A dix jours de la dernière phase des négociations du traité international visant à mettre fin à la pollution plastique, le député MoDem Philippe Bolo a remis un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur « l’impact des plastiques sur la santé ». Il propose plusieurs recommandations.
Les forêts françaises face au défi climatique
Par Fabien Recker
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C’est un petit bout de forêt quelque part en Moselle, qu’Antoine Colin examine sous toutes les coutures. « Une placette d’observation » précise le chercheur de l’IGN (Institut géographique national). Autour d’un point GPS savamment choisi, plus de 200 données sont récoltées dans un rayon de 15 mètres. « Sur la taille des arbres, la flore, le sol, l’écosystème forestier » énumère Antoine Colin. Réalisé chaque année dans près de 7000 « placettes » partout en France, ce travail de fourmi permet à l’IGN, par extrapolation statistique, de mesurer l’état de santé de l’ensemble de la forêt française.
Et le constat des géographes est alarmant. Nos forêts sont malades. « Depuis une dizaine d’années, on enregistre une dégradation de l’état sanitaire de la forêt » alerte Antoine Colin. « Avec une hausse de 80 % de la mortalité des arbres, des arbres qui ont moins de vigueur… ce sont des marqueurs forts du changement climatique ». Au point que nos forêts pourraient en 2050 ne plus être capables de jouer leur rôle de « poumon vert », c’est-à-dire de capter le CO2 que nous émettons.
« Nous sommes devenus les fossoyeurs de la forêt »
Pour comprendre le phénomène, il faut se rendre dans le quart Nord-Est de la France. « Ce sujet est mort, ici encore un mort, là un mort… autour de nous, tout le bouquet d’épicéas est mort » se désole Florent Dubosclard. Le directeur de l’office national des forêts du Jura ne reconnaît plus sa forêt, depuis qu’elle a été ravagée par une épidémie de scolytes : un insecte qui ravage les épicéas, et dont la prolifération est causée par la hausse des températures. « L’insecte perfore l’arbre pour venir pondre ses larves sous l’écorce. Celles-ci vont créer entre elles des ramifications qui finissent par couper l’arbre de son approvisionnement en eau et en minéraux » explique Florent Dubosclard.
La hausse de la mortalité des arbres oblige les forestiers à surexploiter la forêt : « Il faut retirer les arbres morts dans un délai de deux mois maximum, sans quoi l’insecte recommence ses méfaits ailleurs » avertit Florent Dubosclard. « On prélève à la forêt d’avantage que ce qu’elle ne produit. C’est une trajectoire qui n’est pas vertueuse. On a le sentiment d’être les fossoyeurs de ces forêts résineuses ».
Migration assistée
Pour contrer le phénomène, Emmanuel Macron a fait une promesse : planter un milliard d’arbres d’ici 2030. « Cela équivaut à renouveler 10 % de notre forêt » annonçait le président de la République en octobre 2022, lors d’un discours aux acteurs de la lutte contre les feux de forêts. En finançant le reboisement à hauteur de 150 millions d’euros par an, les pouvoirs publics misent sur la plantation de nouvelles essences, moins gourmandes en eau.
« Très humblement, le forestier plante des essences connues pour supporter ces épisodes plus complexes au niveau climatique » explique Cathrin de Rivoire, directeur en charge des relations avec les quelque 16000 propriétaires forestiers de la CFBL, une coopérative implantée sur le grand centre de la France. Dans le jargon forestier, on parle de « migration assistée », en faisant le pari que le cèdre de l’Atlas ou le pin laricio de Corse survivront là où les sapins auront succombé.
Sur le plateau de Millevaches, la lutte contre les coupes rases
Remodeler la forêt… au risque de planter des champs d’arbres, adaptés aux besoins de l’industrie, plutôt que de véritables forêts vivantes ? C’est le reproche que font les associations environnementales au plan de reboisement du gouvernement.
Sur le plateau de Millevaches, au cœur du Limousin, Vincent Magnet lutte contre le mode de gestion industrielle de la forêt. Sa bête noire : les « coupes rases », une pratique consistant à récolter une parcelle de forêt en une seule fois. « Cela conduit à une mise en lumière massive du sol, qui est compacté par le passage des abatteuses et sur lequel rien ne repousse pendant plusieurs années » explique ce technicien forestier et citoyen engagé dans la défense de la forêt.
« Ici ils n’ont replanté que du mélèze, bien en ligne, en monoculture » constate Vincent Magnet sur la parcelle qu’il tient à montrer à Public Sénat. « Dans quarante ans, on va tout couper, et repartir de zéro. Sauf qu’on repart de moins que zéro, parce qu’entre-temps on aura dégradé le milieu ».
Avec d’autres militants, Vincent Magnet a co-fondé « Forêt en vie » : un fonds de dotation qui s’est donné pour mission de racheter des parcelles de forêt, afin de les soustraire aux appétits des industriels et de les gérer durablement. En s’inspirant de techniques sylvicoles alternatives : ne récolter que le surplus de croissance de la forêt, varier les essences et bannir les coupes rases.
L’enjeu climatique
Mais cette « sylviculture douce » sera-t-elle en mesure de répondre à nos besoins en bois ? « La société a tout intérêt à recourir à ce matériau renouvelable qu’est le bois » souligne Anne-Catherine Loisier, sénatrice centriste de la Côte-d’Or et gestionnaire de forêts. « Un arbre en croissance capte le CO2 et le séquestre. Quand on le coupe pour en faire un usage long, comme la charpente, il continue de séquestrer le carbone. Et derrière, le forestier replante un arbre qui à son tour va capter le carbone, c’est un cercle vertueux ».
« Aujourd’hui la forêt répond à de nombreux enjeux » rappelle Antoine Colin, de l’IGN. Production de bois pour la construction, captation du CO2, conservation de la biodiversité, lieu de ressourcement… « L’enjeu est de réussir à concilier ces différentes fonctions, avec des crises fortes qui s’annoncent » avertit le chercheur.
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