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Réformes à l’arrêt, budget en baisse, appels à la grève… En marge de la crise politique, les incertitudes de la rentrée scolaire

À quelques jours de la rentrée des classes, la ministre démissionnaire de l’Education nationale, Nicole Belloubet, a fait le point sur les changements qui attendent les élèves et les personnels éducatifs. Toutefois, plusieurs réformes d’envergure ont été mises en suspend après la démission du gouvernement. Dans un contexte budgétaire incertain, Nicole Belloubet réclame également une « sanctuarisation » des crédits de l’Education nationale.
Romain David

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Pour la première fois sous la Cinquième République, la rentrée scolaire du 2 septembre se fera sans ministre de plein exercice. Depuis le 16 juillet, le gouvernement démissionnaire ne gère plus que les affaires courantes dans l’attente de la nomination d’un nouveau Premier ministre, Emmanuel Macron tentant de démêler l’imbroglio politique issu de la dissolution. Mais les atermoiements de la vie politique ne sauraient impacter le calendrier scolaire, alors que 12 millions d’élèves doivent retrouver leur salle de classe lundi prochain, sous la supervision de quelque 850 000 enseignants. « La temporalité de l’Education nationale est implacable. La rentrée doit avoir lieu au début du mois de septembre, elle aura donc lieu le 2 septembre », a déclaré la ministre sortante, Nicole Belloubet, ce mardi lors de la traditionnelle conférence de presse de la rentrée.

Un exercice d’ordinaire destiné à présenter les nouveautés de l’année à venir, mais qui s’est drapé d’un certain flottement face aux incertitudes qui pèsent sur les prochaines semaines. « J’ai bien conscience que cette rentrée se déroule dans un contexte inédit sur le plan politique, mais il me semble que le rôle d’un ministre est d’aller jusqu’au bout de sa mission, y compris quand il expédie les affaires courantes », a assuré Nicole Belloubet.

Il s’agit surtout de rassurer le monde enseignant et les parents d’élèves, qui ont vu défiler depuis 2022 quatre ministres de l’Education nationale, sans compter les nombreuses réformes annoncées ou votées, mais dont la mise en œuvre se voit pour l’essentiel gelée par la crise politique. « Les affaires courantes ne sont pas un temps suspendu ni un temps mort pour l’école », a encore tenté de déminer Nicole Belloubet.

« 850 000 enseignants et 350 000 autres personnels veulent des réponses cohérentes à leurs problèmes, dans une atmosphère apaisée. […] Personne ne souhaite que la sonnerie des salles de classe se cale sur celle du Palais Bourbon », a relevé la ministre. Malgré le contexte, elle s’est montrée particulièrement détendue lors de cette conférence de presse, plaisantant à plusieurs reprises et semblant même adresser quelques piques à Gabriel Attal, le Premier ministre démissionnaire, et l’un de ses prédécesseurs rue de Grenelle.

Ce qui change avec la rentrée 2024

À ce stade, l’une des seules réformes à échapper à la situation politique est celle des groupes de niveau ou « groupes de besoins », selon la terminologie que préfère utiliser la ministre – et qui assume sur ce point un différend avec son chef de gouvernement, pourtant à l’origine de cette idée. « quelles que soient les modalités de mise en œuvre, ce qui m’importe c’est la prise en charge des besoins différenciés de chaque élève », a-t-elle souligné. 1 500 emplois ont été pourvus pour leur mise en place ; les enseignements de français et de mathématiques seront ainsi organisés en groupes pour les classes de 6e et de 5e, sur la base des mêmes programmes.

Entamé sous Jean-Michel Blanquer, le dédoublement des classes se poursuit avec les grandes sections de maternelle, notamment en zone d’éducation prioritaire. Autre dispositif qui monte en puissance cette année : les évaluations généralisées au primaire, désormais élargies aux élèves de CE2 et de CM2. « Ces évaluations vont aider les professeurs à ajuster leurs interventions pédagogiques pour s’assurer que les élèves maîtrisent les savoirs fondamentaux à la fin de l’école primaire, condition essentielle de leur réussite au collège », indique le ministère.

Trois syndicats enseignants appellent pourtant à une grève dans les écoles maternelles et élémentaires le 10 septembre, pour dénoncer ce système, perçu comme une infantilisation des personnels éducatifs. « Ce n’est pas un truc mécanique, destiné à fliquer les instituteurs, c’est un outil complémentaire par rapport à leur approche individuelle, qui doit leur permettre de se situer nationalement », a défendu Nicole Belloubet ce mardi.

