France : Deplacement de la Ministre de l Education Nationale Anne Genetet

Groupes de besoin, brevet, bac… Avec l’acte II du choc des savoirs, « la trajectoire initiée par Gabriel Attal a été affaiblie » 

La ministre de l’Education nationale, Anne Genetet, a présenté ce mardi le deuxième volet de la réforme du « Choc des savoirs », initiée en 2023 par Gabriel Attal, et destinée à renforcer le niveau des élèves. La droite sénatoriale, qui a soutenu cette réforme, regrette des allégements vraisemblablement imposés par le contexte budgétaire. La gauche, en revanche, épingle des annonces faites sans retour sur les dispositifs déjà entrés en vigueur.
Romain David

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Le « Choc des savoirs » va s’adapter aux contraintes budgétaires. Anne Genetet, la ministre de l’Education nationale, a dévoilé ce mardi 12 novembre sa feuille de route sur la mise en œuvre du second volet de la réforme voulue par Gabriel Attal, lorsqu’il était encore rue de Grenelle, et dont la mise en œuvre a été percutée par la dissolution. En décembre 2023, à quelques semaines de sa nomination à Matignon, le ministre avait sonné « la mobilisation générale pour élever le niveau de notre école », annonçant notamment la création de groupes de niveau – rebaptisés depuis « groupes de besoin » – pour l’enseignement du français et des mathématiques, ou encore une réforme du brevet des collèges.

Les premières mesures sont entrées en vigueur en septembre dernier, pour les élèves de 6e et 5e, et elles vont continuer de se décliner l’année prochaine pour les classes de 4e et de 3e, moyennant quelques aménagements, notamment dictés par l’état des finances publiques. La ministre avait déjà préparé le terrain, indiquant devant les sénateurs, à l’occasion de la présentation du budget de son ministère, le 22 octobre, qu’elle procéderait à des réajustements par rapport à ce qui avait pu être annoncé il y a un an. « Il s’agit de voir que ce qu’on peut mettre en place à la rentrée 2025, avec encore une fois une ambition d’élever le niveau de notre jeunesse et donc de toute la cohorte qui va de la 6e à la 3e », avait-elle expliqué.

Allègement sur l’extension des groupes de besoin pour les élèves de 4e et 3e

Les groupes de besoin en français et en mathématique seront étendus en 2025 aux classes de 4e et 3e. Mais à la différence des classes de 5e et 6e, ils ne concerneront pas l’ensemble du temps d’enseignement dans ces deux matières, seulement une heure par semaine, en alternance entre les maths et le français. « La copie va dans le bon sens, mais elle aurait pu être meilleure. Sur les groupes de besoin, notamment, on aurait aimé avoir un meilleur déploiement », commente le sénateur LR Max Brisson, spécialiste des questions d’éducation. « La trajectoire initiée par Gabriel Attal a été affaiblie. L’ambition n’est plus tout à fait au rendez-vous, sans doute sous la pression financière et syndicale », pointe l’élu des Pyrénées-Atlantiques.

Ce volet de la réforme reste l’un des plus critiqués par les enseignants et les syndicats, qui contestent à la fois l’efficacité du dispositif pour faire remonter le niveau des élèves, mais aussi la complexité de sa mise en œuvre. Selon une enquête publiée par le Snes-FSU, principal syndicat du second degré, 64,5 % des collèges n’ont pas mis en place le « Choc des savoirs » tel qu’imaginé par Gabriel Attal. En cause dans la plupart des établissements : « des problèmes organisationnels », liés notamment aux contraintes d’emplois du temps des enseignants et des élèves. « Euphémiser la réforme sur les classes de 4e et de 3e permet de laisser une plus grande liberté d’autonomie aux établissements », nuance le sénateur LR Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l’Enseignement scolaire.

« La ministre a été nommée pour poursuivre l’œuvre de Gabriel Attal et elle fait comme si les alertes n’existaient pas. Nous savons que le déploiement des groupes de niveau est chaotique », s’agace la sénatrice socialiste de Paris Colombe Brossel. « Ces annonces sont faites avant les conseils de classe du premier trimestre, qui auraient permis de tirer un premier bilan », pointe-t-elle. De son côté, l’Unsa Education regrette dans un communiqué diffusé ce mardi un déploiement aux allures de « marche forcée ».

L’extension des groupes de besoin s’accompagnera par ailleurs d’un doublement du nombre de places pour les dispositifs « devoirs faits » et les stages de réussite accessibles pendant les vacances scolaires.

Un brevet des collèges obligatoire pour passer en seconde

Autre morceau du « Choc des savoirs » : la réforme du brevet des collèges. Comme prévu, son obtention sera bel et bien obligatoire pour un passage en seconde générale et technologique. À partir de juin 2027, contre juin 2025 dans le calendrier qui avait été initialement présenté. En revanche, dès l’année prochaine, la note d’Education morale et civique (EMC) sera séparée de la note d’histoire-géographie, afin de renforcer l’importance de cet enseignement. En 2026, l’examen comptera pour 60 % et le contrôle continu pour 40 % contre 50/50 actuellement. « Cela permet d’élever le niveau d’horizon des élèves, de leur fixer des objectifs s’ils veulent passer en seconde générale », salue encore Jacques Grosperrin. La gauche, en revanche, dénonce un « couperet social » : « C’est le retour d’une école qui exclut, qui met de côté », regrette Colombe Brossel.

