En matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre, les « investissements nécessaires » au niveau national sont « de l’ordre de 60 milliards d’euros supplémentaires par an »

Auditionné par la commission d’enquête sur l’administration des collectivités territoriales, ses finances et ses défis en matière de transition écologique, l’ancien secrétaire général à la planification écologique Antoine Peillon est « optimiste » quant aux leviers et méthodes à actionner pour atteindre nos objectifs écologiques, malgré une « instabilité » politique et internationale menaçante.
Clarisse Guibert

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Dans une audition jugée « très intéressante » par le président de la commission d’enquête, le sénateur (UC) Olivier Henno, sur l’administration des collectivités territoriales, leurs finances et ambitions écologiques, l’ancien secrétaire général à la planification écologique a détaillé les montants à investir dans la planification écologique, au niveau national, mais surtout local, et les méthodes à suivre pour concrétiser ces ambitions. Selon lui, il y a un « relatif consensus sur l’ensemble des leviers » à mobiliser pour opérer cette transition écologique, mais la question reste et restera la distribution des efforts à réaliser.

Pour rappel, cette commission d’enquête vise à comprendre les causes de « l’érosion des ressources des collectivités », à identifier les conséquences de « cette dépendance » vis-à-vis de l’Etat, mais également les moyens pour « s’en affranchir ». Dans ce cadre, le secrétariat général à la planification écologique joue un rôle crucial. Créé en 2022, et piloté par Matignon, la SGPE coordonne les actions et « veille à la mise en œuvre » des stratégies élaborées. Si son secrétaire général, Antoine Peillon a annoncé son départ en février, et effectif la semaine dernière, le travail de recherche et « de terrain » de l’administration donne des clés de compréhension du fonctionnement de cette planification écologique à plusieurs échelons, sa stratégie, mais surtout sa concrétisation.

Cet apport supplémentaire « correspond à + 50% de l’investissement total », estime Antoine Peillon

L’audition a débuté fort, sur les prévisions de l’effort financier à fournir au niveau national, public et privé, en matière de diminution des émissions de gaz à effet de serre. Selon l’ancien secrétaire général à la planification écologique, 60 milliards d’euros supplémentaires par an sont nécessaires, par rapport à la situation de 2022. Ce chiffre correspond à 50% de l’investissement total par an. Mais au sein du secteur public, cet investissement est à répartir entre l’Etat, à hauteur de 1/3 et les collectivités territoriales, à hauteur de 2/3, « au prorata des compétences », explique-t-il. En effet, l’investissement concerne notamment « le bâtiment et la mobilité », des compétences endossées par les collectivités territoriales.

Face à cette avalanche de chiffres, le rapporteur de la commission d’enquête, le sénateur écologiste Thomas Dossus, fait rapidement le calcul : on parlerait donc d’un investissement de 20 milliards d’euros du côté des collectivités territoriales. Sauf qu’en matière budgétaire, « on n’y est pas », selon ses propres mots. Quel financement pour supporter cet investissement ?

« Je défends plutôt le Fonds vert » tout comme l’Ademe, déclare Antoine Peillon

A ce sujet, les sénateurs s’intéressent particulièrement au Fonds vert et à l’Ademe. Le premier est « plutôt pertinent » pour Antoine Peillon. Si son périmètre de financement a été jugé « trop large » à juste titre pour l’ancien conseiller de l’Elysée et Matignon, ces « imperfections » restent limitées, face aux projets « dans les cartons » que le dispositif a débloqués. Ce Fonds, créé en 2023, avait pour objectif de soutenir « les investissements locaux » en matière de transition écologique. Lui qui a été reconduit en 2025 avec une enveloppe 1,15 milliards d’euros est donc un outil précieux. Du côté de l’Ademe, Antoine Peillon en tire également « un bilan très positif » : l’agence donne « des gages de pérennisation de l’activité économique sur le territoire ».

En parallèle des dotations, le sujet des subventions a été posé par le rapporteur. Mais pour Antoine Peillon l’objectif est d’éviter leur recours : 20 milliards d’investissement, ça ne veut pas dire « nécessairement 20 milliards de subventions », estime-t-il. Pour l’ancien secrétaire à la planification écologique, il faut regarder la rentabilité des investissements, et identifier la nécessité des subventions là où la rentabilité est inenvisageable.

Au-delà de l’investissement, la planification écologique exige une forme de « stabilité », rappelle Antoine Peillon

Au fur et à mesure de l’audition, les discussions portaient également sur l’échelon national, voire international. « Êtes-vous optimiste ? » pose finalement le rapporteur Thomas Dossus à l’auditionné. Bien sûr, répond Antoine Peillon : « Nous avons quand même réussi collectivement à baisser, depuis 2017, de 20% nos émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes sur la bonne trajectoire en 2024, pour atteindre l’objectif d’ici 2030 », de réduire de 55% nos émissions de gaz à effet de serre. Mais pour poursuivre cet élan jugé efficace par l’ancien secrétaire général du SGPE, « il faut un peu de stabilité », au niveau national et international.

Non seulement « l’instabilité » du monde, du fait de « puissances étrangères de plus en plus hostiles », et de notre vie politique pourrait « nous porter préjudice » sur la mise en œuvre de notre planification écologique, mais également « notre société fracturée est un risque » estime Antoine Peillon. Néanmoins pour « notre bien-être », « notre souveraineté », le climat et « notre survie économique, il est indispensable de faire cette transition ».

Les travaux commission d’enquête doivent se poursuivre les prochains mois, pour s’achever au plus tard le 31 juillet prochain.

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