Un compromis s’est noué ce 28 septembre à l’Assemblée entre la majorité présidentielle et la droite, sur l’un des articles majeurs du projet de loi relatif au plein-emploi. Il est question de l’article 2, où sont définies les conditions du nouveau contrat d’engagement, qui sera conclu entre les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi (appelé à devenir France Travail) et leur organisme référent. Les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) sont concernés par ce cadre, dont l’objectif est de renforcer leur suivi et leur insertion professionnelle.
L’amendement porté par les députés LR, et adopté par 88 voix contre 27, modifie la disposition relative au « niveau d’intensité de l’accompagnement » de ces derniers. Il précise que le niveau d’accompagnement requis équivaut à une « durée hebdomadaire d’activité du demandeur d’emploi de 15 heures », des « actions de formation, d’accompagnement et d’appui ».
Les deux alinéas suivants sont importants. Ils indiquent que cette durée peut être réduite, en fonction de la situation individuelle de l’allocataire, « sans toutefois être nulle », ce qui exclut l’absence d’activité. De même, les personnes qui rencontrent des « difficultés particulières et avérées, en raison de leur état de santé, de leur handicap ou de leur invalidité » et les parents isolés sans solution de garde pour un jeune enfant peuvent être exclus « totalement » de cette obligation.
Peu disposé depuis le début à inscrire une durée d’activité obligatoire dans le marbre de la loi, le gouvernement a fait un pas en direction des députés LR, en acceptant leur version. Pour le ministre du Travail, Olivier Dussopt, la solution trouvée « va dans le bon sens », en fixant les 15 heures hebdomadaires comme un « objectif ».
Promesse de campagne d’Emmanuel Macron
Pour rappel, cette durée était initialement d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Le chef de l’État souhaitait renforcer les devoirs des allocataires du RSA, en les obligeant à consacrer « 15 à 20 heures » par semaine d’activités, d’insertion ou d’emploi, afin de faciliter leur insertion professionnelle. La durée correspond également au volume d’activités prévu dans les contrats d’engagement jeunes, qui s’adressent aux adultes de 18 à 25 ans. Ce parcours d’insertion intensif prévoit une allocation pouvant aller jusqu’à 528 euros, sous condition de respecter le programme d’accompagnement. Les contrats d’engagement, déjà expérimentés dans 18 départements pilotes, prévoient aussi 15 à 20 heures d’activité par semaine pour les bénéficiaires du RSA.
Le texte sorti du Conseil des ministres ne prévoyait pas d’inscrire ce volume noir sur blanc dans la loi, le ministère du Travail préférant conserver une forme de souplesse. Cette durée hebdomadaire d’activité a finalement été inscrite sous l’impulsion de la majorité sénatoriale de droite et du centre, dès l’examen en commission le 27 juin. Le Sénat était la première chambre à examiner le texte, à partir de la fin juin. Pour la rapporteure du texte, Pascale Gruny (LR), il s’agissait de rendre la mesure « effective ».
Selon le texte adopté en commission au Sénat, et confirmé en séance, le niveau d’accompagnement, contenu dans le contrat d’engagement, devrait correspondre à une durée hebdomadaire « d’au moins quinze heures ».
L’opposition d’Olivier Dussopt au Sénat face à l’inscription d’une durée d’activité dans la loi
Lors de l’audition devant la commission des affaires sociales, qui a précédé les débats, le ministre du Travail Olivier Dussopt avait émis des doutes importants sur l’inscription d’une durée dans la loi. « Cela signifierait que la puissance publique garantisse la possibilité d’une telle activité sur tous les territoires, c’est loin d’être assuré », avait-il expliqué aux sénateurs. Le ministre avait considéré, en outre, qu’une activité « immédiate de 15 à 20 heures hebdomadaires » apparaissait « peu réaliste » pour des personnes « très éloignées de l’emploi ». Des craintes répétées trois semaines plus tard en séance. Attaché à des volumes horaires progressifs et adaptés à chaque situation, Olivier Dussopt avait par ailleurs pointé le risque que des bassins d’emploi ne puissent pas offrir autant d’heures d’accompagnement, « véritablement adaptées au parcours des personnes ».
La semaine dernière, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait déjà atténué la version sénatoriale, en indiquant dans le texte que le niveau d’accompagnement devait correspondre à « au moins quinze », si ce niveau s’avérait « adapté à la situation particulière du demandeur d’emploi et aux difficultés qu’il rencontre ».
« On va avoir une discussion avec nos collègues députés », réagit la rapporteure au Sénat
Interrogée par Public Sénat, la rapporteure du projet de loi au Sénat Pascale Gruny (LR) est loin d’approuver la réécriture provoquée par ses collègues LR à l’Assemblée. « Je suis inquiète sur le fait que l’objectif [des quinze heures, ndlr] ne soit pas un objectif contraignant. On pourrait toujours trouver une bonne excuse, et donc des personnes vont rester sur le côté. »
La sénatrice de l’Aisne, département qui participe à la phase d’expérimentation du nouveau contrat d’engagement, rappelle que des rendez-vous médicaux – dans le but d’identifier des problèmes de santé par exemple – pourraient très bien avoir leur place dans ce volume d’accompagnement hebdomadaire. « Je comprends bien que trouver 15 heures toutes les semaines pour toutes les personnes éloignées de l’emploi, c’est un peu compliqué, mais si on n’est pas exigeant, on ne risque pas de changer grand-chose », relève la sénatrice.
À ce titre, la version assouplie imaginée par le groupe LR de l’Assemblée, et présentée comme une mesure de fermeté par le parti, risque de contrarier leurs homologues sénateurs, qui ont fait des quinze heures dans la loi l’un de leurs principaux apports. « Je ne comprends pas leur position. Je l’ai exprimé à Philippe Juvin, le chef de file, en disant que mon groupe a été très exigeant sur ça. On va avoir une discussion avec nos collègues députés », déclare Pascale Gruny.
La nouvelle version adoptée à l’Assemblée continue toutefois de braquer la gauche, qui y voit des mesures « stigmatisantes ». Le député communiste Pierre Dharréville considère d’ailleurs l’adoption de l’amendement LR à l’Assemblée nationale comme un changement de pied du ministre. « Au Sénat, vous aviez dit que vous étiez contre les 15 heures, là, vous avez changé d’avis », a-t-il reproché en séance.
Alors que les députés poursuivent l’examen du projet de loi ce vendredi, la sénatrice Pascale Gruny espère trouver une rédaction plus satisfaisante d’ici la commission mixte paritaire, qui devrait se tenir à la mi-octobre.