Une première étape de franchie pour le nouveau texte porté par le ministre du Travail Olivier Dussopt. Avec deux jours d’avance sur son calendrier, le Sénat a adopté le projet de loi « pour le plein-emploi », 250 voix pour, 91 contre. Il sera examiné par l’Assemblée nationale cet automne.
La majorité sénatoriale de droite et du centre souscrit aux objectifs poursuivis par le projet de loi. Selon les mots de la rapporteure Pascale Gruny (LR), le texte ressort du Sénat « plus concret et plus adapté aux besoins locaux », Philippe Mouiller (LR) a estimé que le Sénat avait empêché une « recentralisation » sous certains aspects. « Nous serons extrêmement vigilants sur la suite des discussions », a-t-il averti. En face, la gauche s’est opposée à la philosophie du texte. La présidente du groupe communiste, Éliane Assassi a reproché au gouvernement de « stigmatiser les personnes les plus précaires ». La loi « fait porter la responsabilité du chômage sur les personnes les plus fragilisées par la vie », a dénoncé la socialiste Émilienne Poumirol.
Le texte doit donner naissance au réseau France Travail, dans le but de mieux coordonner les différents acteurs du service public de l’emploi, avec la mise en place d’un référentiel commun et davantage de partages d’information. Cette réforme sera un élément de plus pour parvenir, selon le gouvernement, au plein emploi en 2027, soit un taux de chômage de 5 % contre 7,1 % actuellement. « Notre pays a un problème d’efficacité de son service public de l’emploi », a affirmé le ministre en introduction des débats.
Une attention portée aux bénéficiaires du RSA
L’accent est mis sur les bénéficiaires du revenu de solidarité active. Dès leur demande d’ouverture de droits, ces derniers seront automatiquement inscrits comme demandeurs d’emploi. Ils sont 40 % dans cette situation aujourd’hui. Le projet introduit notamment un « contrat d’engagement », afin d’harmoniser les droits et devoirs de tous les demandeurs d’emploi, y compris les bénéficiaires du RSA. Actuellement, l’accompagnement renforcé des allocataires du RSA fait l’objet d’une expérimentation dans 18 départements. Sous l’impulsion de la majorité sénatoriale, une durée d’activité minimum de 15 heures (immersion, remise à niveau ou encore formation) a été inscrite dans le texte. Promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron à l’origine, cette durée ne figurait pas dans le texte initial. Refusant de soutenir la modification sénatoriale, le gouvernement a souhaité conserver un cadre souple, à même de prendre en compte les situations particulières.
Au rang des sanctions, en cas de non-respect des contrats d’engagements par les signataires, le texte crée une nouvelle sanction de nature intermédiaire, avant la radiation du RSA, laquelle existe depuis 1988. Cette nouvelle sanction, de « suspension-remobilisation », a l’avantage d’être rapide à mettre en œuvre, selon le ministère du Travail. Elle est aussi réversible, dans la mesure où les sommes bloquées sont restituées si le demandeur se conforme à ses obligations. Des associations caritatives, rejointes par des syndicats comme la CGT et la CFDT, ont exprimé leur indignation face à cette mesure, une position relayée ensuite par les bancs de gauche au Sénat.
En commission des affaires sociales, les sénateurs ont limité à trois mois de RSA les sommes qui pourront être versées rétroactivement. Le gouvernement n’est pas revenu sur cette modification.
Sauvegarde du nom de Pôle Emploi
Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a sauvegardé la dénomination de l’opérateur Pôle emploi, que le ministre souhaitait renommer France Travail. La commission des affaires sociales souhaitait éviter toute confusion avec le réseau du même nom, qui regroupera également les côtés missions locales pour les jeunes, Cap emploi pour les personnes handicapées, mais aussi les collectivités territoriales.
Le projet donne par ailleurs naissance à une nouvelle catégorie d’organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi. Une partie de la majorité sénatoriale a tenté de s’opposer, à cette disposition rejetée aussi par la gauche dans son ensemble, avant de se rétracter.
Le Sénat presse le gouvernement d’accompagner sa stratégie par de nouveaux moyens
Un constat est souvent revenu dans les débats, d’une famille politique à une autre : un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi passera par des moyens humains suffisants. « L’intensification de l’accompagnement des demandeurs d’emploi nécessite des financements à la hauteur, ce que ne prévoit pas le texte », a insisté la rapporteure Pascale Gruny (LR). « La question doit être clarifiée rapidement » a exigé à son tour la sénatrice PS Corinne Féret. Interpellé à plusieurs reprises sur ce chapitre, Olivier Dussopt a renvoyé les parlementaires au projet de loi de finances de l’automne, qui sera l’occasion, selon lui, de « conforter » et d’assurer une « montée en charge progressive » des crédits dédiés aux politiques d’insertion. La convention tripartite liant Pôle emploi, l’État et l’Unédic (l’Assurance chômage), qui devra être revue d’ici la fin de l’année, sera un autre moyen d’action pour faire évoluer le budget de Pôle Emploi, a ajouté le ministre du Travail.
Le texte comporte par ailleurs des dispositions poursuivant l’objectif d’améliorer l’accès des personnes handicapées à l’emploi dans le milieu ordinaire. Toujours dans l’optique de favoriser l’emploi, le projet de loi fait des communes les « autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant ». Elles auront pour mission de recenser les besoins, d’informer les familles et de construire l’offre. Le Sénat a reporté l’octroi de ces compétences au 1er septembre 2026, afin de tenir compte de l’échéance des prochaines élections municipales. Les sénateurs ont surtout refusé qu’un préfet puisse, en cas de manquement d’une commune, mandater la CAF afin qu’elle élabore le schéma communal et un projet de création de relais petite enfance. Tout comme ils ont rejeté la définition d’une stratégie nationale par arrêté du ministre chargé de la famille, qui aurait encadré l’action des collectivités locales, selon eux.
En séance, le Sénat a suivi sa rapporteure Pascale Gruny, en adoptant un amendement rehaussant de 3 500 à 10 000 le seuil de la population à partir duquel les communes doivent élaborer un schéma pluriannuel sur l’offre d’accueil du jeune enfant. « Nous avons encore des réserves sur le financement de ces nouvelles compétences », a-t-elle déclaré.