L’annonce a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Jeudi 27 février, le tribunal administratif de Toulouse a décidé de suspendre la construction de l’autoroute A69 « faute de nécessité impérieuse à la réaliser ».
« C’est une décision totalement incompréhensible qui fait suite à 14 décisions du tribunal administratif qui autorisait le chantier à avancer », s’agace Philippe Folliot, sénateur (UC) de Haute-Garonne et fervent défenseur du projet d’autoroute, avant d’expliquer « respecter » la décision de justice tout en la « condamnant ».
À l’inverse, le sénateur écologiste du Bas-Rhin, Jacques Fernique salue une décision historique : « La décision du tribunal administratif est limpide, c’est une immense satisfaction. La justice administrative a fait son job, elle a eu du courage. C’est la première décision de ce genre prise pour un grand projet d’autoroute, un dossier dans lequel le droit a été malmené, avec des passages en force ces dernières années. »
Sans certitude sur l’issue finale, l’élu s’imagine toutefois mal comment la « décision pourrait changer désormais » avançant la « solidité des arguments » du tribunal administratif. Dans un communiqué, la juridiction justifie sa décision par « les nombreuses lacunes » de l’étude d’impact, notamment sur les « impacts sanitaires, les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre ».
Après avoir qualifié la décision d’« ubuesque », le ministre des Transports, Philippe Tabarot, a annoncé que l’État comptait faire appel de la décision.
« Une victoire à la Pyrrhus »
« Pour les opposants, c’est une petite victoire à la Pyrrhus », écrit Philippe Folliot dans un communiqué, « l’arrêt du chantier aura aussi pour conséquence l’annulation de toutes les compensations environnementales prévues ». Selon l’élu, les conséquences d’une telle décision seront nombreuses et coûteuses, notamment pour les finances publiques. « 300 millions d’euros ont déjà été investis et l’autoroute est déjà construite au deux tiers », se désole le sénateur du Tarn.
Le sénateur socialiste Olivier Jacquin est quant à lui dans une position mitigée. L’élu salue « la victoire de l’environnement », à la suite de la décision du tribunal, mais regrette le « désastre » pour les politiques publiques et les « millions d’euros » dépensés. « Ce n’est absolument pas satisfaisant dans la conduite des politiques publiques ».
Dans cette affaire, la société Atosca n’est plus responsable, mais c’est désormais l’État qui le devient. Au vu de la décision du tribunal administratif, c’est l’État qui a délivré une autorisation environnementale illégale. Le 1er et 2 mars 2023, les préfets de la Haute-Garonne et du Tarn ont attribué des autorisations environnementales pour la réalisation de l’A69. Désormais, la société Atosca pourrait même prétendre au statut de victime au vu des frais avancés.
Du côté des opposants, on pointe l’acharnement pendant des années pour la construction de l’autoroute. « Il va falloir cesser les frais, réparer. Il y a une irresponsabilité à avoir pris, en 2023, la décision de s’acharner à poursuivre le chantier quoi qu’il arrive, quoi qu’il en coûte », regrette l’écologiste Jacques Fernique.
« Je n’étais pas favorable au début du projet, je ne voyais pas l’intérêt public majeur de cette construction », explique Olivier Jacquin, mais en tant que parlementaire, j’aurais souhaité que l’on arrive à une situation plus claire et que l’on ne puisse pas revenir en arrière ».
« Nous sommes en train d’apporter de l’insécurité juridique sur tous les projets de notre pays »
À l’image de la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, qui défend le projet d’autoroute et qui a réagi sur X en se questionnant sur « la capacité d’un pays comme la France à réaliser de grandes infrastructures à l’avenir », le sénateur Philippe Folliot met en garde contre un risque d’« insécurité juridique chronique » dans le cas de projets comme celui de l’autoroute. « Nous nous trouvons maintenant avec ce qui pourrait faire une jurisprudence assez catastrophique », s’inquiète le Tarnais.
Il a annoncé son intention de déposer une proposition de loi visant à limiter les recours juridiques dans le cas de projets « d’intérêt public ».
Mais pour l’écologiste Jacques Fernique, l’intérêt public réside dans la protection de l’environnement. « C’est une étape très importante pour le droit de l’environnement qui ne pourra pas être balayée comme cela, se félicite le sénateur avant d’évoquer le « grand pas en avant » effectué.