« Je suis stupéfait par ce que j’ai entendu ! », l’audition de représentants des universités sur l’antisémitisme inquiète les sénateurs LR

Ce 10 avril, en ouverture de sa mission flash sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, le Sénat entendait le président de France Universités et une professeure de philosophie membre du Conseil des sages de la laïcité. Une audition qui semble avoir choqué plusieurs sénateurs de droite, qui dénoncent le « déni total » de l’institution face à la recrudescence des actes antisémites.
Rose Amélie Becel

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Après les accusations d’antisémitisme à l’encontre d’organisateurs d’une conférence propalestinienne à Sciences Po, le Sénat avait auditionné la présidente de la Fondation nationale des sciences politiques. Depuis, la commission de la culture a décidé de lancer une mission flash sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, qui débutait ses travaux ce 10 avril.

L’occasion pour Guillaume Gellé, président de France Universités, de présenter les premiers résultats de l’enquête de l’association sur les actes antisémites depuis le 7 octobre. En l’espace de six mois, ceux-ci ont « plus que doublé » par rapport à l’année scolaire dernière : « Au 23 mars dernier, nous avons pu noter 67 actes antisémites depuis le 7 octobre. Pour l’année 2022-2023, c’était 33 actes recensés. En six mois, les universités ont effectué 14 signalements auprès du procureur de la République pour des faits d’antisémitisme, il y en avait eu quatre en 2022-2023. »

« 91 % des étudiants juifs se disent victimes d’antisémitisme, vous faites comme si cela n’existait pas »

Guillaume Gellé l’a répété à deux reprises, « l’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit, un fléau contre lequel nous devons nous mobiliser ». Mais l’affirmation n’a pas convaincu la majorité sénatoriale, qui dénonce le déni du président de France Universités. Principal reproche : si les chiffres de la recrudescence des actes antisémites sont connus, Guillaume Gellé n’a pas pu fournir aux sénateurs de données concernant les sanctions prises par les établissements.

« En vous écoutant, j’ai l’impression à travers votre diagnostic d’entendre une sorte d’observatoire commentant les chiffres du chômage », s’est emporté le sénateur Les Républicains Max Brisson. Un constat partagé par le président du groupe, Bruno Retailleau : « Je suis stupéfait par ce que j’ai entendu, je ne suis absolument pas rassuré. 91 % des étudiants juifs se disent victimes d’antisémitisme, vous faites comme si cela n’existait pas. »

Face aux accusations des sénateurs, Guillaume Gellé s’est engagé à organiser un recensement, tout en précisant que cette mission ne revient normalement pas à France Universités. Des sanctions par ailleurs difficiles à chiffrer, en raison de la durée des procédures, explique le président de l’association : « En matière disciplinaire, il y a des durées d’instruction par les commissions disciplinaires de nos établissements qui prennent du temps, plusieurs mois. »

« À ce niveau-là, expliquer c’est justifier »

Les propos liminaires d’Isabelle de Mecquenem, par ailleurs référente racisme et antisémitisme à l’université de Reims, ont aussi interpelé les sénateurs. L’universitaire a souhaité replacer la montée actuelle de l’antisémitisme dans un contexte historique et social, décrivant un antisémitisme « latent » dans la société française et soulignant la « culture juvénile » des étudiants.

« À ce niveau-là, expliquer c’est justifier », a dénoncé Bruno Retailleau, « la pensée critique, la liberté d’expression, ce n’est pas l’intolérance, on ne peut pas tout justifier avec ces concepts qui deviennent fumeux lorsqu’on les vide de leur sens ». De son côté, Max Brisson s’est vivement opposé aux propos d’Isabelle de Mecquenem sur un antisémitisme « latent » : « Nous constatons qu’il y a des liens entre le wokisme, l’islamisme et l’antisémitisme. Cet antisémitisme ne plonge pas dans la profondeur des temps comme vous avez voulu le dire, mais est une nouveauté à laquelle la République doit faire face. »

La professeure de philosophie affirme ne pas avoir voulu nuancer la montée de l’antisémitisme, mais « dresser un état des lieux, à partir de données qui [lui] semblaient indispensables d’avoir à l’esprit ». Des explications qui n’ont pas convaincu les sénateurs de la majorité. Après l’audition, dans un tweet, le président du groupe Les Républicains a invité la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau à « lire le compte rendu du Sénat pour action ».

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