortes précipitations, la variation de la teneur en eau des terrains provoque le gonflement de l’argile présente dans les sols. Inversement, en période de sécheresse, celle-ci a tendance à se rétracter. D’une saison à l’autre, les variations de volume peuvent atteindre des écarts de 20%. Cette instabilité provoque des fissures dans les constructions, fragilise au fil des années les structures ce qui peut aller jusqu’à l’effondrent. 75% des communes françaises seraient concernées par le phénomène et 10 millions de maisons individuelles particulièrement exposées.

Dans un rapport publié ce jeudi 23 mai, l’association Conséquences, qui documente l’impact du changement climatique sur la vie des Français, estime que depuis la fin des années 1980 les occurrences de ce phénomène ont augmenté de 145%.

Des dispositions qui échappent au cadre législatif

« Les conditions d’indemnisation du retrait‑gonflement de l’argile ne sont pas satisfaisantes à l’heure actuelle », reconnait le rapport de la commission sénatoriale des finances, qu’a pu consulter Public Sénat. « De nombreuses communes touchées par la sinistralité sécheresse se voient refuser l’éligibilité au régime CatNat : en moyenne seules 50 % de celles qui ont déposé une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle l’obtiennent. »

Pour autant, les dispositifs mis en avant par la proposition de loi de Sandrine Rousseau « sont soit déjà satisfaits par les textes en vigueur, soit de l’ordre du domaine réglementaire », résume la rapporteure LR Christine Lavarde. C’est le cas, par exemple, de l’élargissement des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ou encore de la labélisation des experts. La sénatrice épingle également les sept demandes de rapport au gouvernement contenus dans le texte, « ce qui ne participe pas à la clarté de la loi ». « Ce sujet a déjà été très largement documenté », pointe Christine Lavarde, elle-même auteure en 2023 d’un rapport sur l’impact financier des sécheresses.

La soutenabilité du régime « CatNat » menacée

Mais surtout, le Sénat redoute les surcoûts générés, susceptibles de faire éclater le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Selon les calculs de la rapporteure, qui a consulté la Caisse centrale de réassurance, la proposition de loi couterait entre 800 millions et 1 milliard d’euros par an. De quoi ébranler la soutenabilité financière du régime en faisant fuir les compagnies d’assurances, obligeant l’Etat à intervenir systématiquement pour couvrir les indemnisations, une situation difficilement tenable dans un contexte budgétaire particulièrement tendu.

D’autant que le réchauffement climatique laisse craindre une augmentation de 190% des sinistres sécheresse à l’horizon 2050, toujours selon les estimations de la Caisse centrale de réassurance.

Le financement du régime CatNat est en partie garanti par les assurés via une surprime « catastrophe naturelle », inscrite dans les contrats d’assurance contre les dommages aux biens. De leur côté, les assureurs se réassurent auprès de la Caisse centrale de réassurance (CCR), afin de partager les risques souscrits, la CCR bénéficiant d’une garantie intégrale de l’Etat. Mais aujourd’hui, l’augmentation des catastrophes naturelles, et notamment la part des sinistres liées aux épisodes de sécheresse, menace l’équilibre de ce système.

Notons que Christine Lavarde a déposé en début de semaine sa propre proposition de loi sur l’équilibre du régime d’indemnisation, articulée autour d’un mécanisme d’indexation automatique du taux de surprime.

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