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Indemnisation, prévention, allégement du ZAN : la France est-elle armée face aux inondations ?

D’une intensité toujours plus forte, les inondations et catastrophes naturelles extrêmes se répètent. La France a su « forger une culture du risque et de la prévention », souligne la sénatrice LR Christine Lavarde, mais elle reste encore bien insuffisante et doit évoluer face au réchauffement climatique.
François Vignal

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Les terribles inondations qui ont frappé la région de Valence, en Espagne, rappelle la force dévastatrice des catastrophes naturelles. La France n’y échappe pas. Le centre-est et le sud ont été marqués par les inondations, mi-octobre, sans oublier le Pas-de-Calais il y a un an.

Fréquence des inondations et submersions marines amplifiée par le changement climatique

Ces phénomènes, d’une intensité toujours plus forte, pèsent lourd pour les particuliers qui se retrouvent victimes, comme pour l’Etat et les collectivités. Des catastrophes qui ne vont pas s’arrêter. Comme le rappellent les sénateurs du Pas-de-Calais, Jean-François Rapin (LR), et des Alpes de Haute-Provence, Jean-Yves Roux (RDSE), dans un rapport d’information sur les inondations de 2023 et du début 2024 en France, « le changement climatique amplifiera la fréquence des inondations et submersions marines ». « Ce sont des conséquences visibles et directes du dérèglement climatique dans notre pays », soulignait devant la presse en septembre Jean-Yves Roux, lors de la présentation du rapport. « Un Français sur quatre est exposé aux inondations », ajoutait le sénateur du groupe RDSE.

D’ici 2050, on prévoit une hausse des inondations comprise entre 6 et 19 % sur le territoire, et même entre 75 et 91 % pour les submersions marines. Les inondations « constituent le premier risque naturel en France », alerte Jean-Yves Roux. Elles constituent déjà aujourd’hui la moitié des sinistres liés aux catastrophes naturelles.

Le Sénat propose de modifier le financement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles

La question des indemnisations est essentielle. Face à la hausse des catastrophes naturelles, le Sénat a adopté mardi dernier une proposition de loi de la sénatrice LR Christine Lavarde qui modifie le financement du régime d’indemnisation. Le texte autorise une revalorisation annuelle automatique de la « surprime » payée par les assurés dans leurs contrats pour financer des indemnités en hausse, conséquence des catastrophes toujours plus présentes.

« Le texte revoit la soutenabilité du régime dans la durée, en prévoyant qu’on ait toujours assez d’argent dans la Caisse centrale de réassurance, pour financer l’indemnisation des sinistres, et en renforçant la prévention pour diminuer la sinistralité », explique la sénatrice LR des Hauts-de-Seine.

La France s’est dotée depuis 1982 d’un régime spécial d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit « régime CatNat ». Le système est financé par une surprime sur les contrats d’assurance de dommages aux biens. Elle est payée par tous les assurés, qu’ils soient exposés au risque ou pas, et finance les indemnisations par le principe de solidarité nationale. Si cette surprime n’a pas augmenté pendant 25 ans, il a été décidé de la passer de 12 à 20 % au 1er janvier 2025. « En moyenne, la surprime catnat va passer de 23 à 40 ans », illustre Christine Lavarde. Plutôt qu’une forte hausse d’un coup, « la proposition de loi prévoit une révision régulière, mais petit à petit, en fonction de la sinistralité ».

Prêt à taux zéro pour les particuliers qui réalisent des travaux de prévention des risques

Le texte prévoit aussi de s’attaquer à la prévention des risques naturels. L’idée : créer un nouveau prêt à taux zéro, réservé aux particuliers qui réalisent des travaux de prévention des risques dans leur logement. Autre proposition : Christine Lavarde veut conditionner le versement de l’aide à la rénovation thermique des logements, MaPrimeRénov’, à la réalisation de travaux de prévention pour les logements les plus exposés aux risques naturels.

La sénatrice des Ecologistes, Ghislaine Senée, pointe pour sa part la hausse de la surprime. La sénatrice des Yvelines y voit une mesure au détriment des assurés. « En gros, on favorise les assureurs », estime au micro de Public Sénat Ghislaine Senée, qui aurait préféré qu’on « évalue » déjà la situation (voir la vidéo ci-dessous). Elle salue en revanche la mesure sur le prêt à taux zéro. « Une bonne chose », dit-elle, insistant sur la nécessité « de mesures de prévention, pour éviter les dégâts, notamment sur le retrait-gonflement des argiles (qui crée des fissures sur les bâtiments, ndlr), par exemple en ne plantant pas d’arbres trop près des maisons ». Ghislaine Senée ajoute :

 Par la sensibilisation, faisons en sorte de mettre en place une culture du risque et une vraie politique de prévention. 

Ghislaine Senée, sénatrice Les Ecologistes des Yvelines.