Ces mesures mises à l’arrêt par la démission du gouvernement

La réforme du nouveau brevet des collèges attendra la mise en place du prochain gouvernement pour aboutir. Le décret qui rend l’obtention de cet examen obligatoire pour un passage en seconde n’a pas pu être publié avant la démission de Gabriel Attal. La réforme prévoit également de réduire la part du contrôle continu de 50 à 40 % dans la note finale. Cet ajournement pourrait solder l’avenir de la centaine de classes « prépa seconde », qui seront, quant à elles, bien ouvertes à la rentrée. Il s’agit d’une année complémentaire proposée aux élèves admis en seconde mais qui n’ont pas obtenu leur brevet. L’objectif : prévenir le décrochage scolaire.

Dans le cadre de la réforme du « choc des savoirs », les programmes de français et de mathématiques ont été réécrits pour une partie des élèves du primaire, mais là aussi, leur publication devra attendre la fin de la période des affaires courantes. Il en va de même pour les programmes des cours « Vie affective et relationnelle » en primaire, et « Vie affective, relationnelle et sexuelle » au collège, encore en cours de finalisation.

La réforme de la formation initiale des enseignants, présentée comme un levier de revalorisation de la profession, a également été suspendue avec la démission du gouvernement. Les travaux entamés autour de la prise en charge des élèves radicalisés, une mesure proposée par Gabriel Attal après l’attentat dans un lycée d’Arras, sont eux aussi à l’arrêt.

En revanche, plusieurs expérimentations se poursuivent ou sont lancées avec cette rentrée 2024, comme l’interdiction du téléphone portable dans 200 collèges, avant une généralisation prévue en janvier 2025. Le port de l’uniforme, déjà testé dans 90 établissements, et les cours d’empathie destinés à lutter contre le harcèlement, déployés dans 1 200 écoles, restent d’actualité. Peu loquace sur cette dernière expérimentation, la ministre a confié à un parterre de journalistes hilares que le seul cours d’empathie auquel elle avait assisté, lors d’un déplacement officiel, lui avait permis de voir « Brigitte Macron prendre Gabriel Attal dans ses bras ».

Un risque de casse budgétaire

Mais le flou qui pèse sur la rue de Grenelle ne se limite pas seulement à l’avenir de ces différents dispositifs. L’inconnu budgétaire de l’automne est une source de préoccupation majeure pour Nicole Belloubet, à la tête d’un ministère qui absorbe près de 64 milliards d’euros, soit la plus lourde dépense de l’Etat en dehors des remboursements et des dégrèvements d’impôts. Le 20 août, Gabriel Attal a adressé à ses ministres démissionnaires les fameuses « lettres plafonds », étape primordiale dans la constitution du prochain budget ; elles déterminent pour chaque ministère la limite maximale de crédits qui pourront être dépensés en 2025.

Le chef du gouvernement, tenu par le caractère désormais transitoire de sa position, propose de reconduire à l’identique le budget de l’Etat, soit 492 milliards d’euros, quand Bercy plaidait pour un coup de rabot de cinq milliards. Néanmoins, les équilibres entre les différents portefeuilles ministériels ne devraient plus être les mêmes. Par ailleurs, la non-répercussion de l’inflation permettrait de dégager une économie de 10 milliards par rapport à l’année en cours.

« Les plafonds fixés pour notre ministère nous contraindraient à une particulière rigueur budgétaire, notamment quand on connaît l’incidence d’un certain nombre de mesures », a voulu alerter Nicole Belloubet, tout en rappelant qu’il ne s’agissait pour l’instant que d’une première ébauche. En février dernier, le ministère de l’Economie et des Comptes publics avait déjà amputé son budget de près de 700 millions d’euros, une annulation de crédit mise sur le compte de l’évolution des masses salariales.

« Je considère que la cohérence voudrait que le budget de l’Education nationale soit a minima sanctuarisé. Le prochain gouvernement devra y être très attentif s’il souhaite maintenir une réelle ambition pour cette priorité nationale », a estimé Nicole Belloubet. Manière aussi de souhaiter bon courage à celui ou à celle qui lui succédera à l’hôtel de Rochechouart. Même si cette ancienne rectrice d’académie finit par concéder lorsqu’on l’interroge sur son avenir : « Je suis aussi capable d’aller cueillir des champignons cet automne, mais ça me réussit moins. […] Est-ce que j’ai envie de continuer ? La réponse est oui. »

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