Les élèves du collège lycée privée Notre-Dame-de-Toutes-Aides de Nantes se sont rassemblées fleurs blanches à la main ce vendredi 25 avril après-midi. Ils ont rendu hommage à la lycéenne tuée hier par un de leurs camarades âgé de 16 ans qui l’a attaquée avec un couteau. Trois autres élèves ont été blessés et le suspect scolarisé en classe de seconde a été hospitalisé pour réaliser des examens psychiatriques.
S’occuper de la santé mentale
Dans la foulée du drame hier, le Premier ministre a annoncé son souhait de « multiplier les contrôles » à l’entrée des établissements scolaires. François Bayrou a également annoncé qu’il réunirait un « groupe de travail que j’ai constitué il y a quelques semaines sur la volonté de bannir le port d’armes blanches dans les établissements et dans les lieux de rencontre pour les jeunes ». Autre « piste » à laquelle réfléchit le Premier ministre : installer des portiques de sécurité à l’entrée des établissements scolaires. « Je pense que tout ce qui peut aller dans le sens de la sanctuarisation de l’école, c’est une notion que j’ai défendue depuis longtemps. »
« Le problème de Nantes est un problème de suivi psychologique d’un gamin en très grande détresse », observe Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique. « J’attends que François Bayrou réponde aux vrais problèmes et qu’il ne fasse pas dans la surenchère sécuritaire ! » Sa collègue socialiste de Loire Atlantique Karine Daniel abonde : « La question, c’est plutôt les moyens d’alerte, de détection et de traitement d’enfants ou d’ados qui peuvent apparaître comme ayant des difficultés ». « Il faut apporter une réponse globale sur la santé mentale », juge aussi Laurence Garnier, sénatrice Les Républicains de Loire-Atlantique.
Les portiques : « trop chers », « inefficaces »
Partant de ce constat, pour les sénateurs de gauche et de droite interrogés, les portiques de sécurités évoqués par François Bayrou sont une fausse solution, d’autant qu’il ne précise pas s’il fait référence à des tourniquets ou des portiques détecteurs de métaux comme dans les aéroports. « Ça fait 15 ans qu’on entend parler de ces portiques et ça ne se fera pas plus après les déclarations tonitruantes du Premier ministre », estime Colombe Brossel, sénatrice socialiste de Paris et membre de la commission de la culture et de l’éducation. S’il dit comprendre « l’intention » de François Bayrou, le sénateur communiste Ian Brossat n’en est pas moins dubitatif : « Les portiques ne peuvent pas être installés partout et les établissements scolaires ne seront jamais des forteresses imprenables ».
Les portiques détecteurs de métaux poseraient d’ailleurs de nombreux problèmes. « Ils peuvent créer un phénomène d’engorgement qui expose les élèves », relève Karine Daniel. Au-delà des embouteillages créés devant les établissements, ils sont « inefficaces » rappelle Annick Billon, sénatrice centriste et rapporteure d’une proposition de loi sénatoriale sur la protection des écoles et des personnels. « Ceux qui veulent venir avec couteau peuvent venir avec un couteau en céramique », explique-t-elle.
Le coût d’installation d’un portique n’est également pas neutre pour les établissements scolaires. Il est estimé à plusieurs dizaines de milliers d’euros. « On pense qu’il vaut mieux investir sur les personnels, l’accompagnement éducatif, la santé et la prévention dans les établissements », ajoute Karine Daniel. « C’est trop cher et il vaut mieux soigner le mal à la racine » plaide dans le même sens Annick Billon. Leur collègue Les Républicains de Loire-Atlantique n’est pas non plus totalement convaincue par les portiques. « Il ne peut pas y avoir une solution unique, simple voire simpliste alors que la question est complexe », explique Laurence Garnier. Selon elle, il faut cibler l’installation de portiques « dans les établissements à risques » mais « on ne pourra pas mettre un policier derrière chaque lycéen pour l’empêcher d’entrer avec un couteau. »
Le Sénat propose un cadre législatif pour les fouilles
A côté du traitement de la santé mentale des jeunes, la question de la violence inquiète aussi les sénateurs. Confrontée à ce problème à Paris, Colombe Brossel explique que les couteaux sont des armes qui s’achètent librement dans le commerce et dont chacun dispose chez lui. Elle estime donc qu’il y a « un énorme travail de prévention à faire en expliquant que se balader avec un couteau ça n’est pas pour s’amuser ou se défendre ». « On ne peut pas accepter la banalisation du port d’armes blanches par les jeunes », dit aussi Laurence Garnier.
Depuis la mise en place de contrôles aléatoires à l’entrée des établissements scolaires par les policiers et les gendarmes au mois de mars, le ministère de l’Education nationale a recensé 94 saisies d’armes blanches sur 958 contrôles. Des fouilles auxquelles les sénateurs ont tenté de donner un cadre juridique à travers la proposition de loi sénatoriale de Laurent Lafon. Annick Billon, rapporteure du texte, a ajouté une disposition pour permettre les fouilles des sacs et des casiers des élèves par le proviseur, le proviseur adjoint ou le conseiller principal d’éducation. La sénatrice centriste propose d’instaurer une autorisation écrite annuelle de l’élève ou de ses parents s’il est mineur afin que ces fouilles puissent être réalisées. Le texte a été adopté à l’unanimité par les sénateurs le 6 mars dernier.