La volonté du Premier ministre d’aboutir à une nouvelle réforme assurance chômage a largement occupé les débats ce 3 avril au Sénat, lors de la session des questions au gouvernement. Une semaine après l’interview de Gabriel Attal au 20 heures de TF1, la ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin s’est retrouvée en première ligne cet après-midi face à des parlementaires remontés à bloc.
« Considérez-vous que la dernière réforme d’Élisabeth Borne est déjà caduque ? » a questionné la sénatrice LR Frédérique Puissat, avant de demander si le gouvernement avait lu l’accord conclu en novembre par les partenaires sociaux. « Le sujet n’est pas le sujet du 20 heures, le sujet est celui de la réponse des partenaires sociaux », a répliqué Catherine Vautrin. Pour la ministre, ce sont les organisations syndicales et patronales qui ont souhaité disposer de plus de temps sur l’assurance chômage, en parallèle du chantier du « pacte de la vie au travail ». « La balle est dans le camp, pour une réponse la semaine prochaine », a-t-elle ajouté.
« Vous avez fait en quelque sorte les poches de l’Unédic » : Frédérique Puissat (LR) dénonce un État « pickpocket »
En réplique, Frédérique Puissat a surtout relayé les inquiétantes de l’Unédic, le gestionnaire de l’Assurance chômage, au sujet des sous-compensations que lui a imposé l’État depuis l’an dernier. Le président de l’Unédic s’en était largement ému le mois dernier, lors d’une audition au Sénat. « Vous avez fait en quelque sorte les poches de l’Unédic. Cet État pickpocket, nous le craignons pour les collectivités, pour l’Agirc-Arrco et nous le condamnons pour l’Unédic », a conclu la sénatrice de l’Isère.
La ministre a profité d’un retour devant le micro, à la faveur d’une question de la sénatrice Nicole Duranton (Renaissance), pour contester cette lecture. « Non, ce gouvernement n’a pas fait les poches de l’Unédic. Ce gouvernement a simplement ramené à l’Unédic à l’équilibre et a permis à l’Unédic d’aller financer des formations ». Pour rappel, l’Unédic contribue à hauteur de 11 % de ses recettes au financement de France Travail (ex-Pôle emploi). À cette somme, il faut ajouter les 12 milliards d’euros de prélèvements (sous forme d’une moindre compensation de l’État à des allègements de cotisations) prévus par l’exécutif sur la période 2024-2027, opérés sur environ 20 milliards d’euros de recettes prévisionnelles.
« Nous cherchons des solutions concrètes quand vous, vous êtes dans les postures », répond Catherine Vautrin à la gauche
Deux sénatrices de gauche ont également pris la parole pour dénoncer les nouveaux changements dans l’assurance chômage que Gabriel Attal souhaite obtenir. L’abaissement de la durée d’indemnisation fait partie des pistes évoquées. « Le chômage n’est ni un choix, ni un confort, c’est toujours le résultat d’un accident de vie », a estimé la sénatrice communiste Évelyne Corbière Naminzo. « À la notion de chômage de masse, nous opposons la notion de retour à l’emploi », a fait valoir la ministre, s’appuyant sur la baisse du taux e chômage depuis 2017.
C’est avec la sénatrice socialiste Monique Lubin que l’échange a été le plus électrique. « Assumez-vous le choix du gouvernement de faire financer les déficits publics par les demandeurs d’emploi, par les personnes les plus en difficulté, par les salariés et si j’en crois les rumeurs que j’entends, par les assurés sociaux plus largement plutôt que par les hauts revenus et les dividendes qui explosent », a interrogé la sénatrice des Landes.
L’ancienne présidente du grand Reims (LR) a contre-attaqué avec le bilan de François Hollande sur le plan du chômage. « La vision de la majorité à laquelle j’appartiens, c’est très concrètement de lutter contre le chômage de masse, le moins qu’on en puisse dire c’est que à d’autres époques, la majorité que vous avez pu soutenir n’avait pas forcément la même approche », a riposté Catherine Vautrin.
Et de conclure : « La différence entre vous et nous, c’est que nous, nous cherchons des solutions concrètes quand vous, vous êtes dans les postures. »
Revenant sur l’ambition de réduire la durée d’indemnisation, Monique Lubin s’est alarmée des conséquences pour les demandeurs d’emploi les plus âgés. « Ils n’auront plus le temps de se former. Ce sera la course effrénée à l’emploi. »