Aujourd’hui, plusieurs présidents d’universités se sont mobilisés pour alerter sur la situation budgétaire de leurs établissements. Si les sénateurs Pierre Ouzoulias et Stéphane Piednoir partagent les inquiétudes des présidents d’université, leurs points de vue divergent sur la position du ministre de l’Enseignement supérieur.
« Un apaisement généralisé de l’ambiance » : le nouveau directeur de Sciences Po rassure le Sénat
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Nommé en septembre dernier, l’ancien ambassadeur Luis Vassy, a su faire preuve de diplomatie face à des sénateurs inquiets de la situation dans laquelle se trouve l’IEP depuis quelques mois. « Nous n’avons pas toujours été tendres avec Sciences Po, mais vu le bazar, il y avait un besoin de réponses fermes », a résumé le sénateur centriste Jean Hingray. Se voulant rassurant, l’ancien directeur de cabinet de Stéphane Séjourné au Quai d’Orsay a parfois presque pu agacer des sénateurs par un discours un peu aseptisé. « Au début, nous avons un peu eu l’impression d’assister à la lecture d’une plaquette vantant les mérites d’une école que l’on aurait pu trouver bien loin des difficultés que l’on a pu ressentir récemment », a noté le sénateur LR Max Brisson.
Mais au fur et à mesure de l’audition, l’argumentaire placidement asséné par Luis Vassy a fait son chemin. « Tous les retours que j’ai depuis mon arrivée signalent un apaisement très sensible de l’ambiance. C’est le retour que j’ai des organisations étudiantes de Sciences Po, mais aussi des chargés d’enseignement […] Je ne veux pas nier les difficultés qu’il y a eu. Nous sommes scrutés par les médias, je ne le dis pas pour le regretter, cette attention nous oblige », a expliqué le nouveau directeur de l’IEP de Paris.
« Intransigeance » face à l’antisémitisme
Les sénateurs ont salué un « retour à la stabilité » de l’institution, selon les mots du rapporteur des crédits dédiés à l’Enseignement supérieur, Stéphane Piednoir (LR). Les rapporteurs de la mission d’information sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, Pierre-Antoine Lévi (centriste) et Bernard Fialaire (radical) sont aussi revenus sur les mesures mises en place face aux « incidents antisémites » identifiés à Sciences Po, faisant notamment référence à l’exclusion d’une étudiante de l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) d’une conférence pro-Palestine en mars dernier (lire notre article). Une enquête interne avait abouti à la saisine de la section disciplinaire de Sciences Po pour huit élèves, notamment pour avoir occupé illégalement l’amphithéâtre Boutmy, tenu des discours « mettant gravement en cause l’institution » et « des propos discriminatoires à l’égard de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). »
À cet égard, Luis Vassy met en avant son « intransigeance » vis-à-vis de l’antisémitisme et estime avoir utilisé toutes les armes à sa disposition dans l’état actuel du droit pour prendre des mesures disciplinaires. « Je tiens à attirer l’attention du législateur sur un point : le président d’université n’a pas de pouvoir disciplinaire, il ne peut que saisir la section disciplinaire, constituée de manière paritaire [entre étudiants et enseignants] », a précisé d’emblée le directeur de Sciences Po. « Le temps des procédures disciplinaires est très long et donc il peut y avoir un élément de décalage entre la commission des faits et la réponse disciplinaire. En l’occurrence trois décisions disciplinaires ont été rendues, dont une m’a semblé trop faible. J’ai donc moi-même fait appel devant le juge administratif. Je le fais sans ciller lorsque j’estime avoir raison sur le fond » a-t-il poursuivi.
« Des partenaires privés importants reviennent à Sciences Po »
De même sur la tenue d’une conférence de l’eurodéputée LFI Rima Hassan, interdite par la direction de Sciences Po, qui avait d’abord été déjugée par le tribunal administratif de Paris avant que le Conseil d’Etat ne valide la décision d’annuler la conférence pour des motifs de troubles à l’ordre public. « Au-delà des sanctions disciplinaires, il y a des pouvoirs liés à la prévention des risques d’ordre public au sein de l’établissement, que j’ai utilisés pour exclure quatre étudiants de l’accès au campus à titre conservatoire. Ce ne sont pas des exclusions de l’établissement et ces mesures ont été levées après que les étudiants concernés m’ont garanti qu’ils respecteraient le règlement de la vie étudiante » a détaillé le directeur de Sciences Po.
En termes de prévention, Luis Vassy a mis en avant une modification du règlement intérieur, « notamment pour clarifier les questions liées à l’action politique ou militante au sein de l’établissement. » Après avoir « observé une modalité d’action qui débouchait sur une sorte d’emprise générale des espaces » venant « à contredire le principe de pluralisme », la direction a notamment « précisé que l’on ne pouvait pas occuper tous les affichages pour un seul sujet », ou que l’on ne « pouvait pas s’imposer physiquement dans les locaux. » Des mesures « opérationnelles », destinées à permettre un « dialogue plus construit » et à « garantir le pluralisme. » Face aux inquiétudes de la majorité sénatoriale au sujet de la diversité politique au sein de Sciences Po, Luis Vassy a ainsi défendu une « attention au débat d’idées » avec des « intervenants qui représentent la diversité politique du pays », citant notamment l’ancien Premier ministre et dirigeant de la RATP Jean Castex.
Autre sujet d’inquiétude pour la droite, l’impact éventuel de la situation sur les finances de l’institution, dont un quart des ressources proviennent de financements privés ou de partenariats. Là aussi, Luis Vassy a tenu à se montrer rassurant : « Des partenaires privés importants reviennent à Sciences Po. Notre principal soutien financier individuel vient de réaliser son versement 2024 après l’avoir suspendu pendant quelques mois. […] Je le vois au niveau des alumni, des enseignants externes et des mécènes : la situation s’améliore. »
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