Jour de la Liberation de Lyon

SNU : « Si les sénateurs ont un dispositif dans le viseur pour faire des économies, c’est bien celui-ci »

Pour faire des économies, le Service national universel est dans le collimateur des sénateurs. Laurent Lafon, président de la commission de la Culture, de l’Education et de la Communication proposera sa suppression dans le Projet de loi de finances 2025. S’il le faut, Éric Jeansannetas est aussi prêt à déposer un amendement. Le dispositif ne fait plus l’unanimité et n’a jamais fait ses preuves.
Quentin Gérard

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La fin du SNU a-t-elle sonné ? Un nouveau coup de semonce a été donné par Laurent Lafon, président de la commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Palais du Luxembourg, sur Public Sénat, ce jeudi 24 octobre. « Sa suppression permettrait d’économiser 160 millions d’euros », lance le sénateur centriste du Val-de-Marne, avant d’annoncer qu’il « la proposera lors du débat sur le Projet de loi de finance 2025 ».

Pour Laurent Lafon, le Service national universel est « maintenant dans une impasse ». Le dispositif aurait un sens seulement « s’il avait été généralisé à toute une génération. Or, on sait que ce n’est plus possible compte tenu de son coût ». Et de questionner : « Donc, qu’est-ce qu’on fait de cet outil ? ».

« C’est un dispositif qui n’atteint pas ses objectifs »

Éric Jeansannetas, sénateur socialiste de la Creuse, abonde : « Il est possible que je porte moi-même l’amendement pour le supprimer ». En mars dernier, le membre de la commission des Finances avait rendu un rapport sur le SNU. Il alertait alors sur les « difficultés majeures » que constituerait sa généralisation. (Lire notre article). « C’est un dispositif qui n’atteint pas ses objectifs », peste l’ancien conseiller général de la Creuse. En 2023, 40 000 jeunes ont effectué un stage de cohésion au sein du système alors que la barre était fixée à 60 000. Les chiffres étaient aussi décevants les années précédentes. Ce qui n’a pas empêché Gabriel Attal, début 2024, d’annoncer sa généralisation pour la rentrée 2026.

Mais entre-temps, le 13 septembre, la Cour des comptes a étrillé le dispositif. Dans un rapport, les sages ont dénoncé une « absence d’horizon clair » et « l’insuffisante planification des moyens nécessaires à sa généralisation ». « C’est pourtant une politique prioritaire du gouvernement, qui mobilise une part croissante du programme « jeunesse et vie associative » du budget », avait alors tancé Pierre Moscovici, le Premier président de la juridiction. (Lire notre article).

« Plus personne ne croit à sa généralisation »

« Maintenant, plus personne ne croit à sa généralisation », souffle Éric Jeansannetas. « Le SNU semble totalement marginalisé », poursuit le sénateur. L’élu en veut pour preuve que plus aucun ministre ne porte le sujet. La dernière étant Prisca Thevenot, ancienne Secrétaire d’Etat de la Jeunesse et du Service national universel. Le portefeuille n’a pas été repris par la suite.

Supprimer le SNU pour faire des économies ? Argument qui s’entend pour le sénateur socialiste de la Creuse. « Si c’est pour dépenser moins d’argent, c’est une proposition qui pourra être faite », souligne-t-il. Le Service national universel coûte 2 900 euros par jeune. Dans le Projet de loi de finances 2025, son budget est en baisse. Il passe de 160 millions à 128 millions d’euros. « Signe du désintéressement à son égard », pour Éric Jeansannetas. Mais dans le cas d’une généralisation, le SNU coûterait 4 milliards d’euros à l’Etat. La Cour des comptes l’estime plutôt à 10 milliards d’euros par an. Aux coûts de fonctionnements, doivent s’ajouter des investissements liés aux infrastructures, que les sages évaluent à 6 milliards d’euros. Une somme importante alors que le gouvernement prévoit 60 milliards d’économies en 2025.

Le SNU n’arrive pas à s’adresser à tous les jeunes

Autre signe de son échec, le SNU n’arrive pas à s’adresser à toutes les catégories sociales. Dans sa critique contre le dispositif, Laurent Lafon, président de la commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat, n’oublie pas de le pointer. « On sait qu’il ne s’adresse pas spécifiquement aux jeunes qui en auraient le plus besoin. Mais à ceux qui sont volontaires et très souvent insérés dans des dynamiques de socialisation », déplore le sénateur centriste du Val-de-Marne. En 2023, 46 % des jeunes volontaires avaient des parents militaires, policiers, gendarmes ou pompiers.

« Les objectifs du SNU sont louables, mais ça ne marche pas », renchérit Éric Jeansannetas, sénateur socialiste de la Creuse. « Pour nos jeunes, si on considère qu’il faut un dispositif qui donne un sentiment d’appartenance à la nation, des principes d’égalité et de fraternité, on en a déjà un, ça s’appelle l’école », sourit le membre de la commission des Finances. Sinon, il y a le service civique « qui fonctionne très bien ». Ses moyens ont d’ailleurs augmenté de 8 millions d’euros dans le budget prévu pour 2025.

« C’était un effet d’annonce pendant la campagne présidentielle de 2017 »

Finalement, pour Erice Jeansannetas, le Service national universel n’avait aucune chance de réussir. « C’était un effet d’annonce pendant la campagne présidentielle de 2017. Ça réjouissait les nostalgiques du service militaire, mais rien n’était prêt », résume le sénateur. Par exemple, pour tenter de répondre aux objectifs de mixité sociale, en 2023, les jeunes pouvaient être amenés à effectuer leur séjour dans des centres situés en dehors de leur région d’origine. Ce qui a rendu l’organisation logistique compliquée alors que le prestataire de transport sélectionné était déjà dans une situation fragile. Résultat : les services de l’Etat ont dû trouver des situations d’urgence. Comme directement récupérer des jeunes et des accompagnateurs en gare ou commander des taxis sur des grandes distances.

Dans le même ordre, le Service national universel rencontre des difficultés pour recruter des encadrants. La mission est d’abord peu attractive. « Des retards considérables dans la mise en paiement des rémunérations ou indemnités ont fortement dégradé l’image du SNU auprès des encadrants », déplorait le mois dernier la Cour des comptes dans son rapport. Les sages dénonçaient aussi « la dégradation sensible des conditions de travail des personnes ». Ces encadrants sont majoritairement recrutés via des « contrats d’engagement éducatif ».

Le SNU peut-il réellement être supprimé ? « Si c’est proposé à la commission des Finances du Palais du Luxembourg, ça va sûrement passer », admet Éric Jeansannetas. « Si les sénateurs ont un dispositif dans le viseur pour faire des économies, c’est bien le SNU », ajoute l’élu de la Creuse. Laurent Lafon, sénateur centriste du Val-de-Marne est du même avis. « Au Sénat, je pense que ça pourrait être majoritaire », assure-t-il. Si c’est bien le cas, reste à savoir si l’Assemblée nationale acceptera aussi de l’enterrer.

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