La ministre de l’Education nationale, Anne Genetet, a présenté ce mardi le deuxième volet de la réforme du « Choc des savoirs », initiée en 2023 par Gabriel Attal, et destinée à renforcer le niveau des élèves. La droite sénatoriale, qui a soutenu cette réforme, regrette des allégements vraisemblablement imposés par le contexte budgétaire. La gauche, en revanche, épingle des annonces faites sans retour sur les dispositifs déjà entrés en vigueur.
Baccalauréat : vers une modification du calendrier ?
Par Thomas Fraisse
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La première édition du nouveau format du baccalauréat, qui n’a pas été ralentie par le Covid-19, se clôture vendredi. L’heure est désormais à la rétrospective. Le comité de suivi du baccalauréat se réunit une dernière fois, ce mardi, sous la tutelle du ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye pour tenter d’améliorer la formule. Surtout qu’hier, en pleine visite à Marseille, Emmanuel Macron en personne a émis des doutes sur le calendrier des épreuves actuelles. « J’ai demandé des aménagements pour qu’à partir de la rentrée prochaine le nouveau bac corresponde plus à nos besoins », a avancé le président de la République.
Instauré en 2018 par l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, le nouveau baccalauréat ne se joue désormais plus sur une semaine mais sur deux ans. Fini donc les épreuves en fin de classe de terminale, bonjour le contrôle continu. Chaque élève choisit trois spécialités avant d’entrer en Première. Le reste est évalué au cours des deux dernières années lycéennes. Petite particularité, à la fin de l’année de Première, après le passage des épreuves de Français, les lycéens abandonnent une spécialité qui intègre de facto le contrôle continu. À la fin du deuxième trimestre de l’année de Terminale, désormais, les lycéens passent les deux épreuves de spécialités. Chaque lycéen connaît d’ailleurs les notes de ces épreuves avant la fin de l’année. Avant même les trois derniers mois de l’année scolaire, les élèves ont ainsi passé 75 % des épreuves. Le troisième trimestre est réservé à la préparation de l’épreuve de philosophie et surtout du Grand oral, entretien portant sur les spécialités et sur le projet professionnel de l’élève.
Le successeur de Jean-Michel Blanquer rue de Grenelle, Pap Ndiaye, est conscient des difficultés calendaires que provoquent la réforme. « On ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle. Celle d’un troisième trimestre qui s’effiloche, un trimestre un peu fantôme. Cela fait 15 ans que les ministres de l’Éducation souhaitent reconquérir le mois de juin, c’est désormais tout le troisième trimestre qu’il faudrait reconquérir », s’est désolé le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse sur le plateau de France 2. « Des ajustements seront nécessaires ». Pap Ndiaye a également annoncé qu’il prendrait des décisions en septembre lors de la réception du rapport commandé par le Ministère à l’ancien recteur William Marois.
« Tout n’est pas à rejeter »
« Je ne m’étais pas trompé », ironise Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine. Jean-Michel Blanquer nous l’avait vendu en nous disant qu’il fallait que les élèves travaillent jusqu’en juin, résultats en mars ils arrêtent ». De l’autre côté de l’hémicycle, le vice-président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication Max Brisson (LR) confirme : « Tout ça pour ça. Depuis le début de la réforme, les organisations syndicales, les professeurs, les parents, les élus intéressés disent que ce calendrier ne tient pas la route ». « C’est un calendrier chaotique. Monsieur Blanquer porte l’entière responsabilité de cette situation chaotique. La charpente est mauvaise », accuse-t-il.
Toutefois, le sénateur LR conçoit que la réforme, bien qu’elle puisse être critiquée sur de nombreux plans, n’est pas fondamentalement absurde. « Tout n’est pas à rejeter dans la réforme. Comme le président de la République, je pense que le contrôle continu, qui permet de travailler toute l’année, est une bonne chose à côté des épreuves finales ». De plus, le sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques se satisfait de la formule « à la carte » des spécialités en ce qu’il concerne le niveau plus abrupt des mathématiques au baccalauréat. « J’étais favorable aussi aux spécialités. Aujourd’hui, je ne souhaite toujours pas le retour des séries. La série S était devenue une série généraliste où l’on avait abaissé le niveau de mathématiques pour l’ouvrir à tous les bons élèves même s’ils n’étaient pas scientifiques ».
Des pistes d’améliorations évoquées
Pap Ndiaye reçoit ce mardi deux scénarios concoctés par le directeur de l’Institut d’études politiques (IEP) de Lille Pierre Mathiot et Jean-Charles Ringard, tous les deux coprésidents du comité de suivi de la réforme. « D’abord, nous pensons qu’il faut laisser vivre encore la réforme du lycée : on ne peut pas, alors que cette année est la première de mise en place complète de la réforme, tirer des conclusions définitives hâtives », avance Jean-Charles Ringard à l’AEF. Deux propositions sont faites au ministre de l’Éducation nationale : conserver les épreuves de spécialité en mars en réhaussant les coefficients des épreuves de juin ou décaler les épreuves de spécialité en juin. Cette dernière proposition fait écho à la volonté de Max Brisson. « La seule réponse et la plus simple est de reporter à la fin de l’année scolaire, les épreuves de spécialité ».
En 2018, étant donné que les réformes de l’éducation peuvent être adoptées par voie réglementaire, le domaine législatif n’avait pas été saisi. Une décision de Jean-Michel Blanquer critiquée par le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, qui espère pouvoir discuter des « ajustements » proposés au Parlement. « Ce qu’il serait bien pour rattraper les choses, c’est que les conséquences de cette réforme soient vues avec le Parlement. Ce serait bien que Pap Ndiaye vienne nous voir et qu’il fasse le bilan des réformes. On pourrait l’aider à trouver de nouvelles pistes ». Max Brisson acquiesce : « Ce serait bien que les ajustements puissent donner lieu au moins à une audition de la commission de l’éducation, voire à un débat ».
La relation Parcoursup-baccalauréat divise le Sénat
Si les épreuves de spécialités sont placées si tôt dans l’année, c’est uniquement pour que la sélection des formations post-bac se basent sur des épreuves finales. « La réforme du bac n’a pas été pensée avec Parcoursup, ce qui est une catastrophe. Il faut penser les deux ensembles. C’est indispensable car ils sont complètement imbriqués », estime Pierre Ouzoulias. Justement Emmanuel Macron et Pap Ndiaye ont également évoqué cette situation. Si le premier souhaite redonner de « l’humanisme » à la sélection afin d’éviter les situations de stress critique, le second évoque l’idée de « conditionner l’admission Parcoursup à un travail régulier et assidu au troisième trimestre, à l’image des universités britanniques avec une admission ‘oui, si’ ». L’ex-enseignant à l’Université de Franche-Comté, Pierre Ouzoulias, souhaite aller plus loin en prenant en compte les notes complètes du baccalauréat pour la sélection. Ce système permettrait, selon lui, de conditionner une admission postbac à un travail sérieux tout au long de l’année mais aussi d ‘invisibiliser les effets de la notation de certains lycées et ainsi réduire les inégalités des chances à l’obtention d’une formation supérieure.
En face du sénateur communiste, Max Brisson avance tout le contraire. « Le contrôle continu est suffisamment structuré pour nourrir Parcoursup. Comme c’était le cas dans les filières sélectives de l’enseignement supérieur, nous avons toujours différencié les épreuves finales et les résultats obtenus tout au long de l’année. Il faut revenir à ce système, à cette charpente qui a fait ses preuves », propose Max Brisson. Bien sûr, la réussite au baccalauréat conditionne l’inscription en supérieur ».
Mercredi, le sénateur du Doubs Jacques Grosperrin (LR) rendra son rapport annuel de la mission d’information de suivi de la plateforme Parcoursup afin de l’améliorer. Il devrait recommander de réintroduire une « hiérarchisation » dans les choix de formations des élèves, d’après Pierre Ouzoulias, afin de raccourcir les délais d’admission.
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