Réforme de l’Assurance chômage : « les demandeurs d’emploi sont les boucs émissaires du gouvernement », dénonce Monique Lubin
Par Hugo Ruaud
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Le décret se dessine. Un mois après avoir repris la main sur le dossier, le ministère du Travail reçoit depuis mercredi les représentants syndicaux et patronaux pour définir les nouvelles règles de l’assurance chômage. L’ambition est claire : des économies drastiques et un objectif de 90 000 personnes de retour à l’emploi. Une fois les contours du texte gravés dans le marbre, le décret prendra effet le 1er juillet 2024. D’après le Parisien, il faudra bientôt avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers pour bénéficier de l’assurance chômage. En trois ans et autant de réformes, les conditions pour bénéficier du chômage se seront donc considérablement durcies : avant la réforme de décembre 2021, il suffisait d’avoir travaillé quatre mois sur les vingt-huit précédents, puis six mois sur les vingt-quatre derniers post-réforme.
« Objectif louable » ou réforme prétexte ?
Dans un entretien à L’Express paru mercredi, Emmanuel Macron loue une réforme qui « va renforcer l’efficacité de notre système d’indemnisation et les incitations au travail ». Le gouvernement fait l’hypothèse qu’un durcissement des conditions d’accès à l’assurance chômage incitera davantage les chômeurs à retrouver un emploi.
Un « objectif louable », selon Pascale Gruny, vice-présidente de la Commission des affaires sociales au Sénat, qui regrette cependant que « le sujet soit regardé sous le prisme financier ». « On réagit parce que l’Etat français ne va pas bien et qu’il faut aller chercher de l’argent là où il est, pas pour résoudre le problème du chômage », déplore la sénatrice de droite. Car les 90 000 retours à l’emploi espérés par le gouvernement représentent une goutte d’eau relativement aux plus de 5 millions d’inscrits à France Travail. Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT fait la même analyse que Pascale Gruny : « L’objectif affiché est celui du plein emploi. Je pense que l’objectif réel est de faire encore plus d’économies », a-t-elle expliqué sur BFM TV. Une ineptie d’après la syndicaliste, qui rappelle que le budget de l’assurance chômage n’a rien à voir avec le budget de l’Etat : « On est sur un système assurantiel où des cotisations permettent d’alimenter ce système », affirme Marylise Léon, pour qui « le régime d’assurance chômage » ne doit pas être « une variable budgétaire du budget de l’Etat ». La critique d’un gouvernement qui viendrait opportunément se servir dans les caisses indépendantes pour compléter son budget revient souvent, à l’instar des griefs de la sénatrice LR Frédérique Puissat en avril dernier : « Vous avez fait le choix de soutirer 4 milliards d’euros à l’Unédic par des sous-compensations, au point que cet organisme a dû s’endetter de 1 milliard d’euros pour faire face à ses responsabilités. Vous avez, en quelque sorte, fait les poches de l’Unédic », s’insurgeait la sénatrice face à la ministre du Travail, Catherine Vautrin. Pour autant, la droite sénatoriale continue de marteler la nécessité de faire baisser le chômage et de viser les personnes qui abuseraient du système. « Je suis la première à dire qu’il est insupportable de voir quelqu’un qui ne travaille pas alors qu’il pourrait travailler », soutient Pascale Gruny. « Mais est-ce le bon moment pour énerver les Français ? », s’interroge la sénatrice.
Efficacité contestée
Car outre la CFDT, le décret met vent debout le reste des syndicats. Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, fustige par exemple une réforme d’une « violence inédite » et pointe « un acharnement assez incompréhensible » de la part de l’exécutif. « C’est la réforme de l’assurance chômage la plus violente depuis sept ans. Si cette réforme s’applique, elle pénaliserait plus d’un million de personnes, notamment les jeunes, les précaires et les seniors », a affirmé sur BFMTV/RMC la responsable syndicale. Mais qu’en est-il véritablement de l’efficacité de ce type de mesure sur l’emploi ? « Aucune étude scientifique qui fait un lien entre la question du droit des chômeurs et du taux de création d’emplois », souligne Marylise Léon, de la CFDT. « Il faut une loi spécifique », insiste de son côté Pascale Gruny, « pour lever tous les freins à l’emploi ». La sénatrice LR souscrit à l’idée de chômeurs encouragés à retrouver un emploi par une précarisation de leur situation : « On entend encore trop souvent parler d’une personne au RSA qui ne retourne pas au travail parce qu’elle préfère toucher le RSA », assure l’élue. Une hérésie, selon sa collègue socialiste Monique Lubin : « La moyenne d’indemnisation est de 1100 euros par mois », explique la sénatrice, soulignant que ce montant n’est pas suffisant pour vivre dignement. « On a des exceptions dans toutes les règles, je ne le nie pas. Mais la grande majorité des demandeurs d’emploi souhaite retrouver un emploi », assure Monique Lubini. « Cette réforme-là illustre parfaitement ce qu’est l’ADN de ce gouvernement maintenant », à savoir « toujours chercher des économies sur le dos des plus précaires et pas des recettes chez les plus favorisés ». L’élue socialiste en est convaincue, « les demandeurs d’emploi sont devenus les boucs émissaires de ce gouvernement ».
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