Ce mardi, à l’appel de France Universités, une journée de mobilisation « Universités en danger » a été organisée par plusieurs présidents d’université partout en France. Le 21 novembre déjà, une délégation s’était rendue au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour rencontrer Patrick Hetzel et pour faire part de leurs craintes vis-à-vis du sort réservé aux universités dans le projet de loi de finances pour 2025. Dans un communiqué, France Universités estime que le ministre n’a pas su, lors de leur rencontre, apporter de « réponse concrète » à leurs revendications, et déclare que la journée du 3 décembre « doit marquer une étape inédite de prise de conscience de la réalité de la situation des universités ». Pour Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine, spécialiste des questions d’éducation, « il faut bien noter qu’il est tout à fait exceptionnel, c’est rare que des présidents d’université soient à l’initiative d’un mouvement social ». La mobilisation d’aujourd’hui varie selon les établissements. Christine Neau-Leduc, présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a appelé « de manière symbolique, à suspendre les échanges avec le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche pendant toute la durée de cette journée ». De son côté, l’université de Lille a suspendu les cours, et a fermé ses bibliothèques et ses sites administratifs. Stéphane Piednoir, sénateur Les Républicains de Maine-et-Loire et rapporteur de la commission de l’Education sur les crédits de l’enseignement supérieur, s’interroge : « Est-ce que c’est la bonne manière de s’y prendre ? Je suis réservé sur ce mouvement de fermetures des universités ». Dans le projet de loi de finances pour 2025, les crédits alloués à la recherche et à l’enseignement supérieur sont de 31,7 milliards en autorisations d’engagements et de 31,3 milliards d’euros en crédits de paiement. En ce qui concerne, les formations de l’enseignement supérieur et la recherche université, 15,2 milliards d’euros en autorisations d’engagements et 15,3 milliards d’euros sont prévus. Pour la vie étudiante, c’est 3,3 milliards d’euros et 3,2 milliards d’euros qui sont alloués. Des montants en baisse par rapport au budget de l’année dernière. Un effort de 350 millions d’euros a été demandé aux établissements d’enseignement supérieur. Les dirigeants de facultés dénoncent notamment l’augmentation des dépenses salariales, et la hausse de leur contribution au compte d’affectation spéciale des pensions, un fonds destiné au financement du régime des retraites de l’Etat, une mesure non compensée par l’Etat. Une mesure que Pierre Ouzoulias dénonce, considérant qu’« une grande partie des universités qui sont au bord de la banqueroute ». Une inquiétude que partage Stéphane Piednoir, qui alerte du risque de « fermetures de formation en 2026 ». Autre point de conflit : l’utilisation des ressources propres des facultés. Le 21 novembre, Patrick Hetzel a déclaré que la trésorerie des facultés constitue « 2,5 milliards d’euros d’argent disponible ». France Universités assure que « ce n’est pas de l’argent qui dort ». Un point de vue que partage Pierre Ouzoulias, qui pointe que « cela n’existe pas, c’est un rêve », prenant l’exemple d’une faculté de son département, l’université Paris Nanterre : « Ils ont déjà un déficit, et ils ne savent pas comment le combler ». Selon Stéphane Piednoir, l’utilisation de ce fonds de roulement « doit rester exceptionnel ». Le sénateur communiste admet que certains établissements « peuvent avoir des trésoreries importantes », mais qu’il ne s’agit pas de la majorité. Par ailleurs, il pointe que cet argument invoqué par Patrick Hetzel, est le même que celui du ministère de l’Economie : « Je trouve triste que le ministre reprenne les arguments de Bercy contre son propre budget ». Pour Stéphane Piednoir, « il y a des universités qui se portent mieux que les autres, mais pour celles en difficultés, j’ose espérer que d’ici la fin de l’année, il y aura des annonces pour faire en sorte que les universités puissent boucler leur budget de 2024 ». De manière générale, Pierre Ouzoulias déplore également un manque d’honnêteté de Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : « C’est un changement majeur avec la ministre précédente, Sylvie Retailleau avait défendu ce budget et avec une forme d’honnêteté et de transparence que je ne retrouve pas avec le nouveau ministre. Le discours du ministre n’est pas conforme à la réalité ». Demain, en cas de censure du gouvernement de Michel Barnier, l’adoption du budget fin décembre semble compromise. Pierre Ouzoulias assure que « si c’est le budget de 2024 qui est reconduit, c’est un progrès par rapport à celui de 2025 », mais Stéphane Piednoir considère que « mettre à la poubelle tout un travail législatif, c’est totalement irresponsable ».
