Le 8 juin prochain, la proposition de loi d’abrogation du report de l’âge légal de 62 à 64 ans, déposée par le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot), devrait être examinée à l’Assemblée nationale. Cyril Chabanier, président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CTFC) veut croire en la possibilité d’un vote qui constituerait un « coup de tonnerre », et annonce que les syndicats feront tout pour faire pencher la balance, notamment avec une journée de mobilisation prévue le 6 juin : « On appelle les parlementaires des Républicains, de la majorité et du groupe LIOT pour les convaincre. C’est le rôle des syndicats de mettre la pression sur les parlementaires, évidemment. Lors de l’examen de la réforme, on a vu que par notre pression, au bout du bout, que le compte n’y était pas : même des députés de la majorité n’auraient pas voté la loi, c’est pour ça que c’est passé par un 49-3. La proposition de loi du groupe LIOT peut être votée à l’Assemblée nationale, et ce serait la première fois que l’on aurait un vote sur la réforme. »
« Le 8 juin c’est le dernier combat pour la CFTC »
D’après le leader syndical, même si la loi a très peu de chances de passer ensuite au Sénat, la situation politique serait difficile à tenir pour l’exécutif : « Le Président aura ensuite du mal à nous dire qu’il ne tient pas compte de ce vote. Cette loi peut être votée, c’est ce qui les inquiète. » Au niveau des grandes journées de mobilisation et de manifestation, la suite du mouvement semble être conditionnée au vote de cette proposition de loi par la représentation nationale : « Pour la CFTC, le 8 juin c’est le dernier combat. On continuera à combattre la réforme des retraites, on se battra sur les décrets d’application dans lesquels on peut faire des modifications. Je ne vois pas ce qu’une nouvelle mobilisation peut apporter. Le combat contre cette réforme on va continuer à le mener, mais sous d’autres formes. On pourrait demander une conférence de financement, un point d’étape en 2027, un nouveau RIP dans un an. Mais appeler à des manifestations massives après le 8, ça ne me paraît pas une bonne idée, sauf si le texte est voté. »
Le conditionnement des aides aux entreprises à des augmentations de salaires
En attendant le 8 juin, d’autres dossiers sont ouverts entre l’exécutif et les partenaires sociaux, qui rencontrent Elisabeth Borne ce mardi 16 mai. « Le but de ces rencontres, c’est de pouvoir fixer un agenda social », explique Cyril Chabanier, qui précise d’emblée : « Le retrait de la réforme n’est pas un préalable à la discussion. Mais on va faire un petit topo sur les retraites pour dire que pour nous le combat continue et que cela ne veut pas dire que l’on va tourner la page. »
Ensuite, le principal sujet à mettre sur la table pour les syndicats et la CFTC, sera « le pouvoir d’achat et les salaires » : « Le premier employeur en France, c’est l’Etat, il a un rôle à jouer dans les salaires de nos fonctionnaires. Nous avons 150 conventions collectives qui ont des salaires en dessous du SMIC. On va demander que les aides aux entreprises soient conditionnées au fait que ces situations soient régularisées. Il faut aussi que les autres niveaux dans la grille augmentent, sinon on a un tassement terrible. Je pense que la Première ministre n’est pas forcément fermée là-dessus. Après on a un problème de mise en place : est-ce qu’on le fait au niveau de l’entreprise, au niveau de la branche ? Il ne faut aussi pas créer de différence juridique qui pourrait être retoquée. »
CDI Senior : « C’est un peu le message ‘offrez-vous un senior à bas coût’ »
Un autre combat qui devrait être porté par l’ensemble de l’intersyndicale, c’est de « mettre à plat » les aides directes aux entreprises, qui atteindraient 157 milliards en 2019, soit environ un tiers du budget de l’Etat, d’après une étude de l’IRES. « Il faut que l’on mette tout ça sur la table avec la Cour des Comptes pour voir quelles sont les aides efficaces, qui ont montré leur effet, et que l’on garde. D’autres ont montré qu’elles n’avaient pas d’effet, comme les exonérations de cotisation au-dessous d’1,6 SMIC, qui créent une trappe à bas salaires. Il faut que l’on puisse en rediscuter. »
Sur un autre sujet en revanche, la CFTC portera une voix un peu différente d’autres syndicats, puisque la réforme du RSA prévue par le gouvernement « n’est pas le sujet où [il] a le plus de difficultés », explique Cyril Chabanier. « Ce n’est pas la conditionnalité du RSA qui me choque, c’est l’inverse qui me choquerait. Quelqu’un au RSA doit être obligatoirement accompagné, il faut sortir ces personnes du RSA. Je n’ai pas de différence avec la position du gouvernement, à condition que l’on parle d’accompagnement ou de formation, mais pas d’activité avec du travail obligatoire. Si on est capable de donner 15 ou 20h de travail, on est capable de donner un mi-temps. »
Enfin, sur les mesures à propos de l’emploi des séniors censurées par le Conseil constitutionnel, le président de la CFTC estime que le CDI Senior introduit par le Sénat constitue « une mauvaise solution » : « C’est un peu le message ‘offrez-vous un sénior à bas coût’. L’index, lui, est une bonne mesure à condition que les entreprises soient pénalisées à la fin. Ce qu’on demande, c’est que lorsque l’entreprise publie l’index, elle doive avoir une trajectoire positive, ou sinon être pénalisée. On demande au gouvernement d’aller plus loin. »