La ministre de l’Education nationale, Anne Genetet, a présenté ce mardi le deuxième volet de la réforme du « Choc des savoirs », initiée en 2023 par Gabriel Attal, et destinée à renforcer le niveau des élèves. La droite sénatoriale, qui a soutenu cette réforme, regrette des allégements vraisemblablement imposés par le contexte budgétaire. La gauche, en revanche, épingle des annonces faites sans retour sur les dispositifs déjà entrés en vigueur.
Grève des enseignants : « Nous sommes combatifs pour nos élèves », déclare la co-secrétaire et porte-parole du syndicat enseignant FSU-SNUipp
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« On y est opposés et on y reste opposés, on veut son abandon » déclare Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole de FSU-SNUipp, syndicat des instituteurs et professeurs des écoles.
Les mesures de la réforme « choc des savoirs », un « tri des élèves » ?
Le 17 mars, un arrêté sur la mise en place de groupes « constitués en fonction des besoins des élèves » a été publié au Journal officiel. En effet, Gabriel Attal avait annoncé la mise en place de groupes de niveaux pour les élèves de 6e et de 5e en mathématiques et en français dès la rentrée de septembre.
Pour la ministre de l’éducation Nicole Belloubet, ces groupes permettraient d’améliorer le résultat des élèves en français et en maths, avec des effectifs réduits pour les groupes d’élèves rencontrant le plus de difficulté.
La ministre a également précisé sur France Inter courant mars que les groupes seraient brassés en cours d’année pour de meilleurs apprentissages.
Malgré le fait que la ministre le conteste et s’en dédouane précisant qu’ « il n’y a pas de tri d’élèves » , les enseignants dénoncent une réforme hiérarchisante pour les élèves.
Si le « choc des savoirs » entraine des réactions houleuses du côté du corps enseignant mais aussi des parents d’élèves, c’est notamment car cette réforme viendrait constituer, selon eux, une détérioration des conditions de travail pour les enseignants mais aussi un « tri des élèves, une catégorisation entre ceux qui réussissent plus ou moins bien, que l’on va assigner à une stigmatisation » comme le déclare Guislaine David.
L’ancien ministre de l’éducation nationale Gabriel Attal a également mis en place des évaluation nationales à l’école primaire : « Dans les écoles, on reçoit des livrets d’évaluation qui sont normés et standardisés pour toutes les écoles », nous explique la co- secrétaire générale du FSU-SNUipp.
Pour le ministère de l’éducation, ces évaluations ont pour objectifs de « fournir aux enseignants des repères des acquis de leurs élèves », d’émettre des « indicateurs permettant aux professeurs de connaitre les résultats des élèves et d’adapter leur action éducative », ainsi que de « mesurer, au niveau national, les performances du système éducatif ».
Mais pour les syndicats enseignants, ces évaluations feront plus de mal que de bien : « Les évaluations nationales sont identiques pour tout le monde et ne sont pas forcément adaptées à tous, par exemple pour les élèves qui ont un trouble de l’apprentissage, ces derniers vont forcément se retrouver en difficulté en passant les évaluations. Ils vont être alors dans un groupe de niveau faible alors qu’ils ne doivent pas être catégorisés. C’est à l’école de s’adapter, pas à eux. Les évaluations ne sont donc pas adaptées aux caractéristiques propres des élèves, ou à la classe. Or, on ne peut pas tous avoir les mêmes élèves au même moment dans toutes les classes de France », souligne Guislaine David. Ces évaluations ne prennent donc pas en compte les spécificités de chaque classe et de chaque élève selon la majorité du corps enseignant.
Au vu de l’uniformisation des évaluations, la mixité sociale se trouve mise en péril selon les syndicats. Il est plus que probable que ces dernières alourdissent le poids des inégalités socioéconomiques sur la réussite des élèves, pourtant déjà élevée. Chaque année, selon l’INSEE, du CP au CM2, les écarts de réussite entre enfants de cadres et d’ouvriers se creuseraient de 10% supplémentaires.
En plus de comparaisons entre élèves et classes, le « choc des savoirs » pourrait amener à une hiérarchisation des écoles. « On voit bien qu’en fonction des résultats on va comparer les écoles entre elles, et les classes entre elles, et ce n’est pas ce qu’on souhaite » ajoute Guislaine David.
L’impact sur le corps enseignant
Pour les représentants syndicaux, les mesures du « choc des savoirs » ont également un effet négatif sur les conditions de travail du corps enseignant.
« A chaque résultat d’évaluation, on va demander aux enseignants de modifier leurs pratiques. Notamment via des formations spécifiques. L’enseignant va donc perdre de sa liberté pédagogique, et beaucoup sont tentés de démissionner car ils n’ont plus cette liberté ».
« On est capable d’évaluer nos élèves, sans pour autant qu’ils aient tous les mêmes évaluations. Il faut faire des évaluations différentes en fonction de la classe, de ce qu’on étudie,… Donc ces évaluations nationales pèsent sur nos pratiques ». déplore la porte-parole du FSU-SNUipp.
Les moyens d’actions pour lutter contre la réforme
« Nous sommes toujours combattifs pour nos élèves car on veut la meilleure école possible pour eux et on sait que ce n’est pas le cas actuellement. », affirme Guislaine David. « Nos collègues prendront part à des mobilisations sans pour autant faire grève. Des enseignants ne feront pas passer les évaluations ou ne feront pas remonter les résultats à l’inspection académique ».
Juliette Durand
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