Formulaire de demande de RSA (Revenu de solidarite active), allocation assurant aux personnes sans ressources un revenu minimum variable selon la composition du foyer

Lutter contre l’assistanat ou améliorer le taux de recours aux prestations : à quoi pourrait conduire « l’allocation sociale unique » proposée par Michel Barnier ?

Le Premier ministre, Michel Barnier a annoncé vouloir lancer « pour l’année prochaine » le chantier de « l’allocation sociale unique », afin « que le travail paie plus que l’addition des allocations ». Une proposition qui figurait dans le pacte législatif de la droite, mais déjà envisagé sous François Hollande et promise par Emmanuel Macron.
Simon Barbarit

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A l’instar des mesures annoncées sur la sécurité lors de son discours de politique générale (lire notre article), jeudi soir sur France 2, Michel Barnier a une nouvelle fois pioché dans le « pacte législatif de LR, en annonçant le prochain chantier de « l’allocation sociale unique ». Une annonce qui fait écho à la conférence de presse du président du groupe Droite Républicaine à l’Assemblée. Laurent Wauquiez a présenté un plan d’économie de 50 milliards d’euros, dans lequel figure une « allocation sociale unique plafonnée » à « 70 % du Smic », destinée selon lui à lutter contre l’ » assistanat ». Cette réforme rapporterait selon ses calculs, 7 milliards.

Succinctement, le Premier ministre a, lui, fixé comme objectif que « le travail paie plus que l’addition des allocations », précisant qu’il fallait « débureaucratiser » les allocations et « peut-être parfois en augmenter certaines », notamment celle destinée aux « personnes en situation de handicap, l’allocation adulte handicapée (AAH).

Michel Barnier a également reconnu que le chantier allait « prendre un peu de temps » et souligne ne pas avoir « trouvé de propositions concrètes sur ce sujet ». « Concrète » non, mais cette proposition fait figure de marronnier ces dernières années lorsque des pistes d’économies sont évoquées. A noter que mettre fin à « l’assistanat » n’est pas toujours l’objectif principal. En 2016, le député socialiste Christophe Sirugue remettait au Premier ministre, Manuel Valls un rapport dans lequel il proposait de fusionner tous les minima sociaux dans une « couverture socle », « Cette solution apporte plus de clarté, de cohérence et d’égalité », affirmait le parlementaire.

On retrouve cette idée dans les promesses de campagne du candidat Emmanuel Macron en 2017. Sur X, l’ancien ministre, Gérald Darmanin ne s’est d’ailleurs pas privé de le rappeler. « Bonne nouvelle, ce soir Michel Barnier annonce qu’il reprend notre idée de « versement unique social ». Grâce à la retenue à la source, on peut verser, en une seule fois, toutes les aides sociales auxquelles chaque personne est éligible – tout en les limitant, je le propose, à 75 % du SMIC pour que, jamais plus, ne pas travailler rapporte autant que de l’effort de travailler ! », a-t-il posté.

« L’assistanat n’est pas que du côté des pauvres »

« Ça me semble hasardeux de faire une évaluation à ce stade. 70 %, selon la composition du foyer, ça peut être très faible. Je suis pour ma part favorable à un principe : plus ou moins 20 %. C’est dire que le travail rapporte au moins 20 % de plus que de toucher des prestations. N’oublions pas que notre système d’aides sociales a été conçu comme un dispositif temporaire pour pallier les accidents de la vie », glisse Stéphane Sautarel sénateur LR et vice-président de la commission des finances. « Une allocation sociale unique versée par un opérateur national permettrait de mettre fin à cette approche en silo qui empêche certains bénéficiaires d’y avoir recours », ajoute-t-il.

« L’assistanat n’est pas que du côté des pauvres. Il faut regarder du côté des aides aux entreprises. Sans en connaître les tenants et les aboutissants, j’accueille déjà l’annonce du Premier ministre avec vigilance », prévient le vice-président de la commission des finances, Éric Bocquet.

Lors de la dernière campagne présidentielle, l’idée d’un « versement à la source » des prestations sociales était de nouveau l’un des axes de campagne d’Emmanuel Macron. Les équipes du Président reconnaissaient néanmoins que la mesure aurait un coût dans les premiers temps, car elle permettrait d’améliorer le taux de recours aux aides. Selon les calculs de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), le non-recours au RSA était évalué à 34 % en 2022.

« Oui, ça peut aboutir à cet effet. Mais l’objectif premier est de faire des économies et de réduire le différentiel qui existe entre toucher des aides et travailler. Il est parfois tellement mince que certaines personnes ne veulent pas se fatiguer. C’est comme le prélèvement à la source. Au début tout le monde était sceptique et personne désormais ne veut revenir dessus », considère le sénateur LR, Olivier Paccaud, membre de la commission des finances.

« C’est totalement idéologique pour ne pas dire mensonger, d’affirmer que les prestations sociales paieraient plus que le travail. Outre le RSA et la prime d’activité, quelles seraient les prestations concernées ? Celles qui sont calculées sur les ressources comme les aides au logement ? Celles basées sur la composition du foyer comme les allocations familiales ? On se dirige vers une remise en cause des droits fondamentaux », s’agace la sénatrice écologiste Raymonde Poncet-Monge co-auteure l’année dernière, d’un rapport avec René-Paul Savary (LR) sur le système de prestations.

« Risque d’une fraude digne des quotas carbone »

Ce rapport dénonçait un système « complexe et illisible » et appelait à fiabiliser les « données des déclarations de ressources des allocataires ». Pour ce faire, il préconisait d’avoir recours à des logiciels de paie labellisés et à un renforcement des contrôles. Selon la Cour des comptes, un euro sur six de RSA et un euro sur cinq de prime d’activité seraient versés à tort à titre définitif », constataient les deux rapporteurs.

Le risque de fraude inquiète d’ailleurs grandement la sénatrice centriste, Nathalie Goulet. « Ce serait de la folie furieuse de procéder à cette réforme de l’allocation sociale unique sans assainir la base de données des bénéficiaires. Ce serait prendre le risque d’une fraude digne des quotas carbones mais appliquée aux prestations sociales ». La sénatrice avait d’ailleurs alerté le gouvernement en début d’année après le piratage massif qui avait exposé les informations personnelles de quelque 33 millions d’assurés, parmi lesquels 600 000 comptes de la CAF, et 10 millions de France Travail.

 

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