Retraites : « Si vous abrogez la réforme de 2023, c’est 10 milliards d’euros de plus qu’il faut trouver », souligne Pierre Moscovici

Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, est venu présenter devant la commission des affaires sociales du Sénat ce 5 mars les conclusions de sa mission flash conduite sur la situation financière du système de retraites. Il a rappelé qu’il fallait trouver 15 milliards d’euros à l’horizon 2035 pour en assurer l’équilibre.
Guillaume Jacquot

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« La situation financière du système de retraite va se dégrader fortement dans l’avenir » : c’est le principal message adressé par le premier président de la Cour des comptes, face aux sénateurs. Deux semaines après avoir présenté les conclusions de sa mission flash sur l’état du financement et les perspectives du système de retraites, Pierre Moscovici a répété l’exercice cette semaine devant les commissions des affaires sociales du Parlement, hier à l’Assemblée nationale et ce 5 mars au Sénat.

Ce rapport, qui répondait à une commande du Premier ministre François Bayrou exprimée en janvier lors de la déclaration de politique générale, sert de base de travail aux partenaires sociaux. Pendant trois mois, syndicats et organisations patronales tenteront de trouver des améliorations à la réforme de 2023 et, surtout, de ramener le système l’équilibre en 2030, objectif fixé par François Bayrou. Or, Pierre Moscovici a souligné qu’entre 2025 et 2030, les déficits restaient « assez stables ». « Les vraies difficultés commencent après en réalité », a-t-il averti.

« Nette dégradation de la situation financière »

« Nos projections à 20 ans montrent une nette dégradation de la situation financière globale à 2045, malgré la réforme de 2023 », a résumé Pierre Moscovici. Le rapport de la Cour estime à 6,6 milliards d’euros le déficit pour l’année 2025. Il devrait se creuser à 15 milliards en 2035, et progressivement doubler, pour atteindre 2045. « C’est ça la situation financière projetée, ça n’a pas fait contestation », a indiqué l’ancien ministre.

Saisi par les organisations syndicales, en particulier, la CGT, la Cour des comptes a également donné une estimation du coût d’une annulation de la réforme de 2023, qui a notamment reculé l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Une ouverture des droits à 62 ans augmenterait le déficit de « 10,4 milliards d’euros en 2035 », a précisé Pierre Moscovici. « Si vous retirez cette réforme, si vous l’abrogez, c’est 10 milliards de plus qu’il faut trouver et qui s’ajoutent aux quelque 6,6 milliards en 2030, aux 15 en 2035.

« Si on imagine que la solution magique c’est la productivité va s’améliorer, non ça ne va pas nous dispenser d’efforts »

Interrogé sur les hypothèses d’évolution de la productivité retenues pour les projections financières, Pierre Moscovici a indiqué que le salut ne viendrait pas de cette croissance. « Si on imagine que la solution magique c’est la productivité va s’améliorer, non ça ne va pas nous dispenser d’efforts sur les retraites. Nous avons considéré, et ça a été ma surprise, que la variation de la productivité n’avait pas une influence singulière sur les projections, avec un moins d’un milliard d’euros d’écart sur les deux scénarios en 2035, et 7 milliards en 2045. »

Qu’il s’agisse de la présentation de la situation ou de la méthodologie dans les grandes lignes, le rapport a été globalement bien accueilli par les sénateurs. « Ce rapport est robuste et impartial », a ainsi souligné la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau (Union centriste). François Patriat (Renaissance), président du groupe des sénateurs RDPI, a salué un « rapport à la fois objectif et impartial » et la sénatrice communiste Cathy Apourceau Poly a reconnu que les chiffres étaient « fiables ».

Depuis la commande du Premier ministre, le contexte géopolitique international s’est nettement assombri. Le désengagement américain en Ukraine amène les Européens à rehausser le niveau de leurs dépenses militaires. « L’impérieuse nécessité de retour à l’équilibre se fait encore plus prégnante », a estimé Élisabeth Doineau.

« Si nous voulons être capables de répondre à des menaces sur notre sol – et notre sol, c’est le sol européen – nous allons devoir faire des efforts. Et ça ne peut pas se faire au prix d’une dégradation supplémentaire de nos déficits, les plus dégradés d’Europe », a acquiescé le premier président de la Cour des comptes.

Un deuxième rapport attendu durant la deuxième quinzaine d’avril

Pierre Moscovici a également détaillé les axes d’un nouveau rapport complémentaire en préparation, qui traitera des aspects « plus macrofinanciers » et « macroéconomiques », comme l’impact des paramètres du système de retraite sur la compétitivité. Ce travail sera rendu au Premier ministre le 15 avril prochain. Il doit aborder notamment le lien entre le système de retraite et le taux d’emploi, notamment chez les seniors. La Cour des comptes veut également fournir des comparatifs internationaux, pour les travaux des partenaires sociaux comme des parlementaires. « Il faut se comparer davantage à nos principaux partenaires », a insisté Pierre Moscovici. Autre axe de travail attendu : la Cour des comptes veut « approfondir l’impact » des différents leviers mobilisables, pour résorber le déficit des retraites.

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