Trois jours après une mobilisation de l’intersyndicale « contre l’austérité et pour l’augmentation des salaires », la conférence sociale annoncée fin août par Emmanuel Macron s’ouvrait ce lundi au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Sept organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, Unsa et Solidaires) et six organisations patronales (Medef, U2P, CPME, FNSEA, Fesac et Udes) s’entretenaient avec la Première ministre Elisabeth Borne, accompagnée du ministre de l’Economie Bruno Le Maire, de la ministre des Solidarités Aurore Bergé et du ministre du Travail Olivier Dussopt.
« Notre ambition de plein emploi doit aller avec le bon emploi. C’est pour cela que nous nous retrouvons aujourd’hui, avec la volonté que le travail paye mieux et de relancer la promotion sociale. Car nous avons une conviction, c’est d’abord par le travail qu’on retrouve du pouvoir d’achat », a souligné la Première ministre en ouverture de la conférence.
Après les prises de parole des différents acteurs en présence, la journée s’est déroulée autour de quatre ateliers : sur l’amélioration du pouvoir d’achat et des carrières par la négociation collective, autour de la lutte contre les temps partiels subis et les contrats courts, au sujet de l’impact des cotisations et des prestations sociales sur les revenus et enfin sur le renforcement de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Pas d’indexation des salaires sur l’inflation
Dans la matinée, dès sa prise de parole précédant les ateliers de discussions entre gouvernement, experts et partenaires sociaux, Bruno Le Maire a clairement énuméré les « impasses » auxquelles la conférence ne pouvait pas aboutir. « Si nous voulons un taux d’emploi toujours plus élevé, il faut éviter l’indexation des salaires sur l’inflation », note le ministre de l’Économie. C’était pourtant l’une des propositions phares de la CGT, portée par sa secrétaire générale Sophie Binet lors de son discours à l’ouverture de la conférence : « Les seuls pays d’Europe où les salaires n’ont pas baissé, ce sont ceux où ils sont indexés sur les prix, à savoir la Belgique et le Luxembourg ». Bruno Le Maire balaie également l’idée d’une nouvelle augmentation du SMIC, ainsi que celle d’une augmentation générale des salaires décidée par l’État.
De manière générale, après de lourdes dépenses publiques pour soutenir les entreprises et les ménages pendant la crise du Covid-19 et face à la hausse des prix de l’énergie, le ministre alerte : « Il n’y a plus de marge de manœuvre dans la dépense publique, plus aucune. On ne peut pas compter sur plus de dépenses publiques, ce serait une erreur, et on ne peut pas compter sur plus de dettes publiques, ce serait une faute. »
Excluant ainsi toute intervention directe de l’État pour améliorer les bas salaires, le gouvernement met notamment en avant la hausse de la productivité comme levier d’augmentation des rémunérations. « Aujourd’hui, avec le ralentissement des gains de productivité, les salaires n’augmentent plus avec le dynamisme d’autrefois. Ma conviction, c’est qu’il n’y a pas de fatalité. C’est notamment en investissant dans les compétences et dans la formation tout au long de la vie qu’il est possible de relancer cette dynamique », a indiqué Elisabeth Borne dans son discours d’ouverture. Une position partagée par le président du Medef Patrick Martin, pour qui « la question du pouvoir d’achat des salariés ne pourra se résoudre sur le long terme que si nous avons des niveaux de croissance et des gains de productivité, nous permettant à la fois d’avoir une dynamique de création d’emploi et de partage de cette croissance avec les salariés qui contribuent à la produire. »
Création d’un Haut Conseil des rémunérations
Au cœur de la problématique des bas salaires, le cas des branches professionnelles qui proposent une grille salariale inférieure au SMIC a été au centre des débats. Lors de la restitution des discussions intervenues lors des ateliers, il a été rappelé que 56 branches présentent encore des grilles inférieures au SMIC, c’est par exemple le cas dans au sein des laboratoires d’analyses médicales ou dans l’industrie du caoutchouc. « Le ministère du Travail recevra toutes les branches avec des minima en dessous du SMIC, pour qu’elles expliquent leur retard. S’il n’y a pas de progrès d’ici le 1er juin 2024, le gouvernement proposera au Parlement un projet de loi pour calculer les exonérations non pas sur la base du SMIC, mais sur la base du minimum de branche », annonce Elisabeth Borne.
Autre annonce importante de cette conférence sociale, la Première ministre souhaite la mise en place d’un Haut Conseil des rémunérations. Ses missions, sa composition et son fonctionnement seront définies par le ministre du Travail à partir de décembre, dans le cadre de consultations avec les partenaires sociaux. Parmi ses chantiers prioritaires dessinés par la Première ministre : « il devra se pencher sur la situation salariale des femmes, avec un seul cap : l’égalité », il pourra également conduire une « évaluation des dispositifs mis en place pour désinciter le recours au temps partiel ».
Interrogés par l’AFP à la sortie de la conférence, les syndicats se montrent sceptiques face aux annonces faites à l’issue de la conférence. « Bruno Le Maire est très fort, il a refermé toutes les portes », a réagi le président de la CFE-CGC François Hommeril, en référence aux propos du ministre en début de conférence. De son côté, Sophie Binet tranche, déçue : « Ça ne sert à rien de nous faire venir pour une journée de conférence sociale consacrée aux salaires si on ne parle pas de salaire ». Pour autant, les syndicats se sont saisis de la proposition de création d’un Haut Conseil des rémunérations, déjà annoncée la veille lors d’une interview de la Première ministre dans La Tribune Dimanche. En ouverture de la conférence sociale, les secrétaires générales de la CGT et de la CFDT ont émis le souhait que cette instance remplace le groupe d’experts sur le SMIC, dont les membres sont aujourd’hui proposés par le gouvernement.