Budget de la Sécu : le Sénat adopte la baisse des exonérations de cotisations sociales pour les apprentis
Après un long débat, le Sénat a validé la proposition du gouvernement de réduire les exonérations dont bénéficient les entreprises et les salariés en apprentissage. Face à l’opposition de nombreux sénateurs à la mesure, tous groupes politiques confondus, le gouvernement a tout de même assoupli son texte. La suppression des exonérations ne s’appliquera pas aux apprentis actuellement en contrat, mais seulement à partir du 1er janvier 2025.
Parmi les pistes d’économies proposées par le gouvernement, le projet de budget 2025 soumis au Parlement incluait une réforme des exonérations de cotisations dont bénéficient aujourd’hui les entreprises et les salariés en apprentissage. Lors de son examen par les députés, cet article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) avait été supprimé. Les débats n’ayant pas pu aller à leur terme à l’Assemblée, c’est la copie initiale du gouvernement qui est de retour devant les sénateurs. Ce 20 novembre, ils ont au contraire adopté cet article, à la faveur d’un assouplissement consenti par le gouvernement.
« On peut tous se féliciter d’avoir davantage d’apprentis, mais à quel prix ? »
Depuis 2018, les mesures incitatives ont entraîné un doublement des recrutements d’apprentis dans les entreprises. « Ces mesures ont été un vrai succès, nous avons dépassé le cap symbolique du million d’apprentis en France à la fin de l’année 2023, avec près de 850 000 nouveaux contrats enregistrés sur l’année, contre 350 000 en 2017 », salue le sénateur macroniste Xavier Iacovelli.
Un vrai succès, certes, mais coûteux pour les finances du pays, rappelle de son côté la sénatrice Les Républicains Frédérique Puissat : « Depuis la loi de 2018, les crédits de la mission « travail-emploi » qui porte principalement l’apprentissage sont passés de 14 milliards d’euros à 22 milliards d’euros. C’est vrai qu’on croit à l’apprentissage et qu’on peut tous se féliciter d’avoir davantage d’apprentis, mais à quel prix quand même ? » Si cette hausse des recrutements profite à l’emploi et l’insertion des jeunes, les exonérations de cotisations sociales provoquent également des effets d’aubaines pour certaines entreprises.
Dans ce contexte, le gouvernement propose ainsi de supprimer l’exonération de prélèvements sociaux dont bénéficient aujourd’hui tous les apprentis. En rétablissant le prélèvement de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) pour les apprentis payés plus de 50 % du SMIC. Le gouvernement souhaite également limiter les exonérations dont bénéficient les entreprises qui ont recours à des apprentis. Ainsi, alors que la rémunération des apprentis est aujourd’hui soumise à des cotisations lorsqu’elle dépasse 79 % du SMIC, le gouvernement propose un abaissement du seuil à 50 % du SMIC. Au total, ces deux mesures devraient permettre de faire 342 millions d’euros d’économies par an.
« Il est complètement injuste de faire porter les dérives budgétaires aux apprentis »
Des mesures injustes, estiment plusieurs sénateurs sur tous les bancs de l’hémicycle. Des Républicains aux socialistes, des amendements de suppression de l’article ont été défendus. « Le système social et fiscal est attractif pour les employeurs, mais c’est un investissement durable pour notre économie. L’apprentissage est un ascenseur social qui fonctionne. Un tiers des jeunes en alternance dans l’enseignement supérieur viennent de familles modestes et n’auraient pas atteint ce niveau de diplôme sans alternance », a par exemple défendu le sénateur indépendant Daniel Chasseing.
Après le rejet de leurs amendements de suppression de l’article, les sénateurs ont poursuivi dans les débats leur tentative pour infléchir les mesures proposées par le gouvernement. Plusieurs d’entre eux, notamment sur les bancs de la gauche, ont défendu des amendements pour supprimer l’assujettissement des apprentis à la CSG et à la CRDS, au nom de la défense du pouvoir d’achat des jeunes. « Réduire les revenus des apprentis dès qu’il dépasse la moitié du SMIC, soit moins de 700 euros net mensuels, presque au niveau du RSA, attaque directement leurs moyens de subsistance. Il est complètement injuste de faire porter les dérives budgétaires aux apprentis, dont nous connaissons la précarité des conditions de vie », a par exemple fustigé la sénatrice socialiste Annie Le Houerou.
Mais, pour la commission des affaires sociales et pour le gouvernement, l’assujettissement des apprentis aux cotisations sociales est avant tout une question d’équité. « Aujourd’hui, 60 % des apprentis s’inscrivent dans le cadre d’une formation de niveau bac + 2 ou plus. On est donc, pour beaucoup de ces apprentis, dans un niveau de rémunération tout à fait comparable à celui de salariés. Il y a même, parfois, des tuteurs ou des compagnons qui gagnent moins que l’apprenti », a souligné la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet. Un avis que rejoint la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau : « Les apprentis ont des droits sans cotiser, alors que les stagiaires payent la CSG et la CRDS ». Pour la sénatrice, la mesure aura par ailleurs un impact relativement faible sur les revenus des apprentis concernés : « Je rappelle que la disposition ne concerne que la part des rémunérations excédant 50 % du SMIC, soit 883 euros par mois. Pour un salaire de 1 000 euros, cela fait 9,20 euros par mois de cotisations. Ce n’est pas excessif. »
Une entrée en vigueur pour les contrats signés à partir du 1er janvier
Dans une dernière tentative d’infléchir l’article 7 avant le vote final, la sénatrice centriste Annick Billon et son collègue Les indépendants Emmanuel Capus ont proposé de modifier le calendrier d’application du texte, pour que le prélèvement de la CSG et de la CRDS ne concerne pas les apprentis en cours de contrat mais seulement ceux qui entameront leur apprentissage à partir du 1er janvier 2025. Une mesure qui permettrait de « ne pas modifier les conditions de rémunération en cours de contrat », souligne la sénatrice centriste, qui craint une vague de démissions d’apprentis si les rémunérations viennent à baisser : « En 2023, 27 % des apprentis ont interrompu leur contrat avant le terme, parmi ces ruptures près de 40 % étaient dues à des motifs financiers. »
Un argument qui n’a pas recueilli l’approbation de la commission des affaires sociales, mais qui a su convaincre le gouvernement. « Il pourrait y avoir quelque chose de rétroactif assez injuste à garder cette disposition telle que le texte initial la proposait », a souligné le ministre chargé du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin. Suivant l’avis du gouvernement, le Sénat a adopté cet amendement, entraînant l’assouplissement de la mesure initialement portée par le gouvernement.
Ce n’est pas la dernière fois que les sénateurs débattent avec le gouvernement autour de l’apprentissage. Dans le cadre du projet de loi de finances, qui sera examiné par la chambre haute à partir de la semaine prochaine, l’exécutif propose cette fois-ci de réduire la prime réservée aux entreprises qui recrutent un alternant, pour la faire passer de 6 000 euros à 4 000 euros. Une mesure qui devrait de nouveau susciter le rejet d’une partie de l’hémicycle.
Ce jeudi 21 novembre, se tient le « DuoDay », une journée où les personnes en situation de handicap peuvent venir accompagner un professionnel pour découvrir son métier et ses activités. Objectif : favoriser l’insertion professionnelle. Au Palais du Luxembourg, plus de quarante sénateurs accueillent un duo.
Les sénateurs ont instauré dans le budget 2025 de la Sécurité sociale une « contribution de solidarité », destinée à financer les dépenses croissantes liées aux personnes âgées dépendantes. Celle-ci prendra la forme de 7 heures supplémentaires de travail dans l’année, non rémunérées. Les entreprises verseront à ce titre 2,5 milliards d’euros à la branche autonomie. Le gouvernement était défavorable à l’amendement, mais considère que « la question du temps de travail doit être posée ».
Les sénateurs ont modifié ce 19 novembre la réforme des allègements de cotisations, inscrite au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Redoutant des destructions d’emplois, la majorité de droite et du centre a annulé la hausse du coût du travail sur les salaires autour du Smic. En guise de compensation, l’article modifié limite davantage les allègements de cotisations sur des rémunérations plus élevées.
Au premier soir des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, les sénateurs ont rejeté deux amendements de la gauche visant à revenir sur la réforme des retraites de 2023.