Un sénateur LR dépose une proposition de loi pour réglementer l’allocation de rentrée scolaire
Par Ella Couet
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Le texte déposé par Stéphane Le Rudulier se propose de changer le mode de versement de l’allocation de rentrée scolaire (ARS). Cette aide financière a été versée, sous conditions de ressources, à plus de 3 millions de familles le 16 août dernier, pour faciliter la rentrée de 5 millions d’enfants. Elle concerne tous les enfants scolarisés de 6 à 18 ans, et son montant s’élève de 398 € à 434 € par enfant. Le sénateur LR souhaiterait qu’elle soit à l’avenir versée sous forme de contremarque, à la manière des tickets restaurant. D’après les termes du texte, les familles recevraient donc « un titre spécial de paiement, personnel et nominatif, dénommé “bon de rentrée scolaire”, valable pour la période d’utilisation dont il fait mention et seulement auprès de prestataires agréés ». Pour Stéphane Le Rudulier, l’objectif de cette mesure est de lutter contre « un risque avéré de fraude » et de « faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant ».
Une utilisation plus contrôlée
« Ce que l’on observe, c’est que l’ARS n’est in fine pas toujours dédiée aux enfants », affirme-t-il dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. Il fait référence aux propos de l’ancien ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer, qui affirmait avant la rentrée 2022 que l’ARS était fréquemment utilisée pour acheter des « écrans plats » de télévision, et qu’on noterait une hausse dans la vente de ces appareils au mois de septembre. Cette affirmation avait pourtant été fact checkée par plusieurs médias et s’était avérée fausse. Le modèle de contremarque permettrait de contrôler l’utilisation de l’aide et de s’assurer qu’elle serait utilisée uniquement pour les « achats nécessaires directement et indirectement à la scolarité des enfants », notamment les équipements scolaires, sportifs et le règlement des frais de cantine. Ces titres de paiement pourraient être utilisés dans des enseignes « répondant à des critères objectifs », uniquement pour acheter des produits appartenant à une des catégories de produits listées préalablement.
Pour la sénatrice EELV des français de l’étranger Mélanie Vogel, cette proposition de loi est avant tout une attaque envers les plus pauvres. Elle souligne que l’ARS « permet à des familles dans le besoin, quasiment pour moitié monoparentales, d’atténuer le coût de la rentrée ». La sénatrice rappelle que ces coûts ne sont pas liés uniquement aux fournitures scolaires. « Avoir des enfants a un coût, explique-t-elle, surtout à la rentrée. Les gens ont besoin d’acheter des fournitures, mais pas que : il faut aussi des nouveaux vêtements et toutes sortes de choses nécessaires. A l’heure où des enfants ne mangent pas à leur faim, où de plus en plus de gens se présentent aux Restos du Cœur et où la droite refuse toutes les propositions pour agir sur l’inflation, cette proposition n’est pas décente. » La parlementaire ajoute qu’il n’est « par définition pas possible de frauder à l’ARS, on ne fraude pas en dépensant une aide. »
Conditionnée à un justificatif
La proposition prévoit également de rendre plus rigides les critères d’attribution de l’ARS. Dans le cadre de la loi actuelle, la scolarisation est présumée pour les enfants en dessous de 16 ans car ils sont soumis à l’obligation de scolarité. Pour les plus âgés, pour lesquels la scolarisation n’est plus obligatoire, il faut fournir une déclaration sur l’honneur attestant de l’inscription dans un établissement scolaire. La nouvelle proposition de loi exige la production d’un justificatif de scolarité pour tous les enfants, quel que soit leur âge, afin d’éviter un trop grand « laxisme » dans le versement de l’aide. De son côté, la sénatrice Mélanie Vogel dénonce un texte qui « n’a pas sa place sur les bureaux du Sénat ».