Paris : Etablissement scolaire Stanislas

Financement de l’enseignement sous contrat : « L’école privée profite d’une impunité garantie par l’État »

Deux députés dénoncent dans un rapport l’opacité des financements publics accordés aux écoles privées, sans contrôles et avec peu d’exigences de contreparties. Auteur d’une proposition de loi pour conditionner les fonds alloués à l’enseignement privé, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias appelle à « bâtir un consensus » au Sénat sur ce sujet : « Il faut sortir du déni, nous sommes en train de perdre l’école publique ».
Rose Amélie Becel

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

« Tout doucement, nous nous mettons d’accord sur le constat », se félicite le sénateur communiste Pierre Ouzoulias. Ce 2 avril, les députés Paul Vannier (LFI) et Christopher Weissberg (Renaissance) publient le rapport de leur mission d’information sur le financement public des écoles privées.

Dans le sillage du rapport de la Cour des comptes de juin dernier, les élus pointent également la grande opacité des financements de ces établissements. Les près de 7 500 d’écoles sont financées à hauteur de 75 % par des fonds publics, mais « personne ne connaît le montant total de la dépense publique consacrée aux écoles privées sous contrat », dénonce le rapport.

Deux propositions de loi déposées au Sénat

Au travers de plusieurs recommandations, les députés plaident ainsi pour un renforcement du contrôle de ces financements. Une revendication portée depuis un an au Sénat par Pierre Ouzoulias : le 3 avril 2023, il avait déposé au Sénat une proposition de loi visant à soumettre les subventions accordées aux écoles privées au respect de critères sociaux.

« C’est une question de justice sociale. Tout le monde comprend que donner énormément d’argent à des établissements privés qui font le choix d’intégrer les enfants des plus riches, ce n’est pas possible. Pourquoi Stanislas aurait besoin d’autant d’argent public ? Ne serait-il pas mieux dépensé dans un collège ou un lycée d’une ville populaire ? », interroge le sénateur.

Pour le moment, sa proposition de loi ne figure pas à l’ordre de jour. Il y a pourtant urgence, estime-t-il : « Il faut sortir du déni, nous sommes en train de perdre l’école publique. En attendant de relancer ce débat, l’école privée profite d’une impunité garantie par l’État ». D’autres sénateurs se sont également emparés du sujet, à l’image de Colombe Brossel. Ce 27 mars, la sénatrice socialiste a déposé une proposition de loi « visant à garantir davantage de transparence dans les procédures d’affectation et de financement des établissements privés ».

La justice saisie pour retirer l’agrément de Stanislas

Suite aux révélations d’un rapport d’inspection sur le collège Stanislas, les sénateurs écologistes, socialistes et communistes avaient également demandé l’ouverture d’une commission d’enquête sur « l’effectivité et l’efficacité du contrôle de l’État sur l’ensemble des établissements scolaires ». Un projet enterré, regrette Pierre Ouzoulias, pour qui « la droite sénatoriale refuse d’ouvrir le dossier de l’enseignement privé ».

Pour le moment, faute de textes à l’ordre du jour, le sénateur communiste a décidé d’agir autrement. Il y a deux mois, avec son collègue Ian Brossat, il adressait au préfet de Paris un courrier demandant le retrait de l’agrément de l’État au collège Stanislas. Sans réponse de la préfecture, il a décidé ce 29 mars de saisir le tribunal administratif, pour demander le déconventionnement de l’établissement. « Le préfet ne peut pas décider de casser un contrat avec le lycée musulman Averroès et ne pas avoir les mêmes exigences envers Stanislas, c’est ça aussi la laïcité », défend-il.

Dans la même thématique

Universite: Ouverture en Aout pour revisions
5min

Éducation

Mobilisation des présidents d'université : « Une grande partie des universités sont au bord de la banqueroute », déplore Pierre Ouzoulias

Ce mardi, à l’appel de France Universités, une journée de mobilisation « Universités en danger » a été organisée par plusieurs présidents d’université partout en France. Le 21 novembre déjà, une délégation s’était rendue au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour rencontrer Patrick Hetzel et pour faire part de leurs craintes vis-à-vis du sort réservé aux universités dans le projet de loi de finances pour 2025. Dans un communiqué, France Universités estime que le ministre n’a pas su, lors de leur rencontre, apporter de « réponse concrète » à leurs revendications, et déclare que la journée du 3 décembre « doit marquer une étape inédite de prise de conscience de la réalité de la situation des universités ». Pour Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine, spécialiste des questions d’éducation, « il faut bien noter qu’il est tout à fait exceptionnel, c’est rare que des présidents d’université soient à l’initiative d’un mouvement social ». La mobilisation d’aujourd’hui varie selon les établissements. Christine Neau-Leduc, présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a appelé « de manière symbolique, à suspendre les échanges avec le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche pendant toute la durée de cette journée ». De son côté, l’université de Lille a suspendu les cours, et a fermé ses bibliothèques et ses sites administratifs. Stéphane Piednoir, sénateur Les Républicains de Maine-et-Loire et rapporteur de la commission de l’Education sur les crédits de l’enseignement supérieur, s’interroge : « Est-ce que c’est la bonne manière de s’y prendre ? Je suis réservé sur ce mouvement de fermetures des universités ». Dans le projet de loi de finances pour 2025, les crédits alloués à la recherche et à l’enseignement supérieur sont de 31,7 milliards en autorisations d’engagements et de 31,3 milliards d’euros en crédits de paiement. En ce qui concerne, les formations de l’enseignement supérieur et la recherche université, 15,2 milliards d’euros en autorisations d’engagements et 15,3 milliards d’euros sont prévus. Pour la vie étudiante, c’est 3,3 milliards d’euros et 3,2 milliards d’euros qui sont alloués. Des montants en baisse par rapport au budget de l’année dernière. Un effort de 350 millions d’euros a été demandé aux établissements d’enseignement supérieur. Les dirigeants de facultés dénoncent notamment l’augmentation des dépenses salariales, et la hausse de leur contribution au compte d’affectation spéciale des pensions, un fonds destiné au financement du régime des retraites de l’Etat, une mesure non compensée par l’Etat. Une mesure que Pierre Ouzoulias dénonce, considérant qu’« une grande partie des universités qui sont au bord de la banqueroute ». Une inquiétude que partage Stéphane Piednoir, qui alerte du risque de « fermetures de formation en 2026 ». Autre point de conflit : l’utilisation des ressources propres des facultés. Le 21 novembre, Patrick Hetzel a déclaré que la trésorerie des facultés constitue « 2,5 milliards d’euros d’argent disponible ». France Universités assure que « ce n’est pas de l’argent qui dort ». Un point de vue que partage Pierre Ouzoulias, qui pointe que « cela n’existe pas, c’est un rêve », prenant l’exemple d’une faculté de son département, l’université Paris Nanterre : « Ils ont déjà un déficit, et ils ne savent pas comment le combler ». Selon Stéphane Piednoir, l’utilisation de ce fonds de roulement « doit rester exceptionnel ». Le sénateur communiste admet que certains établissements « peuvent avoir des trésoreries importantes », mais qu’il ne s’agit pas de la majorité. Par ailleurs, il pointe que cet argument invoqué par Patrick Hetzel, est le même que celui du ministère de l’Economie : « Je trouve triste que le ministre reprenne les arguments de Bercy contre son propre budget ». Pour Stéphane Piednoir, « il y a des universités qui se portent mieux que les autres, mais pour celles en difficultés, j’ose espérer que d’ici la fin de l’année, il y aura des annonces pour faire en sorte que les universités puissent boucler leur budget de 2024 ». De manière générale, Pierre Ouzoulias déplore également un manque d’honnêteté de Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : « C’est un changement majeur avec la ministre précédente, Sylvie Retailleau avait défendu ce budget et avec une forme d’honnêteté et de transparence que je ne retrouve pas avec le nouveau ministre. Le discours du ministre n’est pas conforme à la réalité ». Demain, en cas de censure du gouvernement de Michel Barnier, l’adoption du budget fin décembre semble compromise. Pierre Ouzoulias assure que « si c’est le budget de 2024 qui est reconduit, c’est un progrès par rapport à celui de 2025 », mais Stéphane Piednoir considère que « mettre à la poubelle tout un travail législatif, c’est totalement irresponsable ».

Le

Paris: Handover Ceremony at The Education Ministry
7min

Éducation

Education sexuelle : le ministre Alexandre Portier recadré par Anne Genetet sur « la théorie du genre »

La ministre de l’Education nationale, Anne Genetet, s’est démarquée des propos tenus par son ministre délégué, Alexandre Portier, sur le futur programme d’éducation à la vie sexuelle et affective, qu’il accuse de servir de véhicule à la prétendue « théorie du genre ». « Ce programme n’a pas d’idéologie », a assuré la macroniste auprès de BFMTV. Une dissonance qui rappelle que les deux locataires de la rue de Grenelle sont issus d’horizons politiques différents.

Le

ECOLE DE LANTA
3min

Éducation

[Info Public Sénat] Le Conseil d’Etat annule les groupes de niveau au collège pour la rentrée 2025/2026

C’est la réforme phare de Gabriel Attal, quand il était ministre de l’Education nationale. Le Conseil d’Etat a décidé d’annuler l’article 4 de la réforme, suite à plusieurs recours contre la mesure. Une décision motivée par « incompétence » sur la forme, ce qui laisse encore la possibilité au gouvernement de remettre le sujet sur la table.

Le