« Je me méfie des éléments de langage, « choc des savoirs » et « des formules », commente Benoît Hamon interrogé sur les annonces faites par Gabriel Attal. Le ministre de l’Education nationale a notamment proposé la mise en place de groupes de niveaux, le retour du redoublement, la nécessité d’obtenir le diplôme national du brevet pour accéder au lycée et la fin de l’harmonisation des notes au niveau académique pour les examens. Ces mesures ont été annoncées quelques heures après la publication du classement Pisa par l’OCDE rapportant une chute historique en mathématiques et en compréhension écrite des élèves français.
« Ce que je vois, c’est la réalisation d’un fantasme des plus aisés »
« Ce que je comprends de ce qu’il va faire m’effraie », affirme Benoît Hamon qui craint que la mise en œuvre de groupes de niveaux produise un effet négatif. « Les groupes de niveaux en mathématiques et en français, c’est décréter, dès la sixième, qu’il y aura des élèves à la cave, au rez-de-chaussée et des élèves au premier étage », déplore Benoît Hamon. L’ancien candidat socialiste à l’élection présidentielle craint que les groupes de niveaux agissent comme un frein à la progression des élèves.
Surtout, Benoît Hamon fustige des mesures inefficaces prises pour plaire à la droite. « Ce que je vois c’est la réalisation d’un fantasme des plus aisés. Cet imaginaire, c’est de penser que les élèves les plus en difficulté tirent tout le monde vers le bas. Cette proposition va réaliser ce fantasme », souligne Benoît Hamon, ajoutant qu’il est « difficile d’échapper à son milieu ». L’ancien ministre estime que cette approche détourne l’école de ses véritables missions. « Gabriel Attal prend acte qu’il faut un système élitiste », regrette Benoît Hamon qui rappelle que « les sciences éducatives nous montrent que ce type de système aggrave les inégalités ». Plusieurs études, notamment de l’OCDE, pointent l’absence d’effet positif lié au redoublement.
« Le système français, très élitiste, va fracturer une génération »
Pour Benoît Hamon, le ministre de l’Education nationale fait une erreur d’analyse en prônant la fermeté. « L’Education nationale, c’est le temps long et personne ne peut penser qu’un plan construit de cette manière va régler ce qui est la réalité du système français, le choc des inégalités », explique Benoît Hamon. Surtout, l’ancien candidat socialiste identifie une forme de diversion de la part de Gabriel Attal alors que le classement Pisa s’attarde longuement sur les défaillances structurelles du système éducatif français. Le classement rappelle aussi le poids du milieu socio-économique de l’élève dans sa réussite scolaire. « Les conditions d’enseignement se sont globalement dégradées. Le système français, très élitiste, va fracturer une génération », craint Benoît Hamon. « La mission de l’école c’est élever, émanciper, il y a indiscutablement une promesse que l’école ne tient pas », continue Benoît Hamon qui fustige des réformes favorisant le déterminisme et la reproduction sociale.
« Quand on a des conditions d’enseignement qui sont celles-là, on ne peut pas s’attendre à faire des bons dans les classements, il y a un moment où ça décroche », constate Benoît Hamon.