A dix jours de la dernière phase des négociations du traité international visant à mettre fin à la pollution plastique, le député MoDem Philippe Bolo a remis un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur « l’impact des plastiques sur la santé ». Il propose plusieurs recommandations.
Autorisation du glyphosate : « La France était en position charnière et n’a pas pris ses responsabilités », estime le sénateur écolo Daniel Salmon
Publié le
Fin du suspense. Jeudi 16 novembre, l’utilisation du glyphosate a été de nouveau autorisée pour 10 ans dans l’Union européenne. Une décision conforme aux plans de la Commission, qui avait formulé cette même proposition aux États membres le 20 septembre dernier. Le 13 octobre, les 27 étaient déjà invités à se prononcer sur cette ré-autorisation, mais l’abstention de plusieurs pays – dont la France – n’a pas permis de trouver une majorité.
La décision d’aujourd’hui a donc été prise en deux temps. D’abord, les 27 États membres étaient de nouveau invités à la table des négociations ce matin, mais ne sont toujours pas parvenus à un accord. Quelques heures plus tard, dans un communiqué, la Commission européenne – à qui revenait la décision finale faute d’accord – a donc annoncé qu’elle adoptait sa proposition formulée en septembre.
L’usage du glyphosate, herbicide le plus vendu en France, reste controversé. La décision de la Commission se fonde sur l’expertise de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a rendu un avis favorable sur le glyphosate en juillet dernier, estimant que la molécule ne présentait pas de « domaine critique de préoccupation ». Pourtant, d’autres organismes de recherche ont établi de leur côté la dangerosité de l’herbicide. La responsabilité de Bayer-Monsanto, qui commercialise la majorité des produits à base de glyphosate, a d’ailleurs déjà été reconnue dans les maladies de plusieurs agriculteurs.
Maintenir le glyphosate lorsqu’il n’y a pas « d’alternative crédible »
Pour le sénateur écologiste Daniel Salmon, la décision de la Commission acte un dramatique recul. « Combien faudra-t-il d’enfants nés avec des malformations, d’agriculteurs malades, pour qu’on se décide enfin à interdire le glyphosate ? », tonne l’élu breton. La veille, lors des questions d’actualité au gouvernement, il avait interpellé le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau à ce sujet. « Il y a des principes de réalité qui s’imposent, il y a des usages pour lesquels nous sommes aujourd’hui dans une impasse. Je pense à l’agriculture de conservation des sols, pour laquelle il n’y a pas d’alternative crédible [au glyphosate] », avait répondu le ministre pour défendre la persistance de l’usage de l’herbicide dans certains secteurs.
C’est pour cette même raison que le sénateur Pierre Médevielle (Les Indépendants) s’oppose à l’interdiction du glyphosate : « Nous avons déjà limité son usage, mais on ne peut pas vider complètement la trousse à pharmacie, il y aura toujours des ravageurs desquels il faudra se protéger ». Au-delà de l’absence d’alternatives, l’élu juge que le maintien du pesticide est nécessaire pour des raisons de souveraineté alimentaire. « Quand on voit les prévisions démographiques mondiales et le réchauffement climatique, on sait que les endroits propices à l’agriculture vont se raréfier alors que la population mondiale va croître. Notre agriculture doit redevenir exportatrice », estime Pierre Médevielle.
De son côté, Daniel Salmon balaye l’argument de la compétitivité de l’agriculture française : « Qu’est-ce que ça veut dire être compétitif ? Qui paye pour les externalités négatives du glyphosate ? Cette idée de la compétitivité est fabriquée par un marché néolibéral dans lequel on met en concurrence les agriculteurs du monde entier, pour aller aux coûts de production les plus faibles sans considérer les pollutions et la santé ».
Un « totem politique »
Pour les défenseurs de l’utilisation du glyphosate, l’interdiction du pesticide reste pour le moment injustifiée. « Le dogme environnementaliste nous emmène vers une réduction des pesticides par la suppression de molécules, mais pour réduire le volume de pesticides utilisés il faut utiliser des solutions techniques, grâce au progrès du matériel agricole », défend le sénateur LR Laurent Duplomb.
« C’est une molécule qui a été prise pour cible, par le président lui-même lorsqu’il proposait son interdiction en 2017, c’est un totem politique », constate de son côté la sénatrice LR Sophie Primas. « On a besoin de rationalité dans ce débat. Je trouve la position du ministre Fesneau intéressante, il dit : pas d’interdiction sans solution. On ne peut pas mettre en péril notre capacité de production sans alternative », ajoute l’élue.
Si Emmanuel Macron avait annoncé son souhait d’interdire la substance sous trois ans lors de son premier mandat, la position du gouvernement sur le sujet a bien évolué. Désormais, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau assume une sorte d’entre-deux. « La France n’est pas contre le principe de renouvellement de la molécule, mais veut réduire rapidement son usage et encadrer son utilisation, pour en limiter les impacts, et le remplacer par d’autres solutions chaque fois que c’est possible », a fait savoir le ministre suite à la décision de la Commission.
La France « n’a pas pris ses responsabilités »
Mais si la France ne s’oppose pas par principe au renouvellement du glyphosate, pourquoi s’est-elle abstenue de voter en faveur de la proposition de la Commission européenne, une première fois le 13 octobre et une seconde fois ce 16 novembre ? « Quand on s’abstient alors qu’on est en position de faire basculer un vote dans un sens ou dans l’autre, cela veut dire qu’on cautionne. La France était en position charnière et n’a pas pris ses responsabilités », analyse Daniel Salmon.
Sophie Primas est également insatisfaite de la position de la France sur ce sujet. « Ce qui me désole, c’est que c’est la Commission européenne qui a pris cette décision à la place des Etats, car ils n’ont pas eu le courage de la prendre eux-mêmes. Au fond, les Etats abstentionnistes sont favorables au maintien du glyphosate, mais n’osent pas le dire », fustige la sénatrice.
Selon des sources diplomatiques citées par l’AFP, sept Etats se sont abstenus lors du vote précédant la ré-autorisation ce 16 novembre. Aux côtés de la France, on retrouve notamment l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas. Au contraire, le Luxembourg, l’Autriche et la Croatie sont les trois seuls Etats qui se sont opposés au renouvellement du glyphosate.
Pour aller plus loin