La ministre de l’Education nationale, Anne Genetet, a présenté ce mardi le deuxième volet de la réforme du « Choc des savoirs », initiée en 2023 par Gabriel Attal, et destinée à renforcer le niveau des élèves. La droite sénatoriale, qui a soutenu cette réforme, regrette des allégements vraisemblablement imposés par le contexte budgétaire. La gauche, en revanche, épingle des annonces faites sans retour sur les dispositifs déjà entrés en vigueur.
Formation des enseignants : Emmanuel Macron ramène le concours à bac +3
Par Simon Barbarit
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La mèche avait pratiquement été vendue par Nicole Belloubet cette semaine devant la commission de l’éducation et de la culture du Sénat. C’est finalement Emmanuel Macron qui s’est réservé la primeur de l’annonce. En déplacement dans une école primaire parisienne, accompagné de la ministre de l’Education nationale, le chef de l’Etat a détaillé une réforme de la formation des professeurs des écoles. « Si on veut réussir ce choc des savoirs, on a besoin d’avoir les maîtres les mieux formés possible […] On voit bien que le système que nous avons adopté ces dernières décennies n’était sans doute pas le meilleur. Pourquoi ? Parce qu’en fait, il faisait naviguer les enseignants pendant cinq ans post-bac avec des filières qui étaient diverses et variées ? On avait un concours qui était à la fin du Master 2 et on avait beaucoup d’enseignants qui pendant plusieurs années étaient sortis des savoirs fondamentaux donc c’est difficile de les transmettre », a-t-il constaté.
C’est pourquoi, vont être créées des licences de préparation au professorat des écoles dès l’après bac, sorte « de prépas intégrées » au concours de professeur des écoles qui sera avancé à la fin de la licence. « Ensuite vous aurez des Masters professionnalisants qui seront en fait nos écoles normales du XXIe siècle », a-t-il comparé. L’Elysée a précisé par la suite que les étudiants seront rémunérés à hauteur de 1 400 euros net en Master 1 en qualité d’élève fonctionnaire, et à hauteur de 1800 euros net en Master 2 correspondant à la rémunération des fonctionnaires stagiaires. A noter que les étudiants qui n’auront pas suivi la licence de préparation au professorat des écoles, pourront quand même passer le concours.
« L’université est-elle la mieux armée pour former à l’apprentissage des savoirs fondamentaux ? »
Le vice-président LR de la commission de la culture et de l’éducation du Sénat, Max Brisson considère que la « licence professionnelle est une excellente chose ». « Professeur des écoles est un métier particulier. Celui qui apprend aux enfants à lire, lire, écrire, compter. Une bonne formation en français et mathématique est indispensable », rappelle-t-il. Le sénateur regrette néanmoins que l’idée d’un retour des écoles normales émise par Gabriel Attal lors de son bref passage rue de Grenelle ait été abandonnée. « On en est loin car la formation en master reste l’apanage de l’Université qui a failli. Le contenu changera-t-il si l’organisation du système n’est pas modifiée ? L’université est-elle la mieux armée pour former à l’apprentissage des savoirs fondamentaux ? Le lien avec la pratique est majeur, donc l’Education nationale devrait avoir la main », estime l’élu.
« Je crains que le gouvernement n’appréhende les enseignants comme des fonctionnaires passifs qui doivent appliquer des circulaires »
Le vice-président communiste du Sénat, Pierre Ouzoulias juge, au contraire, que cette réforme faite « sans concertation, ni consultation des parlementaires jette la suspicion sur les universités ». « On ne va pas recréer les écoles normales, ça couterait trop cher, donc la formation des enseignants reste dans le giron des universités. Mais avec cette réforme, on semble dire que la pédagogie enseignée à la fac serait pernicieuse voire dangereuse. Je crains que le gouvernement n’appréhende les enseignants comme des fonctionnaires passifs qui doivent appliquer des circulaires. C’est contraire à la liberté pédagogique des enseignants et à l’autonomie des universités. Si on veut renforcer l’attractivité du métier, il faut apprendre aux futurs enseignants à avoir les bases pour adapter leur pédagogie en fonction des classes et des établissements », plaide-t-il.
« On craint que ce ne soit du formatage et pas de la formation »
Guislaine David, secrétaire générale de la FSU-SNUipp, premier syndicat du primaire, a jugé la réforme « contre-productive ». Avec cette « licence spécifique », « on risque de se couper d’un nombre important de candidats », redoute-t-elle. « On craint que ce ne soit du formatage et pas de la formation, un formatage sur les fondamentaux – maths et français – alors que ce qui est important quand on enseigne, c’est de comprendre le mécanisme d’apprentissage des élèves », a expliqué la syndicaliste auprès de l’AFP.
Le concours des professeurs des lycées et collèges sera lui aussi avancé à la licence
Le chef de l’Etat s’est montré plus flou concernant le calendrier. « On va monter en charge dès l’année prochaine et en fait sur deux ou trois ans, on va le systématiser ». Lors d’un brief presse organisé quelques minutes plus tard, l’entourage du chef de l’Etat a précisé que le concours niveau licence s’ouvrirait bien dès la rentrée prochaine, mais que les nouvelles licences de préparation au professorat des écoles ne s’ouvriraient, elles, qu’à la rentrée 2025 avec comme objectif d’en avoir au minimum une par académie. Le concours des professeurs des lycées et collèges sera lui aussi avancé à la licence. L’étudiant suivra comme c’est le cas actuellement une licence disciplinaire (Français, mathématique, histoire…) « à laquelle pourront s’adjoindre des modules additionnels permettant de s’approprier la pédagogie et une prise de contact du terrain ».
Cette réforme de la formation des enseignants a pour objectif « de bien mieux former, de mieux préparer […] et de mieux reconnaître aussi nos compatriotes qui veulent s’engager dans ce métier », a loué le Président.
« Est-ce au président de la République d’annoncer la maquette de formation des professeurs ? »
Devant les sénateurs, Nicole Belloubet avait reconnu cette semaine que les concours de recrutement ne permettaient pas de satisfaire l’ensemble des besoins pour mettre en œuvre les classes de niveaux en Français et en maths au collège telle que le prévoit la réforme du « choc des savoirs ». Plus de 3 100 postes étaient non pourvus aux concours enseignants du printemps 2023. C’est la raison pour laquelle les académies allaient recruter dès le mois de juin des personnels contractuels. La ministre avait même proposé « de faire appel à des enseignants retraités ».
Enfin, difficile de ne pas relever la reprise en main du chef de l’Etat sur un dossier que Gabriel Attal voulait conserver dans son domaine réservé. « La forme est exécrable. Est-ce au président de la République d’annoncer la maquette de formation des professeurs du premier degré. À quoi sert la ministre de l’Education nationale ? », s’agace Max Brisson.
« La France est un pays privilégié car nous avons trois ministres de l’Education nationale », ironise de son côté, Pierre Ouzoulias.