« Mon ambition, c’est d’abord qu’il y ait le plus d’élèves possibles qui obtiennent le Brevet », a précisé la ministre dans un entretien à l’AFP. Mais le sénateur Max Brisson avertit contre le risque de nivellement : « On ne peut pas dire d’un côté que l’on va rendre le brevet obligatoire pour renforcer le niveau des élèves, et de l’autre augmenter le nombre de lauréats. La seconde proposition annule la première. » Les élèves qui n’auront pas obtenu leur brevet pourront se diriger vers « une voie plus professionnalisante telle que la 1re année de CAP », précise la ministre. Ils auront également la possibilité d’intégrer une classe de « prépa-seconde » pour préparer le baccalauréat en quatre ans au lieu de trois.

Pour les lycéens, un changement d’envergure concerne l’instauration d’une épreuve anticipée de mathématiques au bac en classe de première, sur le modèle de ce qui existe déjà pour le français.

Des manuels labellisés au primaire

Parmi les autres annonces faites par la ministre ce mardi : la révision pour la rentrée 2025 des programmes de français et de mathématiques du CP à la 6e. En 2026, ce sont les programmes de français, de mathématique et de langues vivantes de la 5e à la 3e qui seront revus. L’objectif est de renforcer l’acquisition des savoirs fondamentaux, avec la mise en place de « repères » qui permettront de mesurer la progression des élèves.

Anne Genetet a également confirmé la « labellisation » des manuels de mathématique et de français de CP et CE1, une mesure controversée aussi bien à gauche qu’à droite de l’échiquier politique. Mais les enseignants « auront toujours la liberté de choix » a assuré la locataire de la rue de Grenelle. Sur le réseau social X, Anne Genetet précise que l’achat de ces manuels sera financé par l’Etat dans les zones d’éducation prioritaires et les communes rurales.

« Nous n’avons pas les moyens d’avoir un million d’enseignants »

Le déploiement de ces différentes mesures, en particulier des groupes de besoin, devrait nécessiter la création de 1 500 postes. Le gouvernement mise en partie sur des redéploiements, alors que le projet de loi de finances, actuellement examiné au Parlement, prévoit de supprimer 4 000 postes au sein de l’Education nationale, dont près de 80 % dans le premier degré. En parallèle, Anne Genetet indique vouloir envoyer 150 conseillers principaux d’éducation (CPE) et 600 assistants d’éducation supplémentaires dans les collèges et lycées à partir de janvier. « Il y a un vrai sujet quant à savoir où nous allons trouver les économies pour assurer ces politiques. D’autant que le budget de l’Education nationale devrait rester constant sur les prochaines années », pointe Jacques Grosperrin.

« On me dit : ‘il n’y a pas assez de fonctionnaires dans l’Education nationale’, mais c’est d’une démagogie invraisemblable », a estimé l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, dimanche lors d’une conférence à Saint-Raphaël dans le Var. L’ancien leader de la droite s’est attiré de nombreuses critiques pour avoir tancé les enseignants sur leur temps de travail. « Le statut du professeur des écoles, c’est 24 heures par semaine. Mais ce que l’on ne dit pas, c’est que c’est six mois de l’année. Entre les vacances et les week-ends… Alors je sais bien, il faut préparer les cours… Maternelle, grande section », a-t-il taclé sous les rires de son auditoire. « Je sais que c’est un boulot difficile d’être enseignant, mais il faut dire la vérité maintenant, nous n’avons pas les moyens d’avoir un million d’enseignants. Il y a des centaines de milliers d’enseignants compétents, dévoués et merveilleux, et il y en a quelques-uns qui choisissent le boulot pour les mauvaises raisons. »

 Ce type de propos, c’est une déflagration. […] Un ex-président ne devrait pas dire cela… 

Jacques Grosperrin, sénateur LR du Doubs

Ces propos ont été vertement accueillis au Sénat, notamment à gauche de l’échiquier politique. « Nicolas Sarkozy se vante d’avoir supprimé 80 000 postes dans l’Education nationale sur cinq ans, mais c’est précisément ce qui a profondément déstabilisé notre école », déplore Colombe Brossel qui se dit « encore plus choquée de voir que la ministre a mis près de trois jours pour réagir et afficher son soutien aux enseignants ». Le communiste Pierre Ouzoulias a épinglé sur X les « 17% d’augmentation de salaire » de l’ancien chef de l’Etat lors de son passage à l’Elysée. « Avions-nous les moyens de nous payer Sarkozy ? », ironise-t-il.

Mais les critiques les plus sèvres à l’égard de Nicolas Sarkozy sont peut-être celles formulées par des membres de sa propre famille politique. Max Brisson fustige des « propos outranciers » :« Le temps de travail varie selon les types d’enseignement, les classes, les établissements… C’est une question qui mérite une vraie analyse plutôt que des déclarations à l’emporte-pièce, destinées à faire de l’effet auprès des médias ». Même consternation du côté de son collègue Jacques Grosperrin : « Ce type de propos, c’est une déflagration. Dans une période où les enseignants souffrent, se font assassiner pour avoir fait cours sur la laïcité, c’est s’en prendre à la confiance que peuvent leur accorder les parents. Un ex-président ne devrait pas dire cela… », conclut-il.

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