Hausse du fond Barnier : « Ça va dans le bon sens mais le compte n’y est pas »

Au fond, la France est-elle suffisamment armée pour faire face ? En déplacement vendredi 25 octobre dans le Rhône pour dévoiler les grandes orientations du troisième plan national d’adaptation au changement climatique, le premier ministre Michel Barnier a annoncé le renforcement du fonds qui porte son nom, le fonds Barnier, qui permet aux particuliers, aux collectivités et aux petites entreprises de financer des travaux destinés à réduire leur vulnérabilité face aux catastrophes naturelles. Avec 75 millions supplémentaires, il est porté à 300 millions d’euros.

« Ça va dans le bon sens mais le compte n’y est pas. Avec la surprime du mois de janvier, le fonds Barnier devrait être porté à 450 millions d’euros. Il manque 150 millions d’euros. Et nous demandons que ces 150 millions d’euros puissent être réellement utilisés pour les catastrophes naturelles », réagit Ghislaine Senée, pour qui « il faut un véritable plan d’atténuation des effets du réchauffement climatique, et les moyens pour le mettre en œuvre ». Un point d’accord ici avec Christine Lavarde. « Ce n’est pas à la hauteur de ce qui est prélevé sur les assurés pour la prévention des risques », confirme la sénatrice LR. « Il faut 450 millions d’euros qui doivent aller à la prévention des risques », insiste la sénatrice LR.

« On ne peut jamais être complètement prêt »

Est-ce que le pays est au niveau, face aux inondations ? « On ne peut jamais être complètement prêt, car l’intensité des pluies, on ne la connaît qu’à la dernière minute, quand on voit les épisodes de goutte froide et de pluie diluvienne. Après, on a quand même un système de politique de prévention des risques qui existe depuis longtemps, car la France a été frappée dans le passé par des inondations très importante, à Nîmes ou Vaison-la-Romaine, qui ont forgé cette culture du risque et de la prévention », remarque Christine Lavarde.

Mais la menace évolue. « On n’est plus forcément inondé car on habite proche d’un cours d’eau, car ce sont d’autres zones qui vont servir de déversoir. Ce n’est pas du tout la même chose de traiter un cours d’eau que de traiter chaque rue », ajoute la sénatrice LR des Hauts-de-Seine. Elle souligne au passage que le projet d’aménagement de la Seine, à la Bassée, devrait permettre d’éviter une crue centennale de la Seine, dont le coût « se chiffre entre 17 et 35 milliards d’euros ».

Michel Barnier veut « faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation “zéro artificialisation nette” »

Pour sa collègue des Ecologistes, globalement, « il faut absolument réussir à respecter les engagements que nous avons pris sur la neutralité carbone à l’horizon 2050 ». Ghislaine Senée ajoute qu’« il faut renaturer les sols, que l’eau soit mieux retenue ». Mais elle pointe « le retard pris sur le ZAN (zéro artificialisation nette) ».

Des coups de boutoir sont en effet donnés à cette mesure qui permet de lutter contre les causes des inondations à répétition. Une loi de 2023 a déjà atténué les objectifs. Lors de son discours de politique générale, le 1er octobre, Michel Barnier a ouvert la porte à de nouveaux allègements. « Pour construire, il faut du foncier. Nous devons faire évoluer de manière pragmatique et différencier la réglementation “zéro artificialisation nette” pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement », a affirmé le premier ministre.

« On est à l’heure des choix »

Au Sénat, le groupe de travail sur le ZAN, présidé par le sénateur centriste du Nord Guislain Cambier, propose de son côté une remise en question de l’objectif de réduction de moitié, d’ici à 2031, des constructions sur les espaces naturels et agricoles, par rapport à la décennie précédente. Le sénateur LR du Vaucluse, Jean-Baptiste Blanc, rapporteur du groupe de travail, « s’interroge sur les objectifs de 50 % ». Et pour la période suivante (neutralité en matière d’artificialisation en 2050), les sénateurs penchent pour une trajectoire plus « soutenable » et élaborées avec les territoires. S’appuyant sur les nombreux retours d’élus locaux, les sénateurs pointent en effet les difficultés de mises en œuvre du ZAN, avec des objectifs fixés « sans aucune prise en compte des réalités et dynamiques locales ». Les sénateurs écologistes ont dénoncé pour leur part le rapport, y voyant « une véritable atteinte à la trajectoire de la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers ».

Alléger le ZAN, « c’est un sujet qui revient souvent au Sénat », reconnaît Christine Lavarde, qui souligne la complexité de la question. « La question qui se pose, c’est comment on concilie la politique de construction de nouveaux logements, avec la politique de désartificialisation des sols. Ce sont deux impératifs qui sont contradictoires, sauf à surdensifier. Mais alors, se pose la question de politique de la ville, de qualité de vie », remarque Christine Lavarde, qui résume : « On est à l’heure des choix ».

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