Coronavirus: epandage de pesticides.

« Avancée » ou « catastrophe » ? : Au Sénat, réactions contrastées après l’adoption d’un nouvel indicateur de mesure des pesticides

Gabriel Attal a annoncé que le Nodu, l’indicateur aujourd’hui utilisé pour mesurer l’utilisation des pesticides en France, serait remplacé par un indicateur européen. Une mesure attendue par les syndicats agricoles majoritaires, mais qui suscite des interrogations au Sénat.
Rose-Amélie Bécel

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Dans la dernière ligne droite avant le Salon de l’agriculture, Gabriel Attal et plusieurs ministres tenaient une conférence de presse ce 21 février, pour apporter de nouvelles réponses aux agriculteurs qui maintiennent la pression. Parmi les annonces attendues, le Premier ministre a fait savoir que l’Etat allait adopter un nouvel indicateur européen pour mesurer ses progrès en matière de réduction de l’usage des pesticides.

Depuis 2008 et la création du premier plan Ecophyto, c’est avec le Nodu (contraction de « nombre de doses unités ») qu’est mesurée l’utilisation des pesticides. Exprimé en hectares, l’indicateur calcule la surface agricole traitée chaque année aux doses maximales homologuées pour chaque produit.

« Arrêtons de penser que l’on peut agir en franco-français, sans prendre en compte les cadres européens », a affirmé Gabriel Attal. Tout en maintenant l’objectif d’une diminution de 50 % de l’usage des pesticides d’ici 2030, celle-ci sera désormais mesurée par le HRI 1. Ce nouvel indicateur européen, qui classe les produits phytosanitaires selon leur toxicité, mais ne prend plus en compte la notion de surface traitée.

Le HRI 1 « va permettre de s’en tenir à une comparaison avec les autres pays européens »

L’annonce du Premier ministre est bien accueillie par les syndicats agricoles majoritaires. Dans un édito pour Ouest-France, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau dénonçait déjà début février l’utilisation du Nodu : « Les agriculteurs et leurs syndicats sont aujourd’hui accusés d’être réfractaires au changement, alors que c’est le thermomètre de leur engagement qui est défaillant ». Même constat du côté de la Coordination rurale, syndicat en tête de nombreux cortèges de tracteurs ces dernières semaines, qui a dit à l’AFP sa « satisfaction » de l’abandon de l’indicateur français.

Au Sénat, l’annonce est plutôt bien accueillie par la droite et le centre. Pour le centriste Franck Menonville, agriculteur de profession, l’adoption du HRI 1 permettra « de s’en tenir purement à une comparaison avec les autres pays européens ». L’abandon du Nodu est également saluée par le sénateur LR Laurent Duplomb : « C’est une avancée. Le HRI 1 va enfin permettre de mesurer la dangerosité des pesticides, et donc de prendre en compte le travail déjà fait en France pour réduire de 96 % l’usage des pesticides les plus dangereux. »

Un constat qui montre que, côté chiffres, l’évaluation de l’atteinte de l’objectif de réduction de 50 % des pesticides fixé par le plan Ecophyto dépend fortement de l’indicateur choisi. Mesurée avec le Nodu, la consommation des pesticides a augmenté de 3 % dans les dix dernières années, mais mesurée avec le HRI 1 cette consommation affiche une baisse de 32 % sur la même période.

« C’est une manœuvre politicienne presque malhonnête »

Sur la base de ces calculs, le nouvel indicateur est donc largement décrié par les organisations environnementales. Pour l’ONG Générations Futures, interrogée par l’AFP, le gouvernement a opéré « un coup de force », pour mettre en place « un indicateur totalement trompeur qui va présenter une image de réduction factice ». L’inquiétude est partagée par les sénateurs des groupes de gauche. « C’est une vraie catastrophe, l’indice européen est moins disant. C’est une manœuvre politicienne presque malhonnête », dénonce l’élu socialiste Jean-Claude Tissot.

Pour le sénateur écologiste Daniel Salmon, le principal écueil du HRI 1 est qu’il désavantage les agriculteurs bio. Il estime que le classement des produits par dangerosité opéré par l’indicateur européen « manque de lisibilité, car il met sur le même plan des produits avec une toxicité très différente ». « Un agriculteur bio qui traite ses plants avec des levures, qui doivent être utilisées en grande quantité mais sont très peu impactantes pour la santé humaine, est considéré de la même manière qu’un agriculteur conventionnel qui utilise des agents neurotoxiques », dénonce Daniel Salmon.

De son côté, la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) se réjouit dans un communiqué de la reprise du plan Ecophyto, mis sur pause par le gouvernement, mais déplore l’abandon du Nodu. L’association espère que des discussions européennes permettront de compléter les lacunes du HRI 1, et assure que « le sujet va revenir sur la table, parce que plusieurs pays défendent justement le Nodu, comme la Belgique ou le Danemark ». L’indicateur, critiqué pour son aspect « franco-français », n’a donc pas fini de faire parler et pourrait même inspirer de futures discussions au niveau européen.

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