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Agriculture et écologie : « En France, on ne peut pas parler de surtransposition des normes européennes »
Par Henri Clavier
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Inflation normative, sur-transposition des interdictions issues du droit européen sur les pesticides, les dénominations sont parfois trompeuses mais utilisées pour désigner des situations identiques. Si l’inflation normative correspond à la multiplication des normes réglementaires et législatives applicables aux agriculteurs, la sur-transposition consiste à transcrire un texte européen dans son droit national et à y ajouter des contraintes supplémentaires. En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques, ou pesticides, le règlement européen 1107/2009 établit les règles régissant l’autorisation de la vente et de l’utilisation de pesticides au sein de l’Union européenne. Les critères, évalués par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) se rapportent principalement à l’existence ou non d’un risque pour la santé humaine et à l’absence d’effets inacceptables sur les végétaux ou sur l’environnement. Ensuite, c’est au niveau national qu’une autorisation de mise sur le marché doit être octroyée par l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses. Par conséquent un produit peut être autorisé au niveau de l’Union européenne sans pouvoir être utilisé en France. Un cas de figure particulièrement redouté par les agriculteurs qui craignent une « concurrence déloyale » en provenance d’Etats membres de l’Union européenne mieux disant sur les pesticides.
Une sur-transposition des normes européennes sur les pesticides, vraiment ?
Selon la base de données sur les pesticides dans l’Union européenne, 383 substances actives sont autorisées par l’EFSA et 283 peuvent être commercialisées en France. Un total qui est loin de placer la France dans les pays les plus restrictifs sur la question puisque l’Allemagne n’en autorise que 262. Souvent considérée comme une menace pour les agriculteurs français, la Pologne autorise moins de pesticides que la France (265). La France apparaît même comme l’un des pays autorisant le plus de substances actives (seuls l’Italie, la Grèce et l’Espagne en autorisent davantage).
« Il est difficile de trouver beaucoup d’exemples de surtransposition et donc des produits interdits en France avant de l’être dans l’Union européenne », estime Sophie Thoyer, directrice de recherche à l’INRAE et professeure à Montpellier SupAgro. « Il y a eu une époque, notamment dans la première partie de la décennie 2010, où la France avait pour habitude de procéder à des interdictions de pesticides avant l’Union européenne, cela a été le cas pour les néonicotinoïdes ou le diméthoate », note Benoît Grimonprez, professeur de droit rural à l’Université de Poitiers. Si la France, en interdisant les néonicotinoïdes en 2016, avait alors devancé l’Union européenne c’était en se basant sur les risques scientifiques d’une part et sur le règlement de l’Anses qui « permet de retirer l’autorisation de mise sur le marché en cas d’alternative au produit ciblé », précise Benoît Grimonprez. Principale exception, celle du glyphosate, dont l’utilisation est fortement restreinte. « Aujourd’hui, en matière agricole, en France, on ne peut pas parler de surtransposition des normes européennes », tranche Benoît Grimonprez.
« Les normes restent la cible principale des agriculteurs, car c’est un sujet facile »
Si la France a donc parfois adopté une position précautionneuse sur les autorisations de mise sur le marché, à l’inverse le recours aux dérogations a été massif, compensant ainsi la perte de compétitivité alléguée. « En ce qui concerne l’utilisation des pesticides, sur tout ce qui concerne la protection des personnes et des zones vulnérables, la France a sous-transposé et a même été condamnée pour cela », souligne Benoît Grimonprez.
Depuis la fin des dérogations accordées aux pesticides, l’exécutif se montre extrêmement vigilant à ne pas donner du poids à l’argument de la sur-transposition. L’Assemblée nationale a notamment adopté, le 28 février 2023, une proposition de résolution, à l’initiative du groupe Renaissance, affirmant lutter contre la sur-transposition des directives européennes en matière agricole. En parallèle, la France s’est abstenue lors du vote sur le renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate. Par ailleurs, la stratégie du Green deal, après avoir été vivement critiquée, a connu un coup d’arrêt important après le rejet par le Parlement européen du règlement (SUR) qui devait réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2030. Alors que le Green deal ne provoque pas la révolution législative attendue, « les normes restent la cible principale des agriculteurs car c’est un sujet facile, mais il y a aussi de la confusion par rapport à ce que l’on désigne », rapporte Sophie Thoyer.
Surtransposition ou excès de normes ?
Plus qu’une surtransposition des normes européennes, les agriculteurs semblent davantage fustiger une complexification du système d’allocation des aides directes prévue par la politique agricole commune (PAC). « Quand la France verse des aides au titre de la PAC, elle doit justifier le bon usage de ces sommes auprès de la Commission, si elle ne le justifie pas, la Commission peut sanctionner et surtout se rembourser », rappelle Sophie Thoyer. Largement modifiée depuis 2023, la PAC laisse dorénavant une marge de manœuvre plus large aux Etats membres tandis que l’Union européenne fixe les objectifs à atteindre. « Désormais les Etats membres présentent leur plan de stratégie nationale et prévoient eux-mêmes les critères de répartition des aides, et si cette partie est particulièrement compliquée à maîtriser cela n’est pas lié à l’interdiction des pesticides », note Sophie Thoyer.
L’accès aux aides pour les éco-régimes (volet environnemental de la PAC) a notamment pu être critiqué par les agriculteurs en ce qu’ils contraignent à laisser un pourcentage de terres arables en jachère, alors qu’un autre éco régime prévoit notamment l’interdiction de traiter avec des herbicides plus d’un tiers des vignobles et vergers. Néanmoins, « l’objectif était que tous les agriculteurs de France puissent rentrer dans l’éco-régime, aujourd’hui 95 % sont éligibles mais il y a un problème de clarté », estime Sophie Thoyer.
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