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Vie chère en Martinique : « Tant que le gouvernement n’est pas mis en place, ça ne peut pas avancer »

Plusieurs membres des forces de l’ordre ont été blessés hier soir en Martinique en marge des manifestations contre la vie chère. Depuis plusieurs jours des blocages orchestrés à l’initiative d’un collectif de citoyens ont eu lieu dans les grandes surfaces où les prix des produits alimentaires sont plus élevés de 40 % en Martinique. Plusieurs réunions ont déjà eu lieu à la préfecture entre élus locaux et acteurs économiques, mais sans ministre des Outre-mer, le sujet n’avance pas.
Simon Barbarit

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« Il y aura un ministre délégué aux Outre-mer », affirmait la semaine dernière un témoin de la rencontre entre Michel Barnier et les parlementaires LR à Annecy. Au vu des dossiers qui s’amoncellent depuis la dissolution, réforme institutionnelle en Nouvelle Calédonie, situation migratoire à Mayotte et désormais les mobilisations contre la vie chère en Martinique… l’idée serait loin d’être saugrenue. Rappelons que depuis 2022, ce portefeuille a été rattaché à Beauvau.

« Nous ne sommes pas face à un mouvement social »

Depuis la rentrée, plusieurs actions de blocages de grandes surfaces sont menées par un collectif du rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes (RPPRAC). Et depuis le début du mois, plusieurs actes de violences ont accompagné ces blocages. Mardi soir, dans les quartiers Dillon et Sainte-Thérèse à Fort-de-France, des « groupes d’individus qui se sont adonnés à des « saccages », indique la préfecture. Un véhicule a été incendié, des conteneurs ont été pillés. « Plusieurs dizaines de tirs d’armes à feu » ayant pris pour cible les forces de sécurité » ont fait « six blessés parmi les policiers », indique la préfecture.

« Cette situation était prévisible puisque depuis 2009 (à l’époque une grève générale avait paralysé l’île pendant plus d’un mois), la Martinique s’était déjà levée contre la vie chère et rien n’a été fait. Les prix alimentaires sont plus élevés de 40 % par rapport à la Métropole et les pièces automobiles sont plus élevées de 500 %. Entre le départ d’un produit et son arrivée chez nous, il y a 13 segments qui rajoutent un coût, le transport, les distributeurs… On sait bien que les prix ne peuvent être les mêmes qu’en Métropole, mais il faut trouver des solutions pour faire baisser les prix, mais tant que le gouvernement n’est pas mis en place, ça ne peut pas avancer », se désole le sénateur Frédéric Buval membre du groupe RDPI (Renaissance).

« Nous ne sommes pas face à un mouvement social. Ces actions sont menées par une association et il a des pillards qui agissent dans certains quartiers », précise la sénatrice PS, Catherine Conconne.

Vers une baisse de « l’octroi de mer »

Dans une interview donnée à la radio RCI, le préfet de Martinique, Jean-Pierre Bouvier a lancé quelques pistes pour faire baisser les prix. « Il y en a une qui consisterait à faire porter une partie de ces coûts sur les produits à forte valeur ajoutée. Ensuite, on peut aussi travailler sur une péréquation de l’octroi de mer ».

L’octroi de mer est une imposition spécifique des départements d’Outre-mer sur les produits importés qui remonte à l’époque coloniale. Le produit de cette taxe de 378 millions est réaffecté vers les 34 communes de la Martinique, mais aussi à la collectivité territoriale. « Toucher à cette fiscalité pourrait poser un problème car elle représente une part importante du budget des communes. Dans la mienne, à la Trinité, ça représente 500 000 euros. La diminuer aurait un impact sur son fonctionnement. Et n’oublions pas que dans l’économie martiniquaise, les communes sont les premiers employeurs des entreprises », rappelle Frédéric Buval.

« Et si on supprimait l’octroi de mer, on porterait un coup dur à la production locale », ajoute la sénatrice socialiste de Martinique, Catherine Conconne qui reconnaît « que le sujet n’est pas simple car 80 % des produits ici sont importés avec les coûts intermédiaires que cela engendre. Les prix ne seront jamais les mêmes qu’en Métropole. Nous sommes quand même dans une économie libérale et l’intervention de l’Etat reste limitée ».

Une référence à la demande du président de la collectivité territoriale, Serge Letchimy qui a appelé le gouvernement à bloquer les prix. L’ancien député apparenté socialiste demande aussi une suppression de la TVA sur 54 familles de produits essentiels, un encadrement des marges des importateurs, grossistes et distributeurs et une augmentation du montant de l’aide fret ».

Retraites et revenus des Martiniquais

« La Corse bénéficie d’une prise en charge de la moitié du coût du fret par l’Etat », appuie Catherine Conconne. La sénatrice pointe également le problème de revenus des Martiniquais et évoque la piste d’un « Smic Outre-mer ». Mais l’élue insiste surtout sur le niveau des retraites en Martinique. « Le niveau des pensions est très faible en Martinique en raison des carrières hachées, certaines personnes n’ont pas toujours été déclarées. J’avais alerté Olivier Dussopt lors de l’examen de la réforme des retraites, il s’était engagé à dépêcher une mission du COR (Conseil d’orientation des retraites). Je ferai la même demande au prochain ministre du travail.

Depuis le début du mois deux tables rondes ont été organisées à la préfecture de Martinique avec les acteurs de la grande distribution et les institutions, les représentants du RPPRA. Ces derniers ont, cependant, quitté la salle dès le début le début suite au refus du préfet de retransmettre les échanges en direct sur les réseaux sociaux. Les participants se sont engagés à baisser de 20 % en moyenne 2 500 produits de la grande consommation. « Mais le préfet ne peut s’engager à la place du gouvernement », insiste Frédérique Buval.

 

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