Le marathon budgétaire est arrivé à son terme au Sénat. Au terme de trois semaines de débats, la chambre haute du Parlement a adopté une version substantiellement modifiée du projet de loi de finances pour 2024. Mis au vote au cours d’un scrutin solennel à la tribune, il a été adopté 191 voix contre 103.
La droite insiste sur le vote de « plus de sept milliards d’économies » supplémentaires
La copie sortie du Sénat présente un déficit moins important, notamment sous l’effet des mesures économies adoptées ces derniers jours (relire notre article). « Ce sont plus de sept milliards d’économies qui ont été votés, et ce ne sont pas des économies au détriment du défi de la transition écologique ou de la croissance. L’effort de redressement des finances de l’État est réel, et non porté exclusivement par disparition progressive et inéluctable des mesures de crise », a souligné Christine Lavarde, cheffe de file du groupe LR dans cette discussion budgétaire.
Également « préoccupés par l’état des finances publiques », les centristes se sont aussi félicités d’avoir pesé sur le texte, notamment en créant de nouvelles recettes, que ce soit sur la fortune « improductive », le rachat d’actions ou encore les hauts revenus. « Il faut vraiment que vous écoutiez les propositions des centristes », a encouragé Michel Canevet, en direction du banc du gouvernement.
Les LR au Sénat, aussi « victimes de leur majorité relative », selon les sénateurs macronistes
Ces amendements dans les premiers jours de la discussion ont souvent été adoptés contre l’avis de leur partenaires LR. Une situation que n’a pas manqué de tourner en dérision Didier Rambaud, sénateur Renaissance de l’Isère. « Vous êtes victimes de votre majorité relative – eh oui vous aussi […] La partie 1, c’est le manifeste politique de l’Union centriste, pas votre budget, reconnaissons-le », a-t-il fait remarquer face aux bancs LR. Le sénateur de l’Isère a aussi dénoncé la disparition de « pans entiers » du budget, comme la cohésion des territoires ou l’immigration.
Pour cette raison en particulier, les sénateurs favorables au gouvernement, de François Patriat, ont préféré s’abstenir sur le budget, tout comme les indépendants de Claude Malhuret ou encore l’essentiel du groupe RDSE, composés de parlementaires du Parti radical entre autres. « Je crains que le budget ne manque de crédibilité », s’est inquiété Emmanuel Capus (Horizons). Le sénateur du Maine-et-Loire reconnaît cependant que le budget voté « nous ramène lentement mais sûrement dans les clous de nos engagements européens ».
La déception des groupes de gauche
À gauche, les trois groupes ont choisi de voter contre le projet de loi. Pour le socialiste Thierry Cozic, le texte est « inique, à sens unique et ne permet pas de relever la complexité des problèmes contemporains ». Il a dénoncé une forme de « jusqu’au-boutisme » avec le « désarmement fiscal ».
Même regrets chez les écologistes, remontés contre le refus en séance d’un ISF climatique. « Vous n’aurez pas d’autre choix que d’y venir », a parié l’écologiste Grégory Blanc. Les communistes ont estimé que ce budget ne permettrait pas d’améliorer « la vie des gens ». « Le gouvernement et la droite ont des projets qui se confondent avec un même centre de gravité : des économies pour les ménages, les services publics et l’égalité territoriale, mais pas pour les actionnaires, ni les plus hauts revenus », s’est offusqué Pascal Savoldelli.
« Votre responsabilité est grande », avertit le rapporteur général devant le gouvernement
Reste désormais à savoir ce que deviendra ce texte, modifié durant 151 heures par les sénateurs, à l’inverse d’une Assemblée nationale sans majorité, où le 49.3 a coupé court aux débats. « Je vous charge d’en faire le meilleur usage et de les porter auprès du gouvernement, et de la Première ministre, et je dirais du président de la République, et de dire qu’ici la démocratie vie, elle bat comme le cœur des territoires », a recommandé le rapporteur général Jean-François Husson (LR). Le chef d’orchestre de la commission des finances a particulièrement insisté cette année sur la nécessité de tenir des comptes des travaux de la chambre haute. La mise en garde intervient juste après un revers spectaculaire pour le gouvernement à l’Assemblée nationale sur le texte immigration. « Votre responsabilité est grande, elle est même encore plus grande aujourd’hui qu’elle ne l’était avant-hier […] Si la démocratie ne vit pas avec les apports du Sénat, je pense qu’on sera encore plus fragiles », a imploré le sénateur de Meurthe-et-Moselle.
Si Thomas Cazenave, le ministre des Comptes publics, a souligné que beaucoup d’orientations du texte initial étaient partagées de part et d’autre, avec la majorité sénatoriale, il a aussi relevé de nombreux « désaccords ».