Voitures électriques : Enedis prévoit « 17 millions » de véhicules d’ici 2035

Auditionnée ce mercredi 27 mars par la Commission des affaires économiques, la présidente du directoire d’Enedis, Marianne Laigneau, est revenue sur les enjeux de la transition énergétique, « un véritable défi pour les réseaux électriques », selon la présidente LR de la commission, Dominique Estrosi-Sassone. A la clé notamment, le vaste déploiement des voitures électriques, avec « 17 millions » de véhicules d’ici 2035, soit dix fois plus qu’actuellement.
Alexis Graillot

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« La décarbonation et la réindustrialisation de notre économie impliquent des investissements massifs pour accélérer le raccordement des projets d’électricité nucléaire comme renouvelables, et accompagner l’électrification des usages dont l’alimentation des véhicules électriques et des électrolyseurs d’hydrogène ». L’année 2023 a été en effet marquée par une situation tout à fait exceptionnelle en matière d’aléas climatiques, avec pas moins de 16 tempêtes, rendant la transition énergétique plus que jamais nécessaire.

« Défi écologique et industriel », « modification des usages », « sobriété », « résilience du réseau aux aléas climatiques », la présidente du directoire d’Enedis a dressé les grands enjeux du réseau électrique pour les années et décennies à venir.

« Un grand défi écologique et industriel »

Forte de l’annonce de 100 milliards d’euros d’investissements d’ici 2040 afin d’opérer la transition écologique et énergétique, Marianne Laigneau a d’abord souhaité mettre en valeur le « grand défi écologique et industriel », que le changement climatique implique. Un défi qui correspond à « la seconde électrification de France », qui passe par « sortir des énergies fossiles pour à la fois baisser notre consommation d’énergie à hauteur de moins 40% d’ici 2050 », tout en faisant « monter la part de l’électricité à 50% », alors que celle-ci n’est que de 25% aujourd’hui.

Parmi les « 842 000 producteurs d’énergies renouvelables raccordés par Enedis », Marianne Laigneau a souligné qu’un peu plus de la moitié d’entre eux (430 000), étaient des autoconsommateurs, en d’autres termes, la consommation de sa propre électricité. « Une pratique amenée à se développer fortement », si l’on en croit le ministère de la Transition écologique et des territoires, qui l’explique par « la baisse des coûts de production des installations d’électricité à partir de sources renouvelables et la hausse concomitante du prix de détail de l’électricité ». Une autoconsommation au sein de laquelle l’énergie solaire occupe désormais « une place prépondérante », rappelle-t-elle, en raison du peu de contraintes d’installation et des faibles coûts de production, que nécessite la pose de panneaux photovoltaïques.

Tout cela dans un contexte de fort déploiement des véhicules électriques, illustré notamment par la mise en place du leasing électrique, qui permet aux particuliers disposant d’un faible revenu de bénéficier d’une voiture électrique sous la forme d’un contrat de location sur au moins 3 ans, en échange d’un loyer d’une centaine d’euros. Ce dispositif, qui devrait être reconduit en 2025, n’est pas sans incidence pour le réseau électrique, alors même que l’Europe a décidé de l’interdiction de la vente des voitures thermiques à horizon 2035. Alors qu’aujourd’hui, la France compte « 1,6 million de véhicules électriques et hybrides », Marianne Laigneau explique qu’Enedis devra raccorder « 8 millions de véhicules en 2030 », et « 17 millions en 2035 », soit dix fois plus qu’actuellement : « des chiffres vertigineux », souligne-t-elle. Le raccordement s’annonce d’autant plus complexe que « 90% de la recharge de ces véhicules s’effectue à domicile », même si les progrès se font sentir, puisque « 95% des autoroutes sont aujourd’hui équipées » de bornes de recharge.

L’enjeu de la « sobriété »

« Nous constatons un effet de sobriété durable », se félicite la présidente du directoire du groupe électrique, rappelant que « 37 millions de Français sont équipés d’un compteur Linky », qui leur permettent de suivre leur consommation, dont « 70% d’entre eux disent la suivre et s’estiment suffisamment équipés et informés pour le faire ». Néanmoins, Marianne Laigneau reconnaît que le contexte inflationniste explique en majeure partie cette sobriété, relayant une étude de l’ADEME, qui expliquait que cette diminution de la consommation était « à deux tiers subie et à un tiers choisie ».

Un constat analogue peut être dressé pour les collectivités territoriales, alors qu’en moyenne, l’éclairage public d’une commune constitue « 40% du budget d’une facture d’énergie ». L’année dernière a marqué une « baisse de 17% » de la consommation, qui s’explique une nouvelle fois par la hausse du coût de l’énergie, mais également par la « mise à disposition du Portail des collectivités locales », « un outil gratuit permettant aux communes de suivre leur consommation ».

Un enjeu de la sobriété également tout particulier pour les petites communes, les plus affectées par la hausse brutale des coûts de l’énergie. A ce titre, la présidente du directoire d’Enedis rappelle que si « 90% des énergies renouvelables en France sont raccordées par le réseau de distribution (…), plus de 60% de ces énergies sont situées dans des communes de moins de 2000 habitants ».

Une nécessaire « résilience » du réseau aux aléas climatiques

Face aux 16 tempêtes qui ont touché la France en 2023, Marianne Laigneau a d’abord dressé un constat factuel : « Nous constatons une fréquence plus importante d’aléas climatiques », qui implique de rendre le réseau plus résilient. A ce titre, elle salue que « 90% des clients ont vu leur électricité revenir dans les 48 heures ». Elle a ensuite détaillé une série de mesures devant permettre d’assurer cette résilience, structurées autour de 96 milliards d’euros d’investissement en la matière d’ici 2040 : « programmes d’enfouissement des lignes les plus exposées », « changement des câbles les plus susceptibles d’être frappés par les incidents » … tout en veillant à préserver « un tarif soutenable » pour les consommateurs. « Anticiper, programmer, planifier », sont d’ailleurs les maîtres mots martelés par la haute fonctionnaire, soulignant la « responsabilité particulière » du réseau électrique en la matière, qui engendre un « défi humain », que représente le recrutement de futurs salariés dans des nouveaux métiers.

Interrogée justement sur cette politique salariale, la présidente du directoire d’Enedis a assuré que le groupe disposait d’une « politique ambitieuse » en la matière, soulignant qu’alors que l’inflation était à 9% en cumul ces deux dernières années, les augmentations salariales avaient été « en moyenne à hauteur de 13.5% », avec une prime d’intéressement stabilisée à 1800 euros. Dans la même lignée, elle a rappelé son « attachement » au service public de l’électricité, « une notion moderne », qui correspond au cahier des charges de l’entreprise, une « entreprise à mission », accentuant sur le fait qu’« aucun projet d’ouverture du capital d’Enedis » n’était à l’ordre du jour.

« Les JO, un bon exemple de changement de mentalité auquel nous devons nous préparer »

Questionnée également sur le déploiement de bornes électriques événementielles pendant la période olympique, Marianne Laigneau a expliqué que ce moment constituait « un bon exemple de changement de mentalité auquel nous devons nous préparer ». « Par culture et par habitude, pour éviter les microcoupures, certains acteurs avaient l’habitude d’utiliser des groupes électrogènes diesel », précise-t-elle. « Nous travaillons pour passer à une utilisation du réseau en premier recours », décrit la haute fonctionnaire, soulignant les « 100 millions d’euros de travaux », déployés sur « 800 000 chantiers sur toutes les installations sportives des JO ». Objectif affiché ? « Rendre les JO plus verts et responsables », que la mise en place de bornes électriques événementielles, outils « enfouis dans le sol et qui peuvent, par télécommande, sortir du sol pour offrir des possibilités de branchement avec une bonne puissance », constituent. Ces bornes, installées à la demande des collectivités locales et coexploitées avec le réseau, doivent permettre d’« améliorer l’impact environnemental des événements », en réduisant de « 90 % les émissions de CO₂, en améliorant la qualité de l’air et en réduisant les nuisances sonores », explique de son côté, la ville de Paris. Cependant, Marianne Laigneau l’assure. Son objectif est de « généraliser le dispositif avec d’autres localités au-delà des JO ».

Enfin, impossible de ne pas évoquer dans la chambre des collectivités, les relations qu’entretiennent les collectivités avec le groupe électrique. Sur ce point, sa présidente loue le « dispositif de maillage » mis en place, ainsi que les « contrats de concession renouvelés à 95% ». Si certains sénateurs ont cependant fait état de problèmes locaux auxquels ces derniers n’avaient pas eu de réponse, Marianne Laigneau promet le « dialogue ». Du dialogue, nul doute qu’il en faudra face à tous ces enjeux